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mercredi 6 juin 2018

Le Saint-Esprit, comme un vent violent changeant nos cœurs

Rédigé par Un moine de Triors
Le Saint-Esprit, comme un vent violent <br>changeant nos cœurs
La Pentecôte est un événement capital qui marque l’intervention directe du Saint-Esprit dans l’histoire. Analogiquement et toutes proportions gardées, on peut dire que l’Esprit Saint s’empare de l’Église, comme le Verbe de Dieu s’est emparé de l’humanité du Christ. L’effusion de l’Esprit-Saint, âme incréée de l’Église, est le signe de l’ouverture des temps messianiques annoncée par le Prophète Joël. La Pentecôte constitue le dernier acte de fondation de l’Église et sa manifestation devant le monde. Ce jour-là, l’Esprit lui-même vient apposer le sceau d’authenticité sur la communauté réunie au nom de Jésus. Il témoigne de Jésus et atteste la continuité entre la vie du Christ et l’Église et nous permet d’affirmer que nous possédons l’enseignement authentique du Christ dans la prédication des Apôtres et que cette prédication n’est point la création de la communauté ecclésiale primitive.
La venue du Saint Esprit nous est signifiée par une double image : celle du feu et celle du vent violent. C’est cette dernière que retient le Pape. L’image du vent, remplie de contraste, apporte l’idée de changements profonds et utiles, même si parfois il dérange nos habitudes. Appliquée au Saint Esprit, cette image nous indique que l’Esprit Saint est partout présent, que ce soit dans le labeur et la fatigue, la douleur et les pleurs, le repos et le réconfort. Il est partout présent et, comme le vent, il change tout sur son passage, comme le note si bien la séquence de la messe de la Pentecôte. Il change mais ne détruit pas, ou du moins s’il détruit, c’est pour transformer. Il change les situations, les cœurs et les événements.
Il change les cœurs, comme le Seigneur l’avait lui-même annoncé le jour de son Ascension. Il change les cœurs pour faire de ses disciples des témoins. On sait qu’en grec le mot témoin est aussi celui de martyr. Pour être martyr, il faut enlever un obstacle et non des moindres : celui de la peur. Avant la Pentecôte, les Apôtres étaient des peureux et des chétifs. On l’a si bien vu durant la Passion du Christ. Peureux et titubants, ils sont devenus sous l’influence de l’Esprit des marins aguerris et courageux, pour annoncer jusqu’au bout du monde le salut apporté par Jésus de Nazareth, unique Sauveur. Aujourd’hui aussi, le Saint Esprit, si nous l’invoquons avec piété, nous libérera de nos peurs et angoisses. Et Dieu sait si elles sont nombreuses de nos jours, entraînant des réticences à la grâce, même s’il demeure vrai que seul Dieu juge les cœurs. Comme à son habitude, le Pape a des images audacieuses pour marquer ce changement des cœurs opéré par l’Esprit Saint en chacun de nous. Vainquant toutes les résistances de nos cœurs trop étriqués, « il pousse au service celui qui se vautre dans le confort ». Notons que ce ne seront jamais les structures terrestres, si bonnes et si nécessaires qu’elles soient, qui changeront les cœurs. Seul le Saint Esprit peut le faire. La transformation qu’il apporte demeure entièrement spirituelle, car il ne révolutionne pas, mais change les cœurs. Il change en libérant intérieurement et en nous faisant marcher avec confiance vers le ciel, sans jamais nous lasser de la vie. Il nous change en nous transformant de pécheur en pardonné. De là naît la joie du chrétien, du petit enfant qui se sait, malgré ses frasques, pardonné par son père, mais aussi par sa mère. Il change les cœurs, mais aussi les événements et les communautés. On l’oublie trop de nos jours. Prions Marie pour qu’elle hâte son triomphe qui nous apportera la nouvelle Pentecôte prophétisée par Marthe Robin et saint Jean XXIII.



