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vendredi 28 août 2015

Les souverainistes des deux "rives" discutent face à l'euro, dans l'ombre du FN



 Guillaume Daudin
Appels au rassemblement, invitations croisées, voire constitution d'un front anti-euro? Les souverainistes, de Nicolas Dupont-Aignan à Jean-Pierre Chevènement, phosphorent sur les moyens de s'allier contre l'euro, tout en butant sur un écueil: la concurrence, sur ce combat-là, du Front national.

Samedi, le patron de Debout la France accueille l'ancien ministre de l'Intérieur de gauche à son université d'été pour parler école en cette veille de rentrée scolaire.

Mais pas que: pour "sortir la France de l'ornière, il faut que les gens de gauche apprennent à parler aux Républicains de l'autre rive", insiste M. Chevènement, qui a quitté le MRC mi-juin et se dit "partisan d'un dialogue", de Mélenchon à Dupont-Aignan, pour parvenir à "une alternative républicaine".

M. Dupont-Aignan rejette toute volonté de "récupération" mais y voit une "présence importante dans le contexte actuel".

Le contexte, c'est la crise politico-économique grecque. Le pays, sous assistance financière depuis cinq ans, a dû accepter une nouvelle cure d'austérité en échange d'un troisième plan d'aide international, de 86 milliards d'euros.

Cible principale dans le viseur? L'euro: "Il n'y a pas d'autre politique possible dans le cadre" de cette monnaie, tranche Jacques Sapir, l'un des principaux économistes appelant à l'abandonner, dans un entretien au FigaroVox vendredi dernier, d'où il tire un appel à un "Front de libération nationale" réunissant gauche et droite. "A terme, la question des relations avec le FN, ou avec le parti issu de ce dernier, sera posée", a-t-il précisé.

Face au tollé suscité, cet économiste se disant de gauche a sérieusement amendé jeudi sa position sur son blog: la participation du parti de Marine Le Pen à un tel Front n'est "pas envisageable", car la "préférence nationale" défendue par le parti d'extrême droite "compromettrait les effets positifs" de la sortie de l'euro.

Proche du FN sur l'échiquier, Nicolas Dupont-Aignan rejette l'"enfermement des Français dans le trio" PS-Républicains-FN "alors qu'il y a 25 millions d'abstentionnistes".

L'exclusion récente de Jean-Marie Le Pen du parti qu'il a co-fondé va certes "dans le bon sens", reconnaît l'élu de l'Essonne auprès de l'AFP. Et de tempérer aussitôt: "C'est le FN, moi je suis gaulliste et mon offre s'adresse aux patriotes modérés".

- 'Pas les mêmes valeurs' -

Jean-Pierre Chevènement veut aussi que soit maintenu "un cordon sanitaire" entre le FN --mais pas ses électeurs-- et les autres partis.

Il compte réunir fin septembre un colloque de son Club "République Moderne". Conviés, Arnaud Montebourg, Nicolas Dupont-Aignan, mais aussi Jean-Luc Mélenchon, qui a insisté, après la crise grecque, sur sa proposition d'un "plan B", aboutissant à une sortie de l'euro en cas de persistance européenne dans des politiques d'austérité.

L'un de ses lieutenants, Eric Coquerel, a exclu sur Twitter un changement de stratégie : "Toute alliance avec le FN serait une aberration. Leur nation n'est pas la nôtre".

Bertrand Dutheil de la Rochère, ancien collaborateur du "Che", "mariniste" depuis 2011, se désole sur le site du FN : "Il s'agit pour personne de se rallier au FN (...) s'il ne le souhaite pas (...). Mais c'est une impasse si (Chevènement et Dupont-Aignan) restent entre eux."

Emmanuelle Reungoat, chercheuse au Centre d'études politiques de l'Europe latine, est perplexe sur un front anti-euro sans le FN : "Pour (l')élargir, il faudrait un rassemblement avec l'extrême gauche, ce qui me semble très compliqué. Dupont-Aignan et Chevènement n'auraient pas beaucoup à apporter".

Et avec le FN ? "Peut-être que des convergences ponctuelles sont possibles. Mais je ne crois pas du tout à une vraie alliance politique (...) Ce ne sont pas les mêmes valeurs économiques, sociales, identitaires, culturelles", répond à L'Opinion cette chercheuse.


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