Jean-Michel Léost
Le 26 mars 1962, une foule nombreuse se
dirige vers Bab el Oued assiégée : des hommes, des femmes, des enfants,
pieds-noirs mais aussi berbères, favorables au maintien de l’Algérie
dans la République française. À l’entrée de la rue d’Isly, un barrage,
tenu par des tirailleurs algériens qui n’ont aucune expérience du
maintien de l’ordre. Quelques pourparlers : la voie est libre. Soudain, à
14 h 50, éclate une fusillade, un mitraillage plutôt. « Halte au feu ! »
s’écrie à plusieurs reprises un jeune lieutenant. En vain. Les tirs se
prolongent pendant de longues minutes. Parfois dans le dos.
Des dizaines de morts et près de 200 blessés tombés sous des balles françaises. Un massacre au fusil-mitrailleur.
Le 26 mars au soir, le général de Gaulle, dans une allocution télévisée, exhorte les Français à se prononcer pour un projet de loi lui accordant tous pouvoirs pour mettre en œuvre les accords d’Évian – les citoyens français d’Algérie, européens et musulmans, sont exclus de cette consultation. Dans son discours, aucune mention de la récente fusillade. Le 27, Christian Fouchet, haut-commissaire, s’adresse aux Français d’Algérie : « Comme vous, je déplore ces morts d’hier, ces victimes innocentes, elles, poussées à la mort par des assassins. » Provocation de l’OAS, prétendra le gouvernement. Mais plusieurs témoignages sembleraient prouver que l’ordre a été donné de tirer sur la foule.
En France, point de manifestation de masse pour protester contre cette tuerie. Personne pour exprimer sa solidarité par un « Je suis Français d’Algérie ». Aucune enquête diligentée. Comme s’il y avait un devoir d’oubli. Le 26 mars 2015, dans quelques églises, devant quelques rares stèles, on célébrera la mémoire des victimes de la rue d’Isly. Leurs noms seront égrenés. Les médias n’en parleront guère. Seuls ceux qui ont connu cette période peuvent se souvenir de cette tragédie : l’histoire officielle a tout effacé.
Ces cérémonies rassembleront des Français qui estiment que les « soldats perdus », fidèles à la parole donnée, étaient prêts à tout perdre, fors l’honneur. Des pieds-noirs qui ont gardé la nostalgie d’un paradis dont ils ont été chassés, qui aurait sans doute pu subsister sous quelque forme, si les politiques en avaient eu la volonté. Des hommes et des femmes qui demandent que toute la lumière soit faite sur ce crime perpétré le 26 mars 1962, dans la quasi-indifférence des métropolitains. Tous souhaitent que les historiens, avant que les derniers témoins ne disparaissent, déterminent objectivement les responsabilités et que l’État, s’il a donné l’ordre de tirer, exprime au moins ses regrets, ce qu’il n’a jamais fait. Non pour crier victoire, mais pour que soit connue la vérité. Il faut lutter contre l’oubli, afin qu’à ce massacre ne s’ajoute pas un crime contre l’Histoire.
Des dizaines de morts et près de 200 blessés tombés sous des balles françaises. Un massacre au fusil-mitrailleur.
Le 26 mars au soir, le général de Gaulle, dans une allocution télévisée, exhorte les Français à se prononcer pour un projet de loi lui accordant tous pouvoirs pour mettre en œuvre les accords d’Évian – les citoyens français d’Algérie, européens et musulmans, sont exclus de cette consultation. Dans son discours, aucune mention de la récente fusillade. Le 27, Christian Fouchet, haut-commissaire, s’adresse aux Français d’Algérie : « Comme vous, je déplore ces morts d’hier, ces victimes innocentes, elles, poussées à la mort par des assassins. » Provocation de l’OAS, prétendra le gouvernement. Mais plusieurs témoignages sembleraient prouver que l’ordre a été donné de tirer sur la foule.
En France, point de manifestation de masse pour protester contre cette tuerie. Personne pour exprimer sa solidarité par un « Je suis Français d’Algérie ». Aucune enquête diligentée. Comme s’il y avait un devoir d’oubli. Le 26 mars 2015, dans quelques églises, devant quelques rares stèles, on célébrera la mémoire des victimes de la rue d’Isly. Leurs noms seront égrenés. Les médias n’en parleront guère. Seuls ceux qui ont connu cette période peuvent se souvenir de cette tragédie : l’histoire officielle a tout effacé.
Ces cérémonies rassembleront des Français qui estiment que les « soldats perdus », fidèles à la parole donnée, étaient prêts à tout perdre, fors l’honneur. Des pieds-noirs qui ont gardé la nostalgie d’un paradis dont ils ont été chassés, qui aurait sans doute pu subsister sous quelque forme, si les politiques en avaient eu la volonté. Des hommes et des femmes qui demandent que toute la lumière soit faite sur ce crime perpétré le 26 mars 1962, dans la quasi-indifférence des métropolitains. Tous souhaitent que les historiens, avant que les derniers témoins ne disparaissent, déterminent objectivement les responsabilités et que l’État, s’il a donné l’ordre de tirer, exprime au moins ses regrets, ce qu’il n’a jamais fait. Non pour crier victoire, mais pour que soit connue la vérité. Il faut lutter contre l’oubli, afin qu’à ce massacre ne s’ajoute pas un crime contre l’Histoire.
Source: |
Boulevard Voltaire