Ex: http://www.dedefensa.org
D’abord, ceci est comme un symbole ... Après la publication du “conseil de surveillance des libertés civiles” (PCLOB, voir le 23 janvier 2014),
la “réponse” du président Obama qui dirige le gouvernement dont le
PCLOB fait institutionnellement partie a été aussi brève et abrupte que
piteuse, – paradoxe de la situation que ce contraste entre l’aspect
tranchant de la réponse et le caractère “piteux” qu’on est
nécessairement conduit à lui attribuer, – comme si Obama n’avait plus
d’argument à proposer que celui de tenir sa position de refus dictée
part le Système. Selon les mots de son porte-parole, BHO est “[tout]
simplement en désaccord”, montrant par là, “simplement”, qu’il ne peut
pas ne pas prendre position sur un tel acte politique émanant de ses
propres rangs, que cette position ne peut être que négative, et qu’il
n’a nul autre argument que de dire nyet, sans aucune tactique, sans aucune capacité d’autorité, simplement parce qu’il est coincé... Selon Antiwar.com le 23 janvier 2014 :
«President
Obama has tried his darnedest to ignore such reports in the past, even
when they came from review panels he appointed. There’s no ignoring this
one, however. The White House responded to a 238 page report filled
with legal and constitutional arguments about the crimes of bulk
surveillance with a statement saying President Obama “simply disagrees.”»
• Ceci, par contre, est plus qu’un symbole, tout en l'étant en partie.
Lors d’une émission sur la chaîne TV MSNBC, bastion du “libéralisme”
démocrate absolument pro-BHO, le ministre US de la justice Eric Holder a
parlé en termes patelins et amicaux de la possibilité d’un accord d’une
pseudo-amnistie, ou de semi-amnistie d’Edward Snowden, pour lui
permettre de rentrer aux USA. Le langage est ouvert et presque aimable
pour Snowden, la perspective est évidemment très confuse avec toutes les
chausse-trappes cousues de fil blanc qu’on peut imaginer ; la
conclusion, elle, est que cette intervention reflète plus la panique qui
caractérise aujourd’hui la direction politique US dans cette crise
Snowden/NSA qu’une intention maîtrisée et constructive de parvenir à une
situation spécifique du whistleblower Snowden plus juste et
plus conforme au climat général, tout en tentant de limiter ce qu’il
reste de dégâts à attendre encore de cette affaire. Même si des rumeurs
continuent à suggérer que telle ou telle équipe d’une quelconque CIA ou
apparentés chercherait à exécuter sommairement Snowden, – le Système est
assez considérablement stupide pour nourrir de tels projets, – le
climat général est, lui, considérablement favorable à Snowden. Le Guardian, notamment, rapporte la tentative de Holder, ce 23 janvier 2014,
presque avec des trémolos d’espérance réconciliatrice dans la plume.
(L’approche générale de l’article montre combien la tendance
libérale-progressiste, mais toujours tendance-Système éventuellement
interventionniste qui caractérise le quotidien, apprécierait que
saint-BHO se montrât magnanime et conforme aux idéaux de ce courant
d’idées.)
«The
attorney general, Eric Holder, has indicated that the US could allow
the national security whistleblower Edward Snowden to return from Russia
under negotiated terms, saying he was prepared to “engage in
conversation” with him. Holder said in an MSNBC interview that full
clemency would be “going too far”, but his comments suggest that US
authorities are prepared to discuss a possible plea bargain with
Snowden, who is living in exile in Russia...»
Le même jour, ou quasiment, Snowden “répondait” à Holder. S’il répétait
le principe (un peu trop mis en exergue, sans les réserves, par le Guardian)
selon lequel l’issue préférable pour lui serait de rentrer aux USA,
c’était pour aussitôt répéter (il a déjà dit tout cela) que les
conditions actuelles de la justice aux USA, et du comportement du
gouvernement, ou disons de l’État de Sécurité Nationale (National Security State,
ou NSS), rendaient cette perspective improbable, sinon impossible.
