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mardi 31 mars 2015

Militarisme, guerre et cinéma US


Laurent Bodenghien

 Militarisme, guerre et cinéma US


Intervention militaire directe, soutien logistique à des gouvernements ou à des groupes armés, ou activités de déstabilisation opérées par ses services secrets : depuis sa création le 4 juillet 1776 jusqu’à nos jours, les États-Unis d’Amérique, chantre de l’interventionnisme, ont été impliqué directement ou indirectement dans  plus d’une septantaine de conflits armés.
Coup d’État contre le gouvernement du premier ministre iranien Mossadegh en 1953, intervention non officielle contre le régime cubain en 1961, mise en place d’une junte militaire au Brésil en 1964, guerre du Vietnam, mise à mort du socialiste chilien Salvador Allende en 1973 et cooptation du dictateur sanguinaire Pinochet, intervention militaire dans la Libye de Kadhafi : les États-Unis, « nos libérateurs », ont fait des guerres injustes et scélérates leur spécialité…
Si l’on s’en tient à une grossière règle d’arithmétique, tous les trois ans les États-Unis jouent « les va-t-en guerre ». Un record à la mesure du budget alloué à la défense nationale qui s’élevait à plus de 1750 milliard de dollars pour l’année 2012, hissant le pays au rang de leader mondial en terme de dépense militaire.

La plus grosse industrie du cinéma au service de la plus grande puissance militaire

Que ce soit au nom de la défense d’intérêts bien sentis ou pour la préservation des valeurs de la « démocratie », l’appareil d’ État américain n’hésite pas à investir des sommes astronomiques dans le domaine militaire au dépend d’un meilleur système social dans un pays où vivent plus de 46 millions de pauvres.
Afin de réaffirmer sa suprématie, pour légitimer ses tendances au surarmement, à l’ingérence et à la guerre « humanitaire », les États-Unis ont systématiquement recours au support cinématographique.
Le Pentagone, quartier général de la défense, participe matériellement et financièrement à la réalisation de films de guerre à la condition que ceux-ci soient conformes à l’image de respectabilité que l’appareil militaire tient à véhiculer. Comme le disait à juste titre David L.Robb, journaliste d’investigation américain, auteur de Hollywood Pentagone:
De la même manière qu’un produit bénéficiant d’une bonne image publicitaire se vend mieux, l’image positive de l’armée au cinéma, empreinte d’héroïsme, de camaraderie et de patriotisme, lui permet de mieux se vendre ».
De Pearl Harbor à Rambo 3 en passant par Apocalypse now, Hollywood répond aux commandes de l’administration en produisant des films aux budgets colossaux et d’une redoutable efficacité.
Le film Top Gun ne constitue-t-il pas à lui seul un remarquable exemple d’outil promotionnel pour le recrutement d’aspirants pilotes de chasse ?  Ce qui amène David L.Robb à légitimement s’interroger :
Je me demande combien de soldats américains tués en Irak se sont engagés parce qu’ils ont vu un film quand ils étaient mômes et qu’ils s’étaient dit : C’est génial l’armée, je vais m’engager ».
Abstraction faite du bouleversant Let there be light de John Huston, tourné en 1946 et censuré jusqu’en 1980, film documentaire évoquant les séquelles psychologiques subies par les soldats durant la Seconde Guerre mondiale et quelques œuvres cinématographiques majeures dénonçant les atrocités de la guerre grâce  au travail de réalisateurs soucieux de vérité ( pensons à  Outrages  de Brian de Palma, le peu connu Catch-22  de Mike Nichols ou encore Voyage au bout de l’enfer de Michael Cimino), le cinéma américain  n’a pratiquement jamais cessé de présenter sa soldatesque sous une perspective glorificatrice.
Au-delà de l’apologie et de la légitimation des armes, la propagande cinématographique n’a jamais eu d’autre intention que de faire approuver le « séculaire » interventionnisme américain et de faire accepter dans l’inconscient collectif les nécessités de la guerre tout en nous désignant, implicitement ou non, l’ennemi actuel ou en devenir. Une guerre souvent abordée avec simplisme et manichéisme au point de nous faire oublier que derrière le point de vue des vainqueurs, il n’y a que souffrance, sang et mort.

Source : Diktacratie