Orages d'acier
Si j'en avais eu le loisir, j'aurais sans doute écrit le récit des
journées que j'ai vécues dans la cellule des condamnés à mort de
Fresnes, sous ce titre. On dit que la mort ni le soleil ne se regardent
en face. J'ai essayé pourtant. Je n'ai rien d'un stoïcien, et c'est dur
de s'arracher à ce qu'on aime. Mais j'ai essayé pourtant de ne pas
laisser à ceux qui me voyaient ou pensaient à moi une image indigne. Les
journées, les dernières surtout, ont été riches et pleines. Je n'avais
plus beaucoup d'illusions, surtout depuis le jour où j'ai appris le
rejet de mon pourvoi en cassation, rejet pourtant prévu. J'ai achevé le
petit travail sur Chénier que j'avais commencé, j'ai encore écrit
quelques poèmes. Une de mes nuits a été mauvaise, et le matin
j'attendais. Mais les autres nuits, ensuite, j'ai dormi bien calmement.
Les trois derniers soirs, j'ai relu le récit de la Passion, chaque soir,
dans chacun des quatre Évangiles. Je priais beaucoup et c'est la
prière, je le sais, qui me donnait un sommeil calme. Le matin,
l'aumônier venait m'apporter la communion. Je pensais avec douceur à
tous ceux que j'aimais, à tous ceux que j'avais rencontrés dans ma vie.
Je pensais avec peine à leur peine. Mais j'essayais le plus possible
d'accepter.
6 février 1945
Robert Brasillach, Poèmes de Fresnes