Les diacres permanents sont 2650 en France .
Leur nombre a crû régulièrement depuis que le premier d’entre eux
fut ordonné, en 1970. Dans le même temps le nombre de prêtres n’a
cessé de diminuer : ils sont aujourd’hui 15 000. Ils seront 10 000
dans dix ans. Il y a là un effet de ciseau qui mérite attention sur ce
qu’un confrère religieux appellerait un O.C.N.I., « objet
canoniquement non identifié ». Présents dans bien des paroisses,
ces diacres célèbrent des mariages, des baptêmes, assurent quelques
prédications dominicales et participent aux divers conseils et
activités charitables locales.
Il
est certain que la grande majorité de ces diacres permanents font
preuve de générosité, de zèle, et leurs épouses, acceptant que leurs
maris embrassent une telle responsabilité, sont aussi bien
édifiantes. Pour autant, il nous semble que ce « diaconat
permanent », dans son principe, plus encore que dans ceux qui
l’embrassent, est assez critiquable.
Un peu d’histoire
Avant toute chose, le terme même de « diaconat permanent » est
mal adapté. Le sacrement de l’Ordre est, en effet, un sacrement à
caractère, comme le baptême et la confirmation ; imprimant un sceau
dans l’âme, il établit cette dernière en un état inamissible et ne
peut être réitéré. Or, le diaconat est un des degrés de ce sacrement
, le recevoir, c’est
recevoir un caractère indélébile dans l’âme, en même temps que l’on
est établi dans un « état diaconal » pour l’éternité. Donc, le
diaconat est forcément permanent. En revanche, l’histoire nous
montre que, dans un premier temps, la fonction diaconale a pu
s’exercer exclusivement et de manière permanente, c’est-à-dire sans
que la réception du diaconat soit une simple étape préalable à la
réception du sacerdoce ministériel.
Le récent concile Vatican II s’est penché sur cette question du
diaconat essentiellement à la suite des travaux du
« théologien » allemand Karl Rahner. Il ne s’agissait pas d’en
préciser éventuellement la nature théologique – le concile de
Trente et les théologiens classiques l’avaient fait de manière très
satisfaisante depuis longtemps –, cela ne correspondait d’ailleurs
pas aux visées « pastorales » de cette assemblée. Non ! La question
du diaconat fut abordée pour deux raisons principales : une,
évidente, liée à la crise du clergé et des vocations, et, l’autre,
moins clairement affirmée, plus subreptice, mais bien présente : la
possibilité d’envisager un diaconat conféré à des hommes mariés,
première étape en vue de solliciter l’abrogation du célibat
sacerdotal.
La diaconie, c’est-à-dire le service concret de la charité de la communauté, trouve son origine dès les Actes des Apôtres :
« Les
Apôtres pour rester fidèles au service de la Prière et de la Parole
choisissent sept hommes estimés de tous, remplis d’Esprit Saint et de
sagesse pour lesquels ils prient et sur lesquels ils imposent les
mains pour qu’ils assurent d’une manière équitable le service des
tables » (Ac. VI, 1–6). Les diacres sont donc établis par les
Apôtres, afin que ces derniers, qui jusqu’alors exerçaient par
eux-mêmes ce service, puissent se concentrer sur la tâche plus digne
que constitue le culte.
Cette proximité originelle entre les Apôtres – et leurs
successeurs – et les diacres fera de ces derniers les
collaborateurs naturels des évêques et de leur
presbyterium
en particulier dans l’administration temporelle de l’Église
naissante. Mais l’Église est ordonnée au bien des âmes, à cause de
Dieu, qui est la source et la fin de toute Charité surnaturelle. Le
temps, l’évolution organique de la pratique sacramentelle de
l’Église, au moins latine, finiront par établir le diaconat comme
une simple étape avant la réception du sacerdoce : configuré au
Christ-Tête, le candidat au sacerdoce est préalablement
configuré au Christ-Serviteur.
