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dimanche 2 février 2014

Le Bloody Sunday : 30 janvier 1972


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Pierre Vial

CE « dimanche sanglant » est un épisode tragique de l’histoire irlandaise — un parmi tant d’autres, mais qui illustre crûment la sauvagerie et l’hypocrisie anglaises.Tout a commencé par une manifestation,devant se dérouler dans le calme,organisée à Derry par l’Association pour les Droits Civiques d’Irlande du Nord, pour protester contre la politique de détention sans procès appliquée à des personnes soupçonnées de sympathie pour l’Ira (et baptisées “terroristes”, de ce fait, par les Anglais). Plus de quinze mille manifestants (hommes, femmes et enfants) s’ébranlèrent à partir du quartier de Creggan, pour se diriger vers celui du Bogside. Celui-ci était verrouillé par 26 barricades tenues par des soldats anglais, parmi lesquels des parachutistes,sur ordre du général Ford, commandant des forces armées stationnées à Derry. Au moment où manifestants et soldats anglais furent au contact, échange de jets de pierres et de bouteilles contre balles en caoutchouc, gaz lacrymogène et canon à eau. La routine, à Derry… Mais à 15h55 les paras anglais ouvrirent le feu à balles réelles. Deux manifestants, John Johnston (59 ans, il devait mourir de ses blessures) et Damian Donaghy (15 ans) s’écroulèrent. Puis des véhicules blindés (APC) s’ébranlèrent et ouvrirent le feu sur la foule qui fuyait. Jackie Duddy (17 ans) fut mortellement touché dans le dos. Alana Burke (18 ans) fut délibérément écrasée contre un mur par un APC. Margaret Deery (31 ans) fut touchée à la jambe et Patrick McDaid, qui aidait à la transporter à l’abri, fut blessé à son tour. Puis furent atteints Michael Bradley (22 ans), Mickey Bridge (25 ans), Patrick Campbell (51 ans) et Daniel McGowan (38 ans), qui tentait d’emmener Campbell en lieu sûr.

Une seconde vague de parachutistes s’ébranla et ouvrit le feu à son tour contre les manifestants qui essayaient de trouver refuge dans les débris d’une barricade ou les rues avoisinantes. Hugh Gilmour fut tué alors qu’il arrivait devant sa maison. Michael Kelly (17 ans), Michael McDaid (20 ans) et John Young (17 ans) furent tués au pied d’une barricade, tout comme William Nash (19 ans) dont le père Alex (51 ans) fut blessé alors qu’il tentait de rejoindre son fils mourant. Puis ce furent Kevin McElhinney (17 ans), Joseph Friel (22 ans), Daniel Gillespie (32 ans), Michael Quinn (17 ans) qui tombèrent, alors qu’ils essayaient de fuir. Joseph Mahon (16 ans), blessé d’une balle à la jambe, en réchappa en faisant le mort. Mais Jim Wray (22 ans), gisant devant la maison de ses grands-parents, fut achevé par un parachutiste qui lui tira deux balle s dans le dos. William McKinney (27 ans) fut lui aussi tué d’une balle dans le dos alors qu’il tentait d’aider les blessés, tout comme Gerald Donaghey (17 ans) et Gerard McKinney (35 ans). Bernard McGuigan, qui agitait un mouchoir blanc pour secourir Patrick Doherty qui gisait mourant sur le sol, reçut une balle dans la tête. Patrick O’donnell (41 ans) fut touché alors qu’il se jetait devant une femme pour la protéger de la fusillade. En moins d’une demi-heure et dans une zone à peine plus grande qu’un terrain de football, les soldats anglais ont tué treize hommes et en ont blessé treize autres, ainsi que deux femmes. Aucune de ces victimes n’était armée mais lesmedia britanniques ont immédiatement qualifié les victimes de porteurs de fusils et de bombes. L’armée et le gouvernement britanniques déclarèrent que leurs soldats avaient essuyé des centaines de coups de feu et n’avaient fait donc que riposter — alors qu’aucun impact n’était visible ni sur un soldat anglais ne même sur un véhicule de l’armée. Et pour cause. Trois mois plus tard le Lord Chief Justice Widgery décréta, sur ordre de ses supérieurs politiques, que les soldats anglais n’avaient rien fait de mal le 30 janvier 1972. Une date qui reste gravée dans certaines mémoires. Ni oubli, ni pardon.