MESSE DE LA SOLENNITÉ DE PENTECÔTE

HOMÉLIE DU PAPE FRANÇOIS

Basilique vaticane
Dimanche 20 mai 2018

Dans la première Lecture de la liturgie d’aujourd’hui, la venue de l’Esprit Saint à la Pentecôte est comparée à « un violent coup de vent » (Ac 2, 2). Que nous dit cette image ? Le coup de vent violent fait penser à une grande force, mais qui n’est pas une fin en soi : c’est une force qui change la réalité. Le vent, en effet, apporte du changement : des courants chauds quand il fait froid, des courants frais quand il fait chaud, la pluie quand il fait sec…Ainsi fait-il. L’Esprit Saint aussi, à un tout autre niveau, fait de même : il est la force divine qui change, qui change le monde. La Séquence nous l’a rappelé : l’Esprit est « dans le labeur, le repos, dans les pleurs, le réconfort » ; et nous le supplions ainsi : « Lave ce qui est souillé, baigne ce qui est aride, guéris ce qui est blessé ». Il entre dans les situations et les transforme ; il change les cœurs et il change les événements.
Il change les cœurs. Jésus avait dit à ses Apôtres : « Vous allez recevoir une force quand le Saint Esprit viendra sur vous ; vous serez alors mes témoins » (Ac 1, 8). Et il en fut exactement ainsi : ces disciples, auparavant craintifs, confinés dans une chambre fermée même après la résurrection du Maître, sont transformés par l’Esprit et, comme Jésus l’annonce dans l’Évangile de ce jour, lui rendent témoignage (cf. Jn 15, 27). Titubants, ils sont devenus courageux et, en partant de Jérusalem, ils vont aux confins du monde. Craintifs quand Jésus était parmi eux, ils sont devenus audacieux sans lui, car l’Esprit a changé leurs cœurs.
L’Esprit libère les esprits paralysés par la peur. Il vainc les résistances. À celui qui se contente de demi-mesures, il donne des élans de don. Il dilate les cœurs étriqués. Il pousse au service celui qui se vautre dans le confort. Il fait marcher celui qui croit être arrivé. Il fait rêver celui qui est gagné par la tiédeur. Voilà le changement du cœur. Beaucoup promettent des saisons de changement, de nouveaux départs, de prodigieux renouvellements, mais l’expérience enseigne qu’aucune tentative terrestre de changer les choses ne satisfait pleinement le cœur de l’homme. Le changement de l’Esprit est différent : il ne révolutionne pas la vie autour de nous, mais il change notre cœur ; il ne nous libère pas d’un seul coup des problèmes, mais il nous libère intérieurement pour les affronter ; il ne nous donne pas tout immédiatement, mais il nous fait marcher avec confiance, sans jamais nous lasser de la vie. L’Esprit garde le cœur jeune –c’est lui qui en renouvelle la jeunesse. La jeunesse, malgré tous les efforts pour la prolonger, passe tôt ou tard ; c’est l’Esprit qui, au contraire, prémunit contre l’unique vieillissement malsain, le vieillissement intérieur. Comment procède-t-il ? En renouvelant le cœur, en le transformant de pécheur en pardonné. Voilà le grand changement : de coupables, il nous fait devenir des justes et ainsi tout change, car esclaves du péché nous devenons libres, serviteurs nous devenons des fils, marginalisés nous devenons des personnes importantes, déçus nous devenons des personnes remplies d’espérance. Ainsi, l’Esprit Saint fait renaître la joie, il fait ainsi fleurir la paix dans le cœur.
Aujourd’hui donc, nous apprenons ce qu’il faut faire quand nous avons besoin d’un vrai changement. Qui d’entre nous n’en a pas besoin ? Surtout quand nous sommes à terre, quand nous peinons sous le poids de la vie, quand nos faiblesses nous oppriment, quand aller de l’avant est difficile et aimer semble impossible. Alors, il nous faudrait un ‘‘fortifiant’’ efficace : c’est lui, la force de Dieu. C’est lui qui, comme nous le professons dans le ‘‘Credo’’, « donne la vie ». Comme il nous ferait du bien de prendre chaque jour ce fortifiant de vie ! Dire, au réveil : « Viens, Esprit Saint, viens dans mon cœur, viens dans ma journée ».