Le récent concile
Le 30 octobre 1963, à l’occasion de la discussion du schéma sur l’Église, qui deviendra la constitution dogmatique
Lumen Gentium,
le cardinal Suenens, primat de Belgique et l’une des têtes de ce
que l’on a appelé « l’axe rhénan » (les évêques français, allemands,
ceux du Bénélux), prend la parole dans l’aula conciliaire pour
demander l’instauration d’un diaconat permanent.
Dès le départ, il présente cette idée comme la résurrection d’un
ordre qui aurait disparu : à plusieurs reprises, il prétend qu’il
s’agit de
« restaurer le diaconat », de
« restauration de cet ordre sacré », etc.
Finalement, après bien des discussions, en septembre 1964, le paragraphe suivant est mis aux voix, et adopté :
« Comme
la discipline actuellement en vigueur dans l’Église latine rend
difficile, en plusieurs régions, l’accomplissement extrêmement
nécessaire à la vie de l’Église de la « diaconie » de la liturgie,
de la parole et de la charité, en communion avec l’évêque et son
presbyterium, le diaconat pourra, dans l’avenir, être rétabli en
tant que degré propre et permanent de la hiérarchie. (…) Si le
Pontife romain y consent, ce diaconat pourra être conféré à des
hommes mûrs, même mariés, ainsi qu’à des jeunes gens aptes à cet
office, mais pour lesquels la loi du célibat doit demeurer ferme. »
De ce texte, on tire plusieurs conclusions. Il est possible
désormais – mais cela existait déjà, au moins per accidens – d’être
ordonné diacre mais pas en vue de recevoir le sacerdoce, et, autre
point, ces diacres peuvent posséder deux caractéristiques : soit
les candidats à ce diaconat permanent sont des « hommes mûrs », et
en ce cas, la loi du célibat, qui s’impose en principe dès le
sous-diaconat, peut ne pas s’appliquer, et, si le candidat est
jeune, alors la loi du célibat doit être conservée.
L’intervention de Paul VI
Le texte adopté devait ensuite être mis en œuvre. Paul VI intervint
donc, après la réunion de divers congrès et commissions d’étude, par
le biais du motu proprio
Sacrum diaconatus ordinem, du 18 juin 1967 .
Rappelant les décisions conciliaires et manifestant son
enthousiasme sans mélange pour l’idée de cette « restauration », le
Pape énonce les règles propres à l’ordre du diaconat, lorsqu’il est
reçu, non par des candidats au sacerdoce, mais par des hommes
appelés à servir dans la fameuse diakonia.
Une grande latitude est laissée aux conférences épiscopales pour
l’organisation de ce « nouvel ordre dans l’Ordre ». Néanmoins, le
Pape fixe quelques règles incontournables : en particulier, le
diaconat permanent ne peut-être conféré à un homme de moins de 25
ans, et seuls les hommes « d’âge plus avancé » peuvent être ordonnés,
même s’ils sont mariés .
En revanche, comme le récent concile le précisait, les hommes jeunes
sont tenus de garder la loi du célibat (Id., n. 6.). La différence
entre un « jeune » et un « moins jeune » ? Pour le diaconat
permanent, on est jeune de 25 à 35 ans, et vieux à partir de 35 (Id.
n. 11.).