Cette “réponse” de Snowden se faisait au cours de la deuxième conférence
de presse qu’il a donnée à Moscou, qui est notamment rapportée par Russia Today le 24 janvier 2014 :
«Returning
to the US, I think, is the best resolution for the government, the
public, and myself, but it’s unfortunately not possible in the face of
current whistleblower protection laws, which through a failure in law
did not cover national security contractors like myself. The
hundred-year old law under which I’ve been charged, which was never
intended to be used against people working in the public interest, and
forbids a public interest defense. This is especially frustrating,
because it means there’s no chance to have a fair trial, and no way I
can come home and make my case to a jury. Maybe when Congress comes
together to end the programs the PCLOB just announced was illegal,
they’ll reform the Whistleblower Protection Act, and we’ll see a
mechanism for all Americans, no matter who they work for, to get a fair
trial.»
• A ce point, il importe d’en venir à l’observation essentielle
caractérisant la situation générale de Washington, – après avoir bien
fixé dans l’esprit que tout ce qui précède est absolument le signe de la
panique et du désespoir du pouvoir washingtonien devant l’extension et
l’incontrôlabilité de la crise Snowden/NSA. Cette observation est
parfaitement comprise et exposée par Justin Raimondo, de Antiwar.com, le 24 janvier 2014.
Il importe de comprendre ici que Raimondo n’est plus une voix
“marginale”, dont le propos intéressant devait être tout de même jugé
selon l’éclairage de la polémique... (On ne s’adresse pas ici aux
experts politologues et autres robots-Système chargés de répercuter la narrative
sur la situation politique US qui permette aux dirigeants européens de
continuer à dormir sur leurs lauriers.) Il importe de comprendre que
Raimondo parle désormais comme un des commentateurs éminents, influents
et combattifs de la tendance libertarienne, hier marginale à Washington,
aujourd’hui en pleine expansion d’influence, à l’image de Snowden,
lui-même libertarien.
Ce n’est pas qu’il soit devenu pontifiant, qu’il ait changé enfin, mais
la situation générale à Washington a subi un tel “changement
tectonique” depuis le 6 juin 2013 (date de la première
publication-Snowden) que la parole de Raimondo a désormais ce poids
politique. Et ce qu’il nous dit, justement, est que la situation
washingtonienne a tellement changé en six mois qu’on se trouve au bord
de bouleversements fondamentaux, essentiellement pour ce qui concerne le
parti démocrate ici, apparentant les remous à Washington à ceux de
l’époque du Vietnam à partir de 1967-1968. (Mais certes, avec à
l’esprit, pour notre compte, que tout cela se passe dans un
environnement général de “crise d’effondrement du Système” infiniment
plus tragique et déstabilisant.)
«We
haven’t seen anything like this since the Vietnam war era: an
administration caught red-handed illegally and systematically spying on
Americans in the midst of an increasingly unpopular war. At that time,
too, the political class was badly divided, with the hard-liners
circling their wagons against the rising tide of popular outrage and the
dissenters auguring a new and not-so-Silent Majority.
»While
the Vietnam conflict dragged on for years without much protest aside
from a marginal group of extreme leftists, as more troops were sent and
the conflict expanded in scope the massive demonstrations against the
war began to shake the heretofore solid unity of center-left liberals
who constituted the electoral base of the Democratic party. The cold war
liberalism of the Arthur Schlesingers and the George Meanys was the
main intellectual and political bulwark of the war’s defenders, but that
fortress was stormed and taken by the “new politics” crowd, who took
over from the defeated supporters of Hubert Humphrey and LBJ’s old gang
and handed the party’s nomination to George McGovern.
»With
the news that the Privacy and Civil Liberties Oversight Board (PCLOB)
has handed in a report declaring the National Security Agency’s
meta-data dragnet flat out illegal it is clear that Edward Snowden’s
revelations have badly split a political class that was once pretty much
united in its fulsome support for the national security status quo.
This comes on the heels of a new poll that shows the majority of
Americans oppose the NSA’s data dragnet – with an even larger majority
contending that the main danger to their welfare is their own
government.»
