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vendredi 28 août 2015

Immigration : qui veut faire l’ange fait la bête


 
Immigration : qui veut faire l’ange fait la bête
 Jean-Michel Léost
 
La question des migrants continue d’agiter les médias et semblerait enfin réveiller le gouvernement. Après avoir rencontré Angela Merkel, le 24 août, François Hollande a déclaré qu’il fallait « mettre en œuvre un système unifié de droit d’asile [dans tous les pays de l’Union européenne] », soulignant, dans une étrange antithèse, une « situation exceptionnelle qui [allait] durer » et demandant « une distinction entre les personnes qui viennent en tant que demandeurs d’asile et celles qui viennent en migration ». Autrement dit, entre les réfugiés authentiques et les migrants « économiques ».

Ces déclarations pourraient signifier une tardive prise de conscience de ce phénomène pourtant prévisible. On peut craindre, malheureusement, qu’elles n’aient avant tout qu’une visée politique et que l’ampleur du problème n’ait pas encore été saisie. Depuis quelques semaines, après l’Italie, la presse évoque une nouvelle porte d’entrée des migrants en Europe ; la route des Balkans. Une étude publiée dans Le Figaro du 26 août, portant sur la période de janvier à juillet 2015, fait le point sur la nationalité et les destinations des migrants. Seraient arrivés en Italie 93.540 migrants, dont 5.495 Syriens, 5.658 Soudanais, 7.538 Somaliens, 11.899 Nigérians, 26.657 Érythréens. Dans le même temps, la Grèce aurait vu débarquer 125.994 migrants, soit +750 % par rapport à 2014 : parmi eux, 5.616 Irakiens, 25.556 Afghans et 79.655 Syriens. Ce serait une nouvelle route vers l’Europe du Nord.

Il est peu probable que les pays européens se mettent d’accord sur une politique migratoire commune, si l’on en juge par les réactions particulières de chacun. Ainsi, la Macédoine, après avoir déclaré l’état d’urgence et fermé ses frontières, a finalement laissé les migrants entrer sur son territoire. La Hongrie termine la construction d’une barrière à la frontière de la Serbie. La Bulgarie a décidé de l’envoi de blindés aux confins de la Macédoine. Des incidents se déroulent en Allemagne, qui s’apprête à accueillir près de 800.000 migrants en 2015 – ce qui viendra compenser le déficit démographique en fournissant une main-d’œuvre bon marché.

En France, les points de vue semblent dépendre plus de considérations politiques, pour ne pas dire politiciennes, qu’humaines ou éthiques. Chacun jugera si le Front national, longtemps accusé de faire de l’immigration son fonds de commerce, joue sur les peurs ou a fait preuve, avant les autres, de clairvoyance. À droite, Les Républicains tentent de rallier des voix frontistes en prenant des positions fermes, suspectées d’électoralisme. À gauche, on improvise comme d’habitude : tantôt on fait preuve d’angélisme, tantôt on affirme des intentions de fermeté. Les actes tardent à venir.

La question de l’immigration est trop grave pour faire l’objet d’intérêts politiciens ou de déclarations opportunistes. Faute d’avoir su prévoir ces grands mouvements migratoires – quand elle ne les a pas provoqués par une politique internationale défaillante, voire irresponsable -, l’Europe semble dépassée par les événements. La France pourrait jouer un rôle important dans la recherche de solutions. Mais à force d’avoir nié le problème, à force de dissimuler leur impuissance sous de faux airs d’humanisme, à force d’attendre pour prendre des mesures, nos dirigeants sont mis en face d’une situation de plus en plus explosive qui pourrait bien conduire, si l’on n’y prend garde, à un dénouement tragique. Qui veut faire l’ange fait la bête !