Les raisons de ce diaconat permanent ? Le cardinal Suenens
les avait affirmées, et ses arguments sont repris par les divers
textes conciliaires que nous avons évoqués :
« La question n’est pas d’attribuer d’une façon quelconque à un
fidèle quelconque des charges extérieures (par exemple la
présidence des réunions de prières, l’enseignement du catéchisme, la
responsabilité de certaines œuvres sociales). Ces charges doivent
être attribuées seulement à des personnes qui, d’une façon objective
et adéquate, possèdent les grâces nécessaires pour les occuper, de
sorte que l’efficacité surnaturelle ne puisse faire défaut au moment
de créer une véritable communauté. (…) Quels que soient les dons et
les grâces dont puissent être dotés de simples laïcs rénovés par les
sacrements du baptême et de la Confirmation et ravivés par un
esprit surnaturel et authentique, ces dons ne suffisent pas. »
Sans faire de procès d’intentions, pour un concile qui prétendait
« décléricaliser »
l’Église, le moins que l’on puisse dire est que ces propos sont tout à
rebours, et manifestent un mépris du « simple laïc », bien loin des
discours sur la dignité baptismale qui sont un des leitmotivs de
tous les textes du concile.
Le motu proprio de Paul VI, quant à lui, énumérant les fonctions dévolues aux diacres,
mentionne régulièrement leur rôle liturgique – célébration des
baptêmes, mariages, viatique, prédication, funérailles, etc. – en
ajoutant :
« Là où il n’y pas de prêtre », ce qui laisse
penser que le Pape ne souhaite pas que le diaconat permanent soit
autre chose qu’une « force supplétive », destinée,
exceptionnellement, en l’absence d’un prêtre, à assurer une
présence cultuelle aux fidèles qui en seraient privés.
Le reste des fonctions est présenté comme un service à la
communauté : œuvres sociales, soutien à l’apostolat des laïcs, etc.
Toutes choses que M. X ou Mme Y. assumaient jusqu’alors sans avoir
besoin de recevoir le sacrement de l’Ordre. Mais, selon le cardinal
Suenens, c’est bien dans une perspective surnaturelle que la
proposition du diaconat permanent est faite : le caractère
imprimé dans l’âme de l’élu, est en effet un « pouvoir spirituel »
qui le rend apte et le députe, ex officio, certes à distribuer la
communion et à lire l’Évangile mais aussi à ouvrir la porte de
l’église, faire le tri des vêtements à la Conférence
Saint-Vincent-de-Paul, et aider à tenir les comptes de la paroisse…
Il n’est pas anecdotique de noter que si le curé est amené à
changer de paroisse le diacre permanent est, lui, sédentaire sur sa
paroisse. Il en connaît l’histoire, les familles, une partie des
secrets plus ou moins cachés. Il ne peut pas, quelle que soit son
humilité et sa bonne volonté, ne pas devenir une forme de
contre-pouvoir à celui du curé. Il est d’ailleurs très probable que
c’est vers lui que se tourneront les éventuels insatisfaits qui le
connaissent depuis longtemps.
Théologiquement, du moins sous le rapport du rôle liturgique,
il semble que les perspectives rhénanes et romaines ne se soient pas
rencontrées…
Car il faut bien réaliser plusieurs choses : sous prétexte de
surnaturaliser certaines fonctions utiles au bien de l’Église, on
a prétendu qu’il convenait de conférer un Ordre, le diaconat, qui
rend plus fécond et plus conforme à la volonté divine, la
réalisation d’actions certes utiles, mais triviales.
Cette manœuvre permettait surtout deux choses :
dé-sacerdotaliser l’exercice du culte, d’une part, et, d’autre part,
introduire de manière subreptice l’idée que la cléricature peut
être dissociée de la loi du célibat, non seulement dans la
pratique, comme l’usage ancien – mais pas apostolique – des Églises
orientales le montre, mais également dans les principes.
Laïcalisation du sacrement de l’Ordre
Avant même de parler de l’une des conséquences désastreuses de
cette initiative, il faut constater que l’admission d’homme mariés au
diaconat, au moins dans l’ordre pratique, conduit très
naturellement à une laïcalisation, ou, plus justement, une
« profanation » du sacrement de l’ordre, au sens premier et le plus
exact du terme.
En raison de sa dignité, le sacrement de l’Ordre,
particulièrement en ses derniers degrés, les ordres majeurs,
consacre le candidat, c’est-à-dire, le sépare du monde, dans lequel,
certes, il continue à vivre, mais auquel il renonce, pour le Royaume
des Cieux.
