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dimanche 22 mars 2015

Polémique Valls vs Onfray : Et la pensée dans tout cela ?



Polémique Valls vs Onfray :  Et la pensée dans tout cela ?
 
 Metamag
 
« Si la bêtise ne ressemblait pas, à s’y méprendre,au progrès, au talent, à l’espoir ou au perfectionnement, personne ne voudrait être bête » affirmait Robert Musil (1880 – 1942) dans une conférence intitulée De la bêtise prononcée en mars 1937 à Vienne. Face à la bêtise, il n’existait, selon Musil, qu’un remède : l’humilité. On se rappellera aussi le bon mot de Michel Audiard : « Je ne discute pas avec les crétins, cela les rend intelligents. »
La bêtise c'est aussi, nous le soulignions, le refus de penser. Pourquoi refuse-t-on de penser ? Combien d'enseignants, côtoyons-nous au jour le jour, qui nous avouent, l'air parfois un peu triste ou légèrement embarrassé qu'ils ne lisent plus. Ils veulent s'en excuser puis ils nous murmurent qu'ils ont du mal à comprendre qu'on puisse ne jamais regarder la télévision.

Pourquoi ne lit-on plus ? Pourquoi devient-on bête quand on fut un brillant étudiant, quelqu'un d'intelligent ? Par paresse ? Par peur ? Car penser par soi- même est toujours hasardeux et fatigant. Penser par soi-même - aujourd'hui peut-être plus qu'hier - remet en question toutes nos certitudes et nos convictions. Alors, c'est la bêtise comme l’ « Esprit de lourdeur » nietzschéen avec ses deux figures du Chameau et de l’Ane. L’« Esprit de lourdeur », c’est le chameau qui aime bien porter des fardeaux sur son dos (le Bien et le Mal, les valeurs du troupeau, le politiquement correct) et l'âne, celui qui fait toujours hi han. Manuel Valls est les deux : chameau au CRIF et l'âne de gauche à l'Assemblée. En fait, Manuel Valls est l'animal absurde, l' « animal au bas de l'échelle » de Mark Twain. Relisons ce dernier : «L’homme est un animal d’une incurable stupidité. Il est le descendant dévalué du chat. Il est le seul animal qui aime le prochain comme soi même et qui lui coupe la gorge si sa théologie n’est pas dans la ligne» et c'est alors que Mark Twain parle un peu plus loin d'animal détraqué.

Toute cette semaine, la polémique entre la Nouvelle Droite, devenue dans les médias le « cerveau » du Front National - elle n'en demandait pas tant ! -, Michel Onfray et Manuel Valls s'est poursuivie avec des interventions des uns et des autres. Bernard-Henri Levy s'est tu car la philosophie, cela fait longtemps que lui, l'a abandonné pour la guerre totale, pour le service commandé de la haine. Il est actuellement très occupé à lancer son nouveau missile, son plan Marshall pour l'Ukraine et les « crétins » de l'écouter sans se rendre compte qu'ils s'avancent à pas feutrés vers la guerre pour d'obscurs intérêts oligarchiques.

QUAND ONFRAY REMET LA GAUCHE À SA PLACE

Régis Soubrouillard*

Accusé de mal-pensance par Manuel Valls, Michel Onfray n'a pas tardé à lui répliquer. Le philosophe n'a guère apprécié le cours d'idées acceptables que lui a infligé le Premier ministre, encore moins de la part d'une gauche qui en matière de "perte de repères" a largement fait ses preuves.

Refuser d’adhérer à la « pensée BHL » serait donc une « perte de repères ». On comprend l’énervement de Michel Onfray après la leçon d’idées autorisées que lui a infligé dimanche matin le Premier ministre : « Quand un philosophe connu, apprécié par beaucoup de Français, Michel Onfray, explique qu'Alain de Benoist, qui était le philosophe de la Nouvelle droite dans les années 70 et 80, qui d'une certaine manière a façonné la matrice idéologique du Front national, avec le Club de l'Horloge, le GRECE, (...) au fond, vaut mieux que Bernard-Henri Lévy, ça veut dire qu'on perd les repères ».

La sentence en dit beaucoup sur la pauvreté du champ intellectuel de la gauche française. Des doutes ? Un questionnement ? BHL sera ta boussole pour toujours. Malheureusement, Manuel Valls n’est pas allé jusqu’à préciser ce qu’indiquait précisément sa boussole philosophique. Atlantiste, sarkozyste, sartrien, notre guerillero antifasciste basé à Marrakech a indiqué bien des « Nords » différents. Mais qu'importe pour Manuel Valls qui, déjà en 2008, dans son livre Pour en finir avec le vieux socialisme... et être enfinde gauche !, décrivait BHL comme « un des intellectuels les plus brillants et les plus pugnaces [qu'il] connaisse ».

Michel Onfray n’a pas tardé à répliquer rappelant la teneur exacte de l'interview au Point que lui reproche le Premier ministre : « Je préfère une analyse juste d'Alain de Benoist à une analyse injuste de Minc, Attali ou BHL et que je préférais une analyse qui me paraisse juste de BHL à une analyse que je trouverais injuste d'Alain