L’Esprit, après les cœurs, change les événements. Comme le vent souffle partout, de même il atteint également les situations les plus impensables. Dans les Actes des Apôtres – qui est un livre tout à découvrir, où l’Esprit est protagoniste – nous voyons un dynamisme continuel, riche de surprises. Quand les disciples ne s’y attendent pas, l’Esprit les envoie vers les païens. Il ouvre des chemins nouveaux, comme dans l’épisode du diacre Philippe. L’Esprit le pousse sur une route déserte, conduisant de Jérusalem à Gaza – comme ce nom sonne douloureusement aujourd’hui ! Que l’Esprit change les cœurs ainsi que les événements et apporte la paix en Terre sainte ! – Sur cette route, Philippe prêche au fonctionnaire éthiopien et le baptise ; ensuite l’Esprit le conduit à Ashdod, puis à Césarée : toujours dans de nouvelles situations, pour qu’il diffuse la nouveauté de Dieu. Il y a, en outre, Paul, qui « contraint par l’Esprit » (Ac 20, 22) voyage jusqu’aux confins lointains, en portant l’Évangile à des populations qu’il n’avait jamais vues. Quand il y a l’Esprit, il se passe toujours quelque chose, quand il souffle il n’y a pas d’accalmie, jamais !
Quand la vie de nos communautés traverse des périodes ‘‘d’essoufflement’’, où on préfère la quiétude de la maison à la nouveauté de Dieu, c’est un mauvais signe. Cela veut dire qu’on cherche un refuge contre le vent de l’Esprit. Quand on vit pour l’autoconservation et qu’on ne va pas vers ceux qui sont loin, ce n’est pas bon signe. L’Esprit souffle, mais nous baissons pavillon. Pourtant tant de fois nous l’avons vu faire des merveilles. Souvent, précisément dans les moments les plus obscurs, l’Esprit a suscité la sainteté la plus lumineuse ! Parce qu’il est l’âme de l’Eglise, il la ranime toujours par l’espérance, la comble de joie, la féconde de nouveautés, lui donne des germes de vie. C’est comme quand, dans une famille, naît un enfant : il bouleverse les horaires, fait perdre le sommeil, mais il apporte une joie qui renouvelle la vie, en la faisant progresser, en la dilatant dans l’amour. Voilà, l’Esprit apporte une ‘‘saveur d’enfance’’ dans l’Eglise ! Il réalise des renaissances continuelles. Il ravive l’amour des débuts. L’Esprit rappelle à l’Église que, malgré ses siècles d’histoire, elle a toujours vingt ans, la jeune Épouse dont le Seigneur est éperdument amoureux. Ne nous lassons pas alors d’inviter l’Esprit dans nos milieux, de l’invoquer avant nos activités : « Viens, Esprit Saint ! ».
Il apportera sa force de changement, une force unique qui est, pour ainsi dire, en même temps centripète et centrifuge. Elle est centripète, c’est-à-dire qu’elle pousse vers le centre, car elle agit dans l’intime du cœur. Elle apporte l’unité dans ce qui est fragmentaire, la paix dans les afflictions, le courage dans les tentations. Paul le rappelle dans la Deuxième Lecture, en écrivant que le fruit de l’Esprit est joie, paix, fidélité, maîtrise de soi (cf. Ga 5, 22). L’Esprit donne l’intimité avec Dieu, la force intérieure pour aller de l’avant. Mais en même temps, il est une force centrifuge, c’est-à-dire qu’il pousse vers l’extérieur. Celui qui conduit vers le centre est le même qui envoie vers la périphérie, vers toute périphérie humaine ; celui qui nous révèle Dieu nous pousse vers nos frères. Il envoie, il fait de nous des témoins et pour cela il répand – écrit encore Paul - amour, bienveillance, bonté, douceur. Seulement dans l’Esprit Consolateur, nous disons des paroles de vie et encourageons vraiment les autres. Celui qui vit selon l’Esprit est dans cette tension spirituelle : il est tendu à la fois vers Dieu et vers le monde.

Demandons-lui d’être ainsi. Esprit Saint, vent impétueux de Dieu, souffle sur nous. Souffle dans nos cœurs et fais-nous respirer la tendresse du Père. Souffle sur l’Église et pousse-la vers les confins lointains afin que, guidée par toi, elle n’apporte rien d’autre que toi. Souffle sur le monde la tiédeur délicate de la paix et la fraicheur rénovatrice de l’espérance. Viens, Esprit Saint, change-nous intérieurement et renouvelle la face de la terre ! Amen.