C’est précisément en cela que s’opère la summa distinctio entre
clercs et laïcs, non que ces derniers, comme semble le croire nombre
d’entre eux, soient une « sous-catégorie » de chrétiens, mais, par
volonté divine : quelques-uns sont appelés à se détacher de ce corps,
pour en intégrer un autre, aux exigences différentes, en vue d’être
donnés au peuple chrétien, de le nourrir du Pain de Vie, de la saine
doctrine et des sacrements.
Or, par le choix d’hommes vivant dans le monde, comme des gens du
monde, avec des gens du monde, on renonce à cette séparation, qui
sacralise le sacrement de l’Ordre, et ordonne entièrement au salut
des âmes, sans que les attaches humaines ne constituent un quelconque
obstacle à sa mission, laquelle ne peut être envisagée comme une
mission intérimaire : comme la réception du sacerdoce
sacerdotalise le nouvel ordonné, de même, la réception du
diaconat diaconise l’ordinand… où l’on voit déjà la nécessité du
célibat consacré en vue de l’exercice plénier du ministère, comme
nous le verrons plus loin.
La conséquence naturelle de cette profanation du diaconat est
la perte du sens et de la juste connaissance du ministère
sacerdotal. À quoi peut bien servir un prêtre, puisque toutes les
œuvres extérieures peuvent être assumées par un diacre, et même les
quelques sacrements et sacramentaux qui intéressent quelque peu le
bon peuple déchristianisé : le baptême (pour faire plaisir à la
grand-mère, et puis c’est la tradition), le mariage (pour les photos,
les dragées, et la robe), et les funérailles (parce qu’
« on n’est pas des chiens ! »).
Dé-sacerdotalisation de la vie de l’Église
Ils ont beau s’en défendre, les promoteurs de l’introduction du
diaconat permanent, ont oublié depuis longtemps ce que présentait
le primat de Belgique comme cause première de cette nouveauté : le
don d’un caractère qui sacralisait, en quelque sorte, l’œuvre
accomplie par ces hommes, et lui donnait un « poids » surnaturel
autrement plus fort que l’œuvre accomplie sous le seul influx de la
charité surnaturelle.
Il devenait alors évident que les fonctions dévolues au diacre
étaient, par leur nature, détachables de la fonction sacerdotale.
Dès lors, le prêtre auquel le soin de la paroisse est confié, qui en est
le curé, se trouve le plus souvent réduit à n’être que celui qui
accomplit des tâches que le diacre ne peut remplir : célébrer la
messe et confesser. Tout le reste, c’est-à-dire l’administration de la
sainte eucharistie, les baptêmes, les mariages, les funérailles, la
prédication, la visite des malades, l’administration de la paroisse,
son unité, la direction de la prière commune… peut être accompli par
les diacres, qui, tout auréolés de leur caractère diaconal tout
neuf, sont devenus presque naturellement non plus les
« supplétifs » du curé, mais ses suppléants.
Dire la messe et confesser, voilà certes l’essentiel pourrez-vous
objecter ? Il ne s’agit pas tant de répartition des tâches que
d’ordre ! Dans la vie du prêtre, et spécialement du curé de paroisse,
tout est ordonné au salut des âmes qui lui sont confiées, non
seulement les sacrements – et le baptême est le premier d’entre eux –
mais aussi toutes les œuvres extérieures qui sont comme l’expression
de la charité pastorale de l’Église, par le prêtre, manifestée au
peuple de Dieu.
Plus clairement, on ne peut prétendre séparer les actions
extérieures des actions proprement sacramentelles : elles forment
un tout, et toutes, à des degrés variés, sont l’expression de la même
charité. Les disjoindre, de manière si artificielle, c’est
finalement séparer l’ordre surnaturel de l’ordre naturel, qui,
s’ils sont effectivement distincts, n’en sont pas moins, en raison
de la grâce divine, organiquement unis.
