Si les pays de l’OCDE dominent encore l’activité brevets,
certaines économies émergentes, la Chine en tête, alimentent la
concurrence dans des secteurs toujours plus nombreux.
Le poids croissant de l’Asie
Retrouver notre supplément innovation
Chine : l’investissement dans la R&D fait exploser les dépôts de brevets
Les tendances observées dans l’activité brevets sont le reflet fidèle de la transition qu’opère, partout dans le monde, l’activité industrielle. Ainsi se confirme l’élargissement d’un véritable boulevard en direction de l’Asie. Le Japon et la Corée du Sud ont depuis longtemps déjà fait de l’innovation l’une des clés de leur compétitivité. Mais c’est surtout en Chine que l’on relève la plus forte augmentation du nombre de demandes de brevets. Selon l’Office européen des brevets (OEB) et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), plus de 520.000 requêtes ont été déposées dans l’empire du Milieu l’an passé (+ 41 % ). Celles-ci émanent aussi bien de déposants locaux que d’étrangers, ces deux catégories enregistrant, ces quinze dernières années, une multiplication par huit du nombre de demandes formulées. Cette accélération confirme, une fois de plus, la fulgurante intégration du « continent » chinois dans le paysage industriel mondial. Avec des conséquences qui paraissaient inimaginables voilà encore quelques années : les Etats-Unis se trouvent ainsi, pour la première fois, relégués à la deuxième place. « La Chine n’est plus seulement l’usine du monde, elle devient innovatrice », insiste Carlo Pandolfi, directeur en charge de la Chine et du Brésil à l’OEB. Cette ascension spectaculaire se révèle la plus importante dans les domaines des nanotechnologies (+ 220 % ), mais également dans l’ingénierie électrique (+ 33 % ). Dans le Top 10 des entreprises les plus innovantes figurent plusieurs organisations chinoises, tels les géants des télécommunications Huawei et ZTE (qui ont chacun suscité près de 2.000 demandes de brevets l’an dernier). Autant de chiffres qui illustrent les retombées de la politique de R&D (aussi bien en recherche appliquée qu’en recherche fondamentale) menée par Pékin. Après le made in China, place au « Invented in China ».
Brésil : la propriété intellectuelle au coeur d'une réforme législative
Même s’il n’est entré dans la course que récemment, le Brésil paraît avoir rattrapé son retard sur le terrain de la propriété intellectuelle.
Bien conscient que la pérennisation de son épanouissement économique et
social passe par la recherche et l’innovation, le pays s’engage, depuis
1996, dans une vaste réforme du cadre législatif de ses brevets. Un
programme de relance dont les piliers sont notamment la restructuration
des administrations et la promotion du rapprochement des secteurs
publics et privés, le tout à grand renfort de soutiens financiers. Cette
politique semble porter ses fruits, d’autant que le Brésil bénéficie
largement – comme la Chine et l’Inde – de la libéralisation et de la
globalisation du commerce. Désormais, la production scientifique
brésilienne (qui a dépassé celle de la Russie en 2009) équivaut à celle
de pays européens comme la Suède ou la Suisse. Le Brésil se classe dans
le Top 10 planétaire en termes de publications scientifiques. L’Institut
national de la propriété intellectuelle (Inpi) y enregistre plus de 20.000 demandes annuelles de brevets.
Et les marchés mondiaux regorgent de technologies brésiliennes
d’avant-garde, dans des secteurs comme ceux de la santé et de
l’aéronautique. Légiférer – comme l’a fait le gouvernement brésilien – a
donc été une bonne option pour développer son potentiel d’innovation.
Les économies émergentes ont tiré profit, durant ces deux dernières
décennies, d’un effort global en faveur de la R&D, contribuant tant à
l’essor national qu’à l’amélioration de la coopération internationale.
Les politiques qui misent sur l’innovation pour favoriser leur
développement et leur croissance voient juste. C’est le cas du Brésil
qui, en valorisant ses chercheurs et ses institutions de recherche, a
créé un véritable environnement national de la propriété intellectuelle,
ce qui fait désormais de lui un pays attractif et privilégié pour les
investisseurs étrangers.
Afrique : explorer le potentiel des nouvelles énergies propres
Le développement des technologies, leur diffusion et leur transfert
vers les pays en voie de développement sont d’une importance capitale
pour relever le défi du bouleversement climatique. Dans ce contexte,
l’Office européen des brevets (OEB), le Programme des Nations unies pour
l’environnement (Pnue) et le Centre international pour le commerce et
le développement durable (CICDD) mènent conjointement divers projets
d’études et de cartographie des pratiques en matière de production
technologique et de brevets. Ainsi, l’OEB et le PNUE publient un rapport
sur les « Brevets et technologies d’énergies propres en Afrique ».
Continent disposant d’importantes ressources potentielles d’énergies
propres (c’est-à-dire susceptibles de réduire les émissions de gaz à
effet de serre), l’Afrique pourrait peiner à les exploiter si elle ne
bénéficie pas du transfert des technologies. C’est également ce que
mettait en lumière une autre enquête réalisée par l’OEB et le PNUE, et
intitulée « Brevets et énergies propres : combler l’écart entre les
données et politiques ». Ce premier document insistait déjà sur la
nécessité d’accélérer le développement et la diffusion des technologies.
Dans ce deuxième rapport consacré à l’Afrique est mis en exergue le
potentiel inexploité du continent pour produire des énergies propres,
qu’elles soient hydroélectrique, solaire, éolienne ou encore
géothermique. « Les résultats de l’étude montrent un assez haut niveau d’activité dans l’innovation »,
indique le document. Pourtant, moins de 1 % des demandes de brevets
relatifs aux technologies énergétiques propres ont été déposées sur le
sol africain. Par ailleurs, « bien que de nombreuses technologies
d’énergies propres – appropriées à l’Afrique – soient disponibles
ailleurs, elles ne sont pas encore disponibles sur le continent ». Le manque d’infrastructures et de personnels qualifiés seraient les principaux freins au transfert des technologies.