Entretien avec Stéphane François |
Comment définir le néo paganisme ? Est ce que l’on trouve un dénominateur commun à tous ces mouvements, toutes ces nouvelles spiritualités ? Qu’est ce qu’être néo paien?
Stéphane François : Nous pouvons dire que le néopaganisme se fonde sur le refus, parfois virulent, des valeurs et des dogmes monothéistes. Il se caractérise par une conception panthéiste et/ou polythéiste de la religion. À l’origine du néopaganisme, il y a une fascination et une idéalisation des paganismes antiques et de celui des sociétés traditionnelles. Le néopaïen postule l’existence des lieux « sacrés » prédestinés, propices à la célébration des cultes et l’existence de cycles cosmiques qui forceraient les hommes à se mettre en harmonie avec le monde. Dans cette perspective, non anthropocentrique, la Terre et l’univers sont perçus comme un grand tout harmonieux auquel l’homme est associé par son être même. La caractéristique la plus importante définissant le « paganisme politique » est sans conteste l’aspect écologique.
Nous pouvons aussi dire que ce paganisme contemporain est une création récente. Il est apparu en effet dans les milieux artistiques et occultistes du xviiie siècle, puis dans les milieux romantiques du xixe siècle. Le néopaganisme est donc une reconstruction idéalisant le paganisme antique et qui postule la persistance de cultes païens en Europe malgré la christianisation. Par sa nature, il s’oppose aux religions monothéistes, universalistes et prosélytes comme le christianisme et l’islam. La principale composante cultuelle de ce néopaganisme est une conception panthéiste et/ou polythéiste de la religion. Il se manifeste principalement par la réapparition de cultes consacrés aux divinités préchrétiennes.
Cependant, il existe différentes formes de néopaganisme. La première fait référence à des divinités ou à une tradition cultuelle précise et a généralement un fondement ethnique, il s’agit la plupart du temps d’une reconstruction d’une religion préchrétienne fondée sur des recherches historiques ou pseudo-historiques. La seconde renvoie à un discours écolo-panthéiste de nature universaliste et à un paganisme créé de toutes pièces. La troisième, enfin, regroupe sous le terme générique de paganisme un choix philosophique et/ou artistique qui peut être le corollaire d’un « paganisme politique ».
Est-ce que vous faites une distinction entre le néo paganisme et des formes plus anciennes comme ce que l’on peut trouver en Afrique avec l’animisme ?
Oui. L’animisme relève des religions païennes, tout court, c’est-à-dire des religions non monothéistes, au sens biblique. En fait, toutes les religions non-monothéistes, et sans rapport avec les religions du Livre, peuvent être qualifiées de « païennes », comme l’animisme, le shintoïsme, l’hindouisme, etc.
Est-ce que le néo-paganisme est un mouvement que l’on qualifierait d’occidental ?
Comme il est issu soit du romantisme, soit de l’occultisme de l’Europe, des colonies britanniques des XVIIIe et XIXe siècles, nous pouvons effectivement affirmer qu’il s’agit d’un phénomène occidental. D’ailleurs, les spécialistes de la question le considèrent comme une composante de l’ésotérisme occidental.
On a parlé d’un renouveau du néo paganisme. Est ce qu’il a été quantifié sérieusement ?
Ce renouveau date quand même un peu : depuis la fin, voire depuis le milieu, des années 1990. Des études sérieuses se sont penchées sur le phénomène, mais elles ont été faites surtout par des spécialistes anglo-saxons des religions. En France, il y a un déficit d’études sur cette question, car ce genre de recherche n’est pas considérée comme « sérieuses », comme de « vrais sujets » malheureusement par un certain nombre d’universitaires.
On sent poindre deux tendances idéologiques au sein de ces mouvements, l’une un peu rattachée à l’écologie, l’autre qui semble plus proche de mouvements identitaires ou d’extrême droite. Ces deux tendances progressent-elles de la même manière ?
S’il existe des tendances différentes au sein du néopaganisme, le courant écologiste ne s’oppose pas forcément des mouvements identitaires ou d’extrême droite. Bien au contraire : les mouvements néopaïens identitaires et/ou d’extrême droite ont tous un aspect écologiste marqué. En effet, comme les néopaïens postulent l’existence de lieux prédestinés à des pratiques religieuses, il y a un fort sentiment écologiste, qui se combine avec l’idée d’un enracinement des populations. Chez eux, cependant, le discours écologiste se fait conservateur, voire réactionnaire. Pour répondre à la deuxième question, les deux progressent assez fortement, mais il est difficile de quantifier cette progression précisément car, 1/il n’y a pas d’étude comparant les deux et 2/les deux tendances, comme je viens de vous le dire, sont imbriquées.
Comment qualifiez-vous le fait que les néo-païens progressent en Europe centrale et orientale ? Voyez-vous un lien idéologique avec le nationalisme voire le racisme et l’antisémitisme ?
Non, pas forcément : il existe dans ces pays des formes de paganisme qui ne sont pas antisémites ou racistes. Par contre, ces formes de paganisme sont des paganismes « enracinés », c’est-à-dire qu’elles défendent des particularismes religieux et/ou ethniques. En ce sens, effectivement, on peut y voir des formes de nationalisme. La réapparition du néopaganisme dans cette région de l’Europe date de la chute du communisme. C’est une volonté de se tourner vers des pratiques locales qui faillirent être détruites par la « normalisation », l’acculturation forcée des régimes soviétiques. D’ailleurs, le néopaganisme est vivace et en essor en Russie pour les mêmes raisons.
Il faut en outre prendre en compte le fait que le paganisme a mieux résisté à l’évangélisation dans ces régions : certaines zones géographiques des pays baltes n’ont été évangélisées qu’au XVIIIe siècle, et jusque dans les années trente, les campagnes vivaient au rythme de rites païens, notamment en Roumanie.
Cependant, effectivement, il y a des groupes païens En Europe orientale et centrale qui sont ouvertement d’extrême droite, comme en Europe occidentale, voire en Occident.
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