L’arrivée dans les paroisses, dès 1970 en France, de ces diacres
permanents, eut naturellement les effets que les ennemis du
sacerdoce catholique en attendaient : puisque les diacres prennent en
main les choses les plus contraignantes qui appartiennent au
ministère habituel des curés, pourquoi ces derniers se
donneraient-ils désormais la peine de s’occuper eux-mêmes des malades
et indigents, de la paroisse ? Pourquoi auraient-ils à enseigner
eux-mêmes par la prédication, leurs ouailles ? Pourquoi se
donneraient-ils la peine de préparer les baptêmes et de les
célébrer, ou de recevoir les fiancés et de les unir ? Le diacre peut
le faire, et, pour se donner bonne conscience, on peut se
recommander, non seulement de la lettre de l’évêque qui donne
mission officielle au diacre, mais encore, de l’ordre sacré dont il
est revêtu, et qui vaut toutes les lettres épiscopales : Dieu
Lui-même l’a établi pour cette mission…que dire de plus ! On ne peut
que s’interroger à propos de l’impact psychologique de ces
attitudes sur des jeunes gens se posant la question de la vocation
sacerdotale et légitimement rebutés par les exigences du célibat
ecclésiastique. Pourquoi renoncer aux joies légitimes d’une vie de
famille si quasiment toutes les fonctions et responsabilités du
prêtre sont accessibles par la voie du diaconat permanent ?
Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que le nombre de
vocations baisse en même temps que le nombre de diacres permanents
augmente ! Quoi de
moins enthousiasmant que de répondre à l’appel de Dieu pour être au
mieux le gardien d’une église et d’un secrétariat, si la vie du
prêtre n’est que cela ? La perte de la valeur incommensurable de la
célébration de chaque messe joue également certainement un rôle
dans la crise générale des vocations sacerdotales. Si bien que,
faute de prêtres, les évêques préfèrent ordonner de nouveaux diacres
permanents, comme s’ils ne voyaient pas qu’il ne s’agit pas là d’un
remède, mais d’une des causes de la désertion des séminaires, et comme
s’ils ignoraient que la perfection sacerdotale se trouve dans la
célébration du sacrifice eucharistique et la disposition des
âmes à le recevoir .
Sur ce chapitre, remarquons que le magistère récent semble oublier
l’idée que le diaconat a été ressuscité au point de redevenir un
degré autonome, détaché de la perspective de la réception
ultérieure du sacerdoce : dans la
Ratio fundamentalis de 2016 ,
de la Congrégation du Clergé, relative à la formation des
prêtres, il est explicitement dit : « On ne devra admettre aucun
diacre ad experimentum. Une fois reçue l’ordination diaconale,
l’idonéité au presbytérat est supposée (…) ». C’est-à-dire : un
diacre est destiné à l’ordination sacerdotale. Dans le cas
contraire, on ne l’ordonne pas diacre.
Un cheval de Troie contre le célibat ecclésiastique
Salva reverentia, il y a quelque chose de profondément risible à
prétendre que les hommes pour lesquels la loi du célibat doit
continuer à s’imposer sont les « jeunes » de 25 à 35 ans, les autres
étant des « vieux », auxquels, par exception, on pourra conférer
l’ordination diaconale malgré leur mariage.
Ce qui était important, c’était, nous l’avons dit, de séparer
l’appartenance à la hiérarchie sacrée, dont les derniers degrés sont
précisément le diaconat et le sacerdoce, et le célibat que,
depuis l’âge apostolique, l’Église a établi comme règle , laquelle connaît des exceptions, pour des raisons circonstancielles, que l’Église supporte mais n’encourage pas, dans sa partie orientale.
