PolitiqueLe gouvernement, fortement marqué à droite, devra affronter ses contradictions internes.
Ils ont juré vendredi sur la Constitution italienne dans le palais du Quirinal. Le président du Conseil, Giuseppe Conte, et les ministres de son gouvernement incarnent le premier Exécutif populiste et d’extrême droite à gouverner un pays d’Europe occidentale, troisième économie de l’Union. Le cabinet est composé de neuf ministres du Mouvement 5 étoiles (M5S), de six de la Ligue et de trois «techniciens». Sans expérience politique, Giuseppe Conte est un président du Conseil sans autonomie qui devra rendre des comptes à ses actionnaires majoritaires, Luigi Di Maio et Matteo Salvini.
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Matteo Salvini, justement, est l’homme fort du cabinet. Le programme du désormais ministre de l’Intérieur est basé sur la sécurité et la lutte contre l’immigration. Et les premières mesures qui pourraient être adoptées par le gouvernement sont l’élargissement du concept de légitime défense – «la défense est toujours légitime à l’intérieur d’une propriété privée» –, la diminution des fonds destinés à l’accueil des immigrés, la réouverture des centres d’identification où les migrants sont privés de liberté et le rapatriement de masse d’étrangers. La boussole du gouvernement pointe clairement une direction, très à droite.
Sur les autres versants de la politique, la composition du cabinet pose davantage de questions qu’elle n’apporte de réponses. Les négociations ont longtemps buté sur la personnalité de Paolo Savona, l’économiste anti-euro qui était destiné au Ministère de l’économie. Le président Mattarella a obtenu qu’il soit dérouté vers le Ministère des affaires européennes. «Dracula à la tête de la banque du sang», a titré un quotidien transalpin pour résumer la panique que suscitera l’arrivée du professeur Savona, «le plus mauvais caractère de la Péninsule» selon l’un de ses amis, dans les sommets européens.
Toutefois, Paolo Savona sera surveillé de près par le ministre des Affaires étrangères, Enzo Moavero Milanesi, un ancien fonctionnaire européen qui fut ministre des gouvernements Monti et Letta, gages indiscutables de sa foi inébranlable dans l’Union et la monnaie unique.
Le troisième acteur fondamental des positions de l’Italie à l’égard de l’Europe est le ministre de l’Économie, Giovanni Tria. Membre de l’establishment et fondateur d’une école d’administration sur le modèle de l’ENA, Tria récuse une sortie de l’euro, même s’il considère que la monnaie unique «n’est pas irréversible» et qu’il accuse l’Allemagne pour les excédents de ses exportations. Avec un tel attelage, quelle sera la synthèse de la diplomatie italienne sur l’Europe? Personne ne peut le dire aujourd’hui.
Durant la campagne électorale, le M5S et la Ligue ont revendiqué la primauté du programme sur les hommes. «C’est le programme qui va au gouvernement», a maintes fois répété Luigi Di Maio. Mais, confronté à la dure réalité des chiffres, le fameux programme prend l’eau de toute part. Son coût est évalué à 110 milliards d’euros… pour 500 millions de couverture financière.
Résultats attendus
Le nouveau ministre de l’Économie, Giovanni Tria, ne croit pas que la «flat tax» (tranche d’impôt unique) voulue par la Ligue augmentera les rentrées fiscales. Et il voit dans le revenu de citoyenneté, voulu par le M5S, un mécanisme qui risque de diviser l’Italie entre productifs et assistés. Mais au terme d’une campagne électorale hallucinante, Salvini et Di Maio ont besoin d’obtenir des résultats sur les engagements qui leur ont permis d’arriver au pouvoir.
Vendredi, le prosecco a coulé à flots après la prestation de serment dans les salons du palais du Quirinal. Il fallait évacuer les tensions des trois derniers mois. Ce samedi, l’Italie célèbre sa fête nationale. Mais dès lundi, le gouvernement Conte devra affronter ses contradictions. (TDG)