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dimanche 2 février 2014

Sortir de l'euro ? Le « débat interdit » est ouvert...



 
Régis Soubrouillard
Journaliste à Marianne, plus particulièrement chargé des questions internationales


Cette semaine, Marianne se penche sur le tabou des tabous, la question de la sortie de l’euro, en interrogeant des opposants à la monnaie unique comme Emmanuel Todd ou bien encore le banquier d’affaires Philippe Villin. Voici un résumé des différentes analyses présentes dans ce dossier à retrouver en kiosques dans son intégralité.


GILE MICHEL/SIPA
GILE MICHEL/SIPA
La construction européenne envisagée comme vecteur de paix et de prospérité. La promesse était belle. S’inspirant de Jean Monnet , convaincu que la France  était désormais trop petite et isolée pour assurer la prospérité de son peuple, Mitterrand, pris en défaut de socialisme, allait substituer un nouveau mythe à celui, vite abandonné, de la transformation sociale qui l’avait porté au pouvoir en 1981. Si l’intention était bonne, les instruments de sa mise en œuvre sont loin d’être au niveau. 

Une coquille politique vide, paralysante sur le plan diplomatique, contre-productive d’un point de vue économique et qui se révèle véritable cheval de Troie d’une mondialisation dont elle se voulait le bouclier. 

Pourtant, aujourd’hui encore l’euro demeure une vache sacrée, à laquelle il est défendu de toucher. Interrogé dans Marianne (qui ose, cette semaine LE débat interdit en posant la question de la sortie de l’euro), l’historien et anthropologue Emmanuel Todd analyse la nature religieuse de l’euro, « le veau d‘or français, monnaie sacrificielle » dont l’ébranlement actuel provoque d’inévitables « fondamentalismes de transition : jansénisme, islamisme, intégrisme monétaire hollandiste ».

Des éléments d’une pensée magique dont Emmanuel Todd pointe violemment les responsables : « Nos benêts d’énarques n’ont jamais envisagé les conséquences concrètes du transfert de souveraineté monétaire en Allemagne », vitupère l’anthropologue qui plaide pour une sortie de ce « rapport monétaire sadomasochiste » avec l’Allemagne.  

C’est que l’Europe qui se voulait Bonne Mère protectrice n’a pas encore digéré la crise de 2008, et le paratonnerre promis a montré ses limites et sa totale dépendance aux marchés financiers. « Ni la croissance, ni l’emploi n’ont été au rendez-vous, sauf en Europe Rhénane », constate le banquier d’affaires Philippe Villin, opposant historique à la monnaie commune. 

Certes, la paix, elle, est au rendez-vous. Angela Merkel aime d’ailleurs à rappeler que « l’histoire nous apprend que des pays qui ont une monnaie commune ne se font pas la guerre ». Mais si les canons se sont tus, difficile de parler de paix harmonieuse, l’Union se fait dans la compétition. Une guerre économique dont Philippe Villin dessine dans Marianne l’inévitable aboutissement : « La théorie et l’histoire économiques ont démontré qu’une monnaie unique dans une zone où les économies ont des niveaux de productivité différents aboutit progressivement à la capture de la production de richesses par la zone la plus développée ».

C’est aujourd’hui l’Allemagne et seulement l’Allemagne, qui dicte le rythme de la course à des pays en difficulté contraints à des cures d’austérité drastiques, qui voient régulièrement débarquer chez eux les agents d’une troïka européenne, déguisés en inspecteurs des travaux jamais finis de la régulation européenne.  

Alors, une vie sans l’euro est-elle possible ? Marianne, développe plusieurs scénarios, du plus apocalyptique (dévaluation massive, explosion de la dette, etc.) au plus doux ne comportant qu’une légère poussée inflationniste pendant la période de transition. 

Encore faut-il ne pas tomber dans le piège de l’autre pensée magique, celui qui consisterait à penser qu’une fois l’euro abandonnée, l’Europe géographique gouterait une prospérité légendaire. L’économiste André Orléan tempère en effet cet enthousiasme en soulignant que la sortie de l’euro n’aurait d’intérêt que « si elle s’accompagne de mutations politiques et sociales en rupture avec la logique néolibérale ». 

Encore faudrait-il, aussi, que s’exprime une volonté majoritaire de sortir de l’euro actuel. Car si aujourd’hui, selon une étude récente, 40% des français considèrent que « l’appartenance de la France à l’Union européenne est une mauvaise chose », nos élites censément représentatives sont encore bien sourdes au cri du peuple.  

Hollande, lui-même, a rapidement rangé ses nobles ambitions de renégocier le traité européen sur la discipline budgétaire. Y croyait-il vraiment ? Dernièrement, lors de son grand oral devant la presse réuni à l’Elysée à la mi-janvier, ce dernier a même menacé ceux qui auraient la tentation d’en finir avec la monnaie unique : « Ce qui m’a frappé, et choqué dans la conférence de presse du vice-chancelier Hollande, confie d’ailleurs Emmanuel Todd moqueusement à Marianne, c’est son appel inattendu et incongru au patriotisme français. Il a du reste associé ce patriotisme à la nécessaire collaboration avec l’Allemagne. Question pour un jeu télé : qui a déjà fait ça dans l’histoire ? »

Même à gauche de la gauche, où l’on se veut plus radical qu’Hollande, le frondeur affiché Mélenchon se fait très prudent sur la sortie de l’euro, corseté par ses « alliés » communistes, eux-mêmes corsetés par leurs « amis » socialistes.  C’est ainsi, et avec la complicité de médias beaucoup moins médiateurs qu’on le pense, que s’enterrent des débats pourtant indispensables à l’avenir politique et économique du pays.