
Le livre Rise and Kill First : The Secret History of Israel’s Targeted Assassinations, écrit par le chroniqueur militaire israélien Ronen Bergman, est un bestseller des livres vendus par le New York Times. Pourtant, les médias francophones n’en font guère écho.
Et pour cause. Ce livre raconte comment,
dans les années 1979-1982, le gouvernement israélien a créé au Liban
une organisation qui a commis de très nombreux attentats terroristes.
Un agent du Mossad cité dans ce livre témoigne :
« Des choses terribles ont été faites avec le soutien de Sharon. J’ai soutenu et même participé à quelques-unes des opérations d’assassinats effectuées par Israël. Mais là nous parlons d’extermination de masse, juste pour tuer et pour semer le chaos et l’effroi chez les civils. Depuis quand envoyons-nous des ânes chargés de bombes dans des marchés pour qu’ils explosent ? »
De 1979 à 1983, précisément durant la
période qui sépare les conférences de Jérusalem et de Washington, Israël
fit organiser une campagne à large échelle d’attentats à la voiture
piégée qui tua des centaines de Palestiniens et de Libanais, civils pour
la plupart. Plus remarquable encore, un des objectifs de cette
opération secrète était précisément de pousser l’Organisation de
libération de la Palestine (OLP) à recourir au « terrorisme » pour
fournir à Israël la justification d’une invasion du Liban. Ces
assertions ne sont pas le produit d’un esprit conspirationniste. Une
description des grandes lignes de cette opération secrète a été
publiée dans le New York Times Magazine du 23 janvier 2018 sous la signature de Ronen Bergman. L’article était adapté de son livre Rise and Kill First : The Secret History of Israel’s Targeted Assassinations où
figure un compte rendu bien plus détaillé de l’opération, entièrement
basé sur des interviews avec des responsables israéliens impliqués ou
informés de l’opération.

Dans le New York Times, Ronen Bergman, chroniqueur du quotidien israélien Yedioth Ahronoth, a décrit comment, le général Rafael Eitan, alors chef d’état-major, lança avec le général Ben-Gal,
commandant de la région nord, la mise en place d’un groupe dont le rôle
serait de mener des opérations terroristes en territoire libanais. Avec
l’accord du général Eitan, le général Ben-Gal recruta le général Meir Dagan, « le plus grand expert en opérations spéciales » d’Israël (et futur chef du Mossad), et « tous les trois mirent en place le Front pour la libération du Liban des étrangers [FLLE] ».
Ronen Bergman cite le général David Agmon :
« Le but était de créer le chaos parmi les Palestiniens et les Syriens au Liban, sans laisser d’empreinte israélienne, pour leur donner l’impression qu’ils étaient constamment sous attaque et leur instiller un sentiment d’insécurité. »
Ce FLLE a revendiqué des dizaines
d’attentats à la voiture piégée ciblant les Palestiniens et leurs alliés
libanais. Ces attentats furent largement couverts par la presse
américaine de l’époque. Le plus souvent, les journalistes américains
décrivirent le FLLE comme un « mystérieux » ou « insaisissable groupe d’extrême droite ». Au début, décrit Ronen Bergman, l’opération utilisait surtout « des explosifs cachés dans des bidons d’huile ou des boîtes de conserve » fabriqués dans un atelier de tôlerie du kibboutz Mahanayim où résidait le général Ben-Gal.
« (…) des bombes ont commencé à exploser dans les maisons de collaborateurs de l’OLP au Sud-Liban, tuant toutes les personnes qui s’y trouvaient, ou dans les bureaux de l’OLP, surtout à Tyr, à Sidon et dans les camps de réfugiés palestiniens alentour, causant des dommages et des victimes en masse. »
Le vice-ministre israélien de la Défense, Mordechai Tzippori,
fut informé d’une attaque en avril 1980 durant laquelle des femmes et
des enfants avaient été tués par l’explosion d’une voiture piégée au
Sud-Liban. En juin, une réunion eut lieu dans le bureau du Premier
ministre Menahem Begin. Tzippori accusa le général Ben-Gal de « mener des actions non autorisées au Liban » durant lesquelles « des femmes et des enfants avaient été tués. »
Mais Menahem Begin défendit le général Ben-Gal et mit fin à toute
contestation contre l’opération secrète menée par les généraux Eitan,
Ben-Gal et Dagan.
Le 16 juillet 1981, des roquettes
palestiniennes Katioucha tuèrent trois civils israéliens dans la
bourgade de Kiryat Shmonah. Le jour suivant, les forces aériennes
israéliennes ripostèrent par des bombardements massifs ciblant les
quartiers généraux de l’OLP au centre de Beyrouth ainsi que plusieurs
ponts autour de Sidon, tuant entre 200 et 300 personnes, principalement
des civils libanais, et en blessant plus de 800. Le 5 août 1981, Begin
choisit Ariel Sharon pour le remplacer comme ministre de la Défense. Ainsi que des historiens et chroniqueurs israéliens comme Zeev Schiff, Ehoud Yaari, Benny Morris, Avi Shlaim ou Zeev Maoz
l’ont depuis longtemps démontré, dans les dix mois qui suivirent,
Israël s’engagea dans des nombreuses opérations militaires dans
l’objectif clair de provoquer les Palestiniens et les conduire à
commettre des actes qu’Israël pouvait ensuite présenter comme une
attaque « terroriste » justifiant une offensive majeure au Liban.
La campagne d’attentats à la voiture piégée s’intensifia encore lorsque Sharon devint ministre de la Défense.
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