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vendredi 7 février 2014

Construire l’état d’exception juridique

Orages d'acier

 
Tout au long des années 2000, les gouvernements de « gauche » et de « droite » ont mené alternativement une offensive pour étendre l’état d’exception juridique qui permet d’expérimenter la contre-insurrection endocoloniale. Entre 2001 et 2009, 17 lois portant sur « la lutte contre l’insécurité » sont votés les unes après les autres, au nom de la « lutte contre le terrorisme », « la délinquance des mineurs », « la criminalité » ou « l’immigration clandestine ». Elles favorisent l’extension et la diversification des formes contemporaines de la violence policière. En 2001, le gouvernement Jospin fait voter la loi de sécurité quotidienne (LSQ) qui pose les bases d’un vaste programme d’intensification du contrôle des classes populaires par le redéploiement des forces de l’ordre et l’extension de leurs champs de compétences : la loi rend passible de prison le refus de donner son ADN, étend la possibilité des fouilles pour les agents de police et les agents de sécurité, autorise la police municipale à intervenir dans les cages d’escaliers sous certaines conditions, étend les possibilités de perquisition... Deux ans plus tard, la loi pour la sécurité intérieure – dite loi Sarkozy – de février 2003, par un article rendant illégale l’occupation des halls d’immeubles, a démultiplié les possibilités de harcèlement policiers dans les quartiers. Comme la loi sur les contrôles d’identité, elle va permettre de valider des pratiques mais aussi de stimuler leur systématisation. D’autres lois ont permis d’intensifier la productivité répressive. La loi du 9 mars 2004, dite Perben II, en instituant un régime spécial pour la « délinquance organisée » a ainsi permis d’arrêter des groupes entiers, de prolonger les gardes à vue, de les étendre aux mineurs de plus de 16 ans et d’empêcher tout regroupement dans la rue. 

Mathieu Rigouste, La domination policière