En établissant de manière arbitraire l’âge auquel on est en droit
d’exiger le célibat consacré des diacres permanent, et l’âge à
partir duquel cette exigence n’existe plus, on réduit la continence
et chasteté parfaites « pour le Royaume des Cieux » (Mat. XIX, 12), à
une pure question disciplinaire, susceptible non seulement de
variations mais encore de disparition. Et rapidement, ce qui est
dit des diacres sera également dit des prêtres (et l’est déjà !). La
boucle est bouclée, au mépris de la tradition apostolique et des
fondements scripturaires, théologiques ou ascétiques du célibat
consacré embrassé par les clercs.
L’expérience et les statistiques qui en rendent compte, montrent
que le diaconat permanent s’adresse bien, in concreto, à des gens
déjà unis par les liens du mariage. On peut, sans se tromper,
imaginer que les prochaines discussions sur la crise des
vocations, en particulier à l’occasion du futur synode des évêques
portant sur la jeunesse, évoqueront l’accession de viri probati,
d’hommes éprouvés, quoique mariés , au sacerdoce !
Pourtant, les Orientaux ne cessent de souligner les difficultés
de cette situation : juste place dans la communauté de la femme et
des enfants du prêtre, préoccupation de la vie matérielle de la
famille, etc. qui viennent s’ajouter, nous l’avons dit, à la rupture
avec la règle apostolique du célibat.
Encore une fois, ce célibat volontairement embrassé par les
candidats au sacerdoce, dès le sous-diaconat, n’est pas une
question disciplinaire : il rend compte de cette totale donation de
l’être, à Dieu, en vue de remplir la fonction sacrée qu’Il demande,
c’est-à-dire la sanctification des hommes en vue du Royaume de grâce
et de vérité. Il y a une vraie dimension eschatologique dans
l’exigence du célibat consacré : en en faisant un simple accident du
sacrement de l’Ordre, on contribue à la profanation de ce
dernier, et au mépris toujours croissant pour une vocation de moins
en moins comprise, puisque rien ne distingue, dans ses activités
mesurables, un diacre d’un prêtre, et même un diacre d’un pieux laïc.
Comment cela est-il possible avec un diacre qui travaille, est marié,
a des enfants, etc. ?
Plus d’inconvénients que d’avantages
Finalement, cette résurrection du diaconat dit « permanent »,
présente plus d’inconvénients que d’avantages. Il ne s’agit pas de
remettre en cause l’extrême générosité de ces diacres permanents,
et de leurs familles, qui acceptent de consacrer du temps à la mission
que leur a confiée leur évêque et manifestent ainsi une courageuse
visibilité chrétienne dans leur milieu professionnel et
familial. Cependant il est un fait que la mission des diacres se
superpose avec celle des pasteurs que sont – ou devraient être… – les
prêtres. De plus la présence constante des diacres dans le tissu
social, non comme extérieurs à lui, mais comme acteurs, expose, à
travers eux, l’Église, à une attention particulièrement
scrupuleuse de la part de leur entourage. Il est également à
craindre qu’une formation intellectuelle souvent lacunaire – les
études d’un séminariste durent 6 ou 7 ans à temps plein – ne rende la
majorité des diacres permanents incapables de remplir
convenablement leurs tâches : prédications, célébrations des
sacrements trop souvent occasion d’étaler une indigence
intellectuelle et/ou doctrinale confondante, sans parler de
l’exemple de leur vie, quelquefois désastreux, ou de leur rôle
d’éducateur vis-à-vis de leur propre progéniture !
Il est à craindre que ce diaconat permanent, nonobstant la
bonne volonté des impétrants, ne soit un « coup pour rien » qui ne
portera remède ni à la déchristianisation en profondeur de nos
sociétés ni à la crise du sacerdoce. Il n’est pas non plus défini
comme un moyen particulier de sanctification de ses titulaires.
« Tout ça pour ça » aurait-on envie de conclure…
Gaspar de Quiroga