L'année
viking se découpe en deux saisons ou misseri : le misseri d'été
commence mi-avril et dure jusqu'à mi-septembre. Le misseri d'hiver
correspond à l'autre semestre. L'hiver s'installe mi-novembre et les
mois qui le constituent (ýlir, jólmánađr, þorri, gói) sont durs. La
neige, la glace, le vent et la nuit étreignent l'univers des Vikings.
Ull, dieu de l'hiver, tient le monde entre ses mains. C'est un dieu Ase,
fils de Sif, adopté par Þórr. Excellent chasseur, adepte des sports
d'hiver, il habite Ydalir, la vallée des Ifs, un pays de montagnes
enneigées. Son épouse Skadi est une géante du froid et de la montagne.
C'est un dieu important de la mythologie scandinave dans les temps
anciens, mais son rôle a été amoindri au profit d'Óđinn.
La
grande fête du solstice d'hiver, Jól, coupe heureusement cette période.
Elle célèbre l'allongement des jours et l'espérance en la saison
nouvelle. Elle est entourée de tout un ensemble de croyances liées au
panthéon des dieux scandinaves. Lors de la christianisation des Vikings,
l'église a remplacé cette fête par les fêtes de Noël.
La saison de l'hiver chez les anciens Scandinaves.
A
l'approche de la mauvaise saison, le bóndi, homme libre de la société
viking, a pris soin de rentrer du bois et de la tourbe qui serviront à
chauffer sa maison. Il a veillé également à remettre en état les
différents bâtiments de sa ferme. Le foin est rentré ; les animaux,
notamment les moutons, ont été rassemblés ; les réserves de viande salée
et de poissons séchés sont constituées. Maintenant que l'hiver est
venu, l'activité se concentre dans la skáli, bâtiment principal de la
ferme scandinave.
Les
femmes se consacrent aux travaux de tapisserie, de broderie et de
tissage, qui font partie de leurs prérogatives. Frigg, la femme d'Óđinn,
file elle-même. Elle connaît le destin de chaque homme et chaque dieu,
mais elle ne partage ce savoir avec personne. A ce titre, elle tisse le
fil utilisé par les Nornes (Urd - le passé -, Verdande - le présent -
Skuld - l'avenir) pour construire la destinée des mortels.
Les
hommes veillent à réparer les outils endommagés. Ils s'adonnent aux
travaux de sculpture du bois ou de forge qui permettront de construire
et parer bateaux, traîneaux ou chariots. Ils s'occupent des bêtes,
rentrées dans la bâtisse adjacente. Pour se détendre, la maisonnée joue à
des jeux de tables ou aux dés. Hommes et femmes racontent des
histoires, des contes, les histoires des dieux ou évoquent les souvenirs
de leurs expéditions. Dans la demeure du chef viking, le scalde récite
les poésies qui louent les exploits de son maître.
S'il
doit sortir, le Viking chausse ses skis ou ses patins. Il peut aller
chasser ou pêcher, ceci en creusant un simple trou dans la glace. Ces
sports d'hiver donnent lieu également à des jeux voire à des
compétitions.
La fête de Jól.
La
fête de Jól, qui dure plusieurs jours, survient pour rompre l'isolement
et fêter le solstice d'hiver. Cette réjouissance est l'occasion d'un
sacrifice, le blót, au cours duquel un porc engraissé pour l'occasion ou
un cheval est sacrifié. Le sang de l'animal sacrifié est recueilli dans
un récipient spécial, le hlautbolli, et sert ensuite à la consultation
des augures. Plus spécialement, le blót permet au Viking, non pas
d'influencer son destin en le connaissant par avance, car il sait que «
nul ne survit d'un soir à la sentence des Nornes », mais plutôt à capter
des forces bénéfices. En l'occurrence, lors du sacrifice de Jól, il
s'agit de forces bénéfiques liées aux puissances de la fertilité et du
renouveau, les forces des Alfes.
