L’exception
irlandaise a vécu. Le 25 mai, vendredi de l’octave de la Pentecôte, les
Irlandais ont dit oui à 66,4 % à la légalisation de l’avortement
(33,6 % ont répondu non). Le résultat est d’autant plus significatif que
la participation a été élevée : 64,1 % des électeurs se sont rendus aux
urnes. Le oui est encore plus massif parmi les nouvelles générations,
particulièrement déchristianisées et très sensibles à la propagande
médiatique, et il est plus élevé dans les villes que dans les campagnes.
Ce score n’est pas vraiment une surprise pour ceux qui ont suivi de
près l’évolution de la mentalité et des mœurs des Irlandais ces
dernières décennies. Le divorce a été instauré dans la Verte Erin en
1995 et il y a trois ans, le 22 mai 2015, les Irlandais avaient déjà
voté, à 62,07 %, pour la légalisation du “mariage” homosexuel (et à 71 %
dans la capitale, Dublin !). A partir du moment où les électeurs
votaient en masse pour le principe d’une union civile entre personnes du
même sexe, il était somme toute assez logique qu’ils missent fin au
principe du refus de l’avortement. La libéralisation de l’IVG est totale
et massive : l’avortement sera autorisé jusqu’à trois mois sans motif, et jusqu’à six mois sur justification médicale.
La législation sur l’avortement sera désormais plus laxiste dans la
ci-devant très catholique Irlande que dans la protestante Irlande du
Nord où l’IVG est actuellement limitée au risque pour la vie de la mère
ou pour sa santé mentale ou physique « à long terme », ce qui permet
déjà des interprétations très larges. Déjà, l’on fait pression pour que
l’Ulster libéralise encore sa législation sur ce sujet, les partisans de
la culture de mort ne désarment jamais ! L’interdiction de
l’avortement, formulée dans le huitième amendement de 1983 à la
constitution irlandaise, n’aura donc pas résisté à l’apostasie
universelle, à l’immoralité générale, aux pressions des cercles
européistes, des milieux médiatiques, aux lamentables exemples donnés
par tous les autres pays européens et occidentaux.
Redisons-le, ce résultat est tout sauf étonnant, même si la large victoire du oui est tout de même impressionnante. La déchristianisation est aujourd’hui quasiment aussi forte dans la Verte Erin que sur le reste du continent européen.
La plupart des Irlandais n’ont plus aucune pratique religieuse, si ce
n’est, pour des raisons essentiellement mondaines et sociales, à
l’occasion d’un mariage, d’un baptême ou d’un enterrement. Il faut dire
aussi que la pédomanie, hélas avérée, au sein du clergé “catholique”
irlandais a fait un mal fou, beaucoup de gens étant écœurés par le
comportement en effet scandaleux d’ecclésiastiques déviants et indignes
et perdant la foi. Des Irlandais nous disaient qu’ils hésitaient à
mettre leurs enfants au catéchisme, de crainte qu’ils ne fussent
victimes d’un prédateur. Certes les media se sont complu à donner une
publicité maximale à ces affaires, en en grossissant l’importance
numérique, mais hélas ils ne les ont pas inventées.
Il
faut dire aussi que la publicité pour la contraception est très
agressive en Irlande depuis de longues années dans les rues, dans les
écoles et les universités, dans les lieux publics. Or, contrairement à
ce que beaucoup de gens croient, c’est la mentalité contraceptive qui
favorise l’avortement. Elle n’est en rien un frein ou un remède. C’est
si vrai que tous les pays occidentaux qui ont dépénalisé les moyens de
contraception ont légalisé l’avortement cinq à dix ans plus tard. C’est
notoirement le cas de la France où la loi Veil libéralisant
l’avortement (janvier 1975) a succédé moins d’une décennie plus tard à
la loi Neuwirth (décembre 1967) légalisant la pilule contraceptive.
La contraception de masse favorisant l’hédonisme, l’individualisme et
l’irresponsabilité, découplant la sexualité de la procréation, conduit
mécaniquement et inexorablement à l’avortement de masse.
Quelle est donc cette société barbare qui considère comme un droit fondamental et élémentaire, comme une fantastique conquête de la femme et des temps modernes, qu’une mère tue le fruit de ses entrailles, ce qui est l’inversion satanique de l’Ave et de l’Incarnation du Verbe !
Comment un peuple peut-il avoir un avenir s’il tue ses enfants avant même leur naissance ?
Comment même mérite-t-il de vivre, de durer s’il se comporte de manière
aussi moralement abjecte ? L’avenir d’une nation repose sur les
nouvelles générations, sur les enfants qui seront conçus, qui naîtront
et seront élevés et éduqués. Comment peut-on croire à l’avenir d’une
nation qui décide d’éliminer le plus légalement du monde tous les bébés à
naître qui la gênent dans son appétit de jouissance ? Les télévisions
ont montré des scènes de liesse après les résultats du référendum
indiquant une victoire triomphale des partisans de la mort et du crime.
Quelle indécence ! Mais aussi quel symbole de la dégénérescence morale
d’un peuple qui fut autrefois si pieux, si vertueux, si travailleur, si
dur au mal, si fier de sa foi, de ses traditions, de ses saints, de ses
héros et de ses martyrs, si jaloux de ce trésor inestimable que
constitue la foi en Dieu !
On
parle souvent du Grand Remplacement et on a raison de le faire. Ce
phénomène est le fruit de l’immigration de masse, des naissances
allogènes sur notre territoire mais il est tout autant la conséquence de
la contraception et de l’avortement de masse, ce que l’on ne dit pas
assez. Quels sont les mouvements politiques qui dénoncent ce génocide
silencieux (plus de huit millions de victimes depuis la loi Veil en 1975
à raison de 300 000 par an) ? Quels sont ceux qui promeuvent une
politique familiale et nataliste ambitieuse ? Certes il ne suffit pas de
mettre au monde des enfants, encore faut-il les élever en leur
inculquant un certain nombre de principes et de vertus et en faisant
l’impossible pour qu’ils y restent fidèles, ce qui n’est pas facile dans
le monde d’aujourd’hui, mais il est vain de prétendre inverser le cours
des choses, redresser la nation sans la constitution et
l’épanouissement de familles nombreuses et enracinées, aux convictions
solides, sans une vie familiale à la fois joyeuse, aimante, chaleureuse,
cultivant les vertus domestiques, le dépassement de soi, la bonne
entente et la bonne humeur.
On
évoque souvent dans nos milieux la nécessité d’une réémigration,
graduelle ou brutale, partielle ou totale, des immigrés extra-européens
présents actuellement sur notre territoire. Mais on aura beau mettre en
œuvre toutes les réémigrations que l’on voudra, tenir à ce sujet les
discours les plus enflammés, prendre les mesures les plus musclées, on
ne sauvera pas un peuple qui ne fait plus d’enfants, on ne pourra
continuer à faire vivre une nation qui a choisi de se suicider, ou
plutôt que l’on a aidée à se supprimer. On disserte sur le Grand
Remplacement des peuples, et on a bien sûr raison de le faire, mais il
est peut-être pire encore, c’est le Grand Remplacement des cœurs, des
esprits et des âmes. Si les peuples européens et occidentaux n’ont plus
l’énergie et l’envie de vivre, de se battre, d’aimer et de se donner, de
se sacrifier, de se dévouer, de se transcender pour transmettre la vie
et tout un héritage, à la fois matériel et immatériel, alors il n’y a
plus rien à faire. La solution ne dépend pas seulement de ceux qui nous
dirigent, elle dépend aussi, très modestement mais très concrètement, de
chacun d’entre nous.