On observera une chose : dans toutes ces nouvelles, si la NSA semble
être la question en toile de fond, on voit passer Snowden et son effet
politique au premier plan et la NSA devenir effectivement toile de fond
en perdant peu à peu le contrôle qu’elle exerçait sur la substance de la
crise, en la cantonnant aux seules questions techniques avec leurs
conséquences au niveau civique... Snowden prend plus d’importance que la
NSA à cause de sa fonction de production d’un “effet” sensationnel (“The Snowden Effect and the Liberal Implosion»,
titre notre ami Justin). Ce glissement sémantique n’est pas indifférent
et constitue le symbole même de la politisation ultime produit par la
crise Snowden/NSA. La question ne concerne plus toute la problématique
autour de la NSA, déjà certes considérable mais tout de même limitée à
son domaine, mais le domaine de la politique washingtonienne ultime dans
laquelle la NSA est incluse mais pas seulement, puisque désormais la
question du National Security State aux USA, et donc la
question de la substance même du Système et de la structuration du
système de l’américanisme, sont posées à Washington, D.C. Comme Raimondo
l’affirme presque péremptoirement, lui qui s’est montré assez prudent
et mesuré dans ses commentaires sur l’importance de la crise jusqu’ici,
c’est le terrible cas de la division, de la rupture au sein de la classe
politique jusqu’alors constituée en “parti unique”, qui apparaît... «At that time, too, the political class was badly divided... Snowden’s
revelations have badly split a political class that was once pretty
much united in its fulsome support for the national security status quo.»
Du coup, l’argument de Raimondo n’est plus : va-t-il y avoir bouleversement de la classe politique, va-t-il y avoir un “Snowden Effect” ?
... Mais plutôt : tout cela étant fait, il s’agit de s’organiser, nous
libertariens, pour ne pas voir notre formidable avancée politique
confisquée par un courant populiste démocrate en train de prendre forme à
une très grande vitesse. Ce que constate Raimondo, c’est que la rupture
déjà acquise au sein du GOP (républicains), entre mandarins à la dérive
(d’un Boehner à l’inénarrable paire McCain-Graham), et
“révolutionnaires-libertariens” (depuis le Père Fondateur Ron Paul
jusqu’au bulldozer Amash, l’autre Justin, le “Syrien du Congrès”),
cette rupture est en train de se faire à grande vitesse du côté
démocrate. Le sémillant BHO-saint représente l’aile des “mandarins”, les
LBJ-Humphrey de notre époque, tandis que se dégage une aile marchante
“révolutionnaire-progressiste”, qui pourrait trouver son totem dans la
très solide Elisabeth Warren.
(Les démocrates “populistes”, ou néo-populistes, s’“européanisent” du
point de vue dialectique, paraît-il, en écartant, selon Justin, le liberal anglo-saxon pour un “progressive” nettement plus politique et “révolutionnaire” : «Liberalism isn’t what it used to be: liberals don’t even call themselves liberals anymore. Today they’re “progressives”...».)
Tout cela nous fait penser que le malheureux BHO-ex-saint n’a pas tort
de laisser comprendre à ses hagiographes qu’il n’espère plus rien
des trois années à venir, car le premier à être balayé par la tempête
qui monte, ce sera lui, la baudruche pleine de vent, impuissant à
exploiter l’effet qu’il avait créé lors de sa campagne de 2008 et dont
le seul acte “révolutionnaire” resterait alors d’avoir été le premier
président à la peau café-au-lait, – belle vertu, en vérité, alors qu’à
côté on ne fait pas plus serviteur-Système, ou bien dira-t-on avec une
ironie macabre et désolée esclave-Système, que ce président-là... (Le
seul bien qu’on souhaite à la communauté Africaine-Américaine des USA,
c’est de s’apercevoir le plus vite possible de quelle façon elle a été
bernée par l’élection à la présidence de ce sénateur black devenu le plus efficace des kapos de leur communauté. Pas étonnant que BHO soit un admirateur du Lincoln-à-la-sauce-Spielberg...)
C’est peu dire que la crise Snowden/NSA est devenue “crise haute”, en entrant dans sa troisième période (voir le 19 décembre 2013).
Elle est en train de devenir une crise nationale du système de
l’américanisme, une sorte de reprise de la crise des années-Vietnam, en
infiniment plus grave dans ses effets potentiels, tant le monde de
2013-2014 n’a plus rien à voir avec le monde de 1968-1972, tant il
semble s’être écoulé durant ces quarante années comme l’espace de
plusieurs siècles de turbulence jusqu’à l’extrémité du temps historique,
avec la contraction du temps et l’accélération de l’Histoire, avec le
passage de la surpuissance à l’autodestruction.