.

.

vendredi 19 septembre 2014

L'impossible rassemblement de la gauche



 Charlotte Chaffanjon
 
Pour Charlotte Chaffanjon, les frondeurs n'ont pas digéré que Manuel Valls arrive si haut, si vite. Ils comptent bien le lui faire payer.
Chateau


France Inter : Ce matin, une question, entre le discours de Manuel Valls et la grande conférence de presse de François Hollande : le PS va-t-il éclater ?

Charlotte Chaffanjon : Sur le papier, il y a de moins en moins de raisons. Depuis la rentrée, Manuel Valls a discrètement infléchi son discours. Comme le demandent les plus à gauche au PS, il ne dit plus qu'atteindre les 3 % de déficit est l'objectif principal. Au contraire, puisque la France ne s'imposera pas d'aller en dessous de 4,3 % en 2015. Et puis il ne manque plus une occasion de rappeler aux entreprises qu'elles doivent apporter des contreparties au pacte de responsabilité. Il souligne l'importance du dialogue social, il annonce un geste pour les petites retraites, il veut supprimer une tranche de l'impôt sur le revenu. En gros, il veut redonner du pouvoir d'achat pour que la relance arrive aussi par la consommation. On dirait du Montebourg ! Mais, malgré tout ça, les frondeurs continuent de fronder. On l'a vu : 32 socialistes se sont abstenus lors du vote de confiance.

Pourquoi ?

Les frondeurs n'ont tout simplement pas digéré que Manuel Valls arrive si haut, si vite. Ils n'en reviennent pas de voir ce Sarko de gauche, qui avait fait un score ridicule à la primaire de 2011, leur dicter la voie à suivre. Les plus à gauche, les proches de Benoît Hamon, d'Arnaud Montebourg, de Martine Aubry, ne reconnaissent pas l'autorité de Valls parce qu'ils la prennent pour de l'autoritarisme. Ils ne reconnaissent pas sa légitimité parce qu'ils le considèrent comme minoritaire au sein du PS. Alors, jusqu'au bout, ils vont lui mettre des bâtons dans les roues.

Donc le Premier ministre n'a aucun moyen de calmer la fronde ?

La calmer, non. Il n'y a pas d'autre solution pour Valls que de gérer au jour le jour, texte par texte, presque amendement par amendement. On va le voir très vite avec l'examen du budget au Parlement. Une trentaine de députés vont tout faire pour l'épuiser. Ou alors il peut écouter cette ministre qui me disait récemment qu'il fallait se poser la question du maintien des frondeurs au sein de la majorité. Ce qu'elle disait en gros, c'est que s'ils ne sont d'accord avec rien, eh bien, qu'ils s'en aillent.

Et eux ne pourraient pas partir de leur plein gré ?

Non, bien sûr que non. Parce que ce qu'ils veulent, c'est reprendre le contrôle au PS, rien que ça. Leur calcul est simple : Hollande ne pourra pas gagner une présidentielle sans le soutien de toute la gauche. Il sera donc obligé d'ouvrir un troisième temps du quinquennat dans lequel il cherchera à se réconcilier avec les Verts, avec les communistes, pourquoi pas même à amadouer le Front de gauche face à un ennemi commun : Nicolas Sarkozy. Pour cela, il faudra nommer Martine Aubry, par exemple, ou bien Claude Bartolone au poste de Premier ministre, pour se redonner du rose aux joues. Et ce sera leur heure de gloire, à eux, les frondeurs.

Et c'est possible ?

Dans l'entourage de Manuel Valls, quand on entend ce scénario, au mieux on éclate de rire, au pire on prend un air dépité. "C'est une vaste farce. Hollande n'a pas fait tout ça pour se retrouver des années en arrière." Un proche de Valls résume l'affrontement en disant : "Ce sont les anciens contre les modernes. Ceux qui vont à la Fête de l'Huma sont les mêmes qui bloquent les réformes. Une vieille gauche archaïque qui vit au XXe siècle." Et comme on imagine assez mal Cécile Duflot, humiliée fin août par Valls qui a charcuté sa loi logement, ou Jean-Luc Mélenchon, qui dit pis que pendre du couple exécutif, se ranger derrière eux, oui, il pourrait y avoir une multitude de candidatures à gauche. Éviter ça, c'est un peu la mission impossible d'un homme, le patron du PS Jean-Christophe Cambadélis. Ce nostalgique de la gauche plurielle essaie de ménager tout le monde pour créer les conditions d'un rassemblement. Un ancien ministre qui le connaît très bien résume : "Sa hantise, c'est d'être le premier secrétaire d'un nouveau 2002." Car le risque, c'est bien celui-là.

Source:

Le Point