Un
grand festin est apprêté au cours duquel on boit la bière brassée
spécifiquement pour cette fête – la jólaöl -, et l'on mange la chair
bouillie de l'animal sacrifié. Des toasts sont portés en l'honneur des
ancêtres et des dieux. On boit beaucoup ; on mange copieusement. Sans
doute, au tout début du banquet, les invités se sont-ils juré de ne pas
tenir compte des paroles prononcées sous l'emprise de l'ivresse, comme
le veut la coutume. Toutes sortes de divertissements, poèmes, danses,
chants, jeux se succèdent. La fête de Jól, à l'instar des fêtes dédiées
au solstice d'hiver, est donc liée aux puissances de la fertilité et du
renouveau, représentées dans le panthéon scandinave par les Alfes, des
divinités anciennes, énigmatiques, placées apparemment au même rang que
les Vanes et les Ases. Ces divinités régissent les forces de la
fertilité, de la végétation et du renouveau. Elles sont également liées
au culte des ancêtres.
Grímnismá
- les dits de Grímnir - l'un des poèmes mythologiques de l'Edda
poétique présente Freyr comme le seigneur du Álfheimr, la demeure des
Alfes. C'est un dieu Vane, le frère de Freyja, la déesse de l'amour. Il
est lui-même dieu de la fertilité et l'un des dieux les plus populaires,
avec Þórr. Il a reçu Álfheimr et le royaume associé en cadeau,
lorsqu'en enfant, il a perdu sa première dent. Il possède un sanglier
magique aux soies d'or, qu'il peut chevaucher ou atteler à son chariot.
Ainsi, le porc ou sanglier et encore le cheval sont les animaux qui lui
sont les plus couramment associés. C'est en son honneur qu'ils sont donc
sacrifiés lors des fêtes de Jól. De nos jours, d'ailleurs, le jambon
traditionnellement servi à Noël en Suède rappelle ces offrandes faites à
Freyr. Dans les campagnes, on continue de brasser la bière
spécifiquement pour Noël.
La
fête de Jól est aussi liée au culte des ancêtres, culte que véhiculent
également les Alfes. A cette occasion, Óđinn traverse le ciel, suivi de
sa Chasse Sauvage, assemblée composée des guerriers morts au combat qui,
la nuit venue, retournent à la Vallhöll, le palais du dieu, pour
festoyer. Óđinn, lui-même, chevauche Sleipnirr, son cheval à huit pattes
; des chiens et des chevaux noirs l'escortent. Curieux banquet, auquel
assistent toutes les nuits les Einherjar, les guerriers morts au combat
et choisis par les Valkyries, filles d'Óđinn, pour gagner la Valhöll.
Ils ne manquent ni d'hydromel ni de viande. La boisson est fournie en
abondance par la chèvre Heiđrún, qui, juchée sur le toit de la Vallhöll,
broute les jeunes feuilles du frêne Yggdrasil. Le cuisinier fait
bouillir chaque nuit la chair du sanglier Sæhrímnir qui ressuscite
ensuite.
Dans
cette Chasse Sauvage du solstice d'hiver, Óđinn est parfois décrit
comme étant accompagné par Dame Hölle ou Holda, qui tire avec elle un
chariot peuplé d'enfants en bas âge. Ce personnage, parfois associé à
Frigg l'épouse d'Óđinn en raison de son activité de filage ou à Hel, la
déesse de la mort, à cause de son aspect effroyable, dispose chez elle
d'un lac dans lequel elle dépose les âmes des enfants morts.
En savoir plus :
• Boyer Régis, La vie quotidienne des Vikings (800-1050), Editions Hachette
• Boyer Régis, Les Vikings, Editions Plon
• Marillier Bernard, BA.BA Vikings, Pardès
• Anne-Laure d'Apremont, BA.BA Tradition Nordique, volume 2
• Jean Renaud, Les dieux des Vikings, Ouest France Editions
* article paru sur le site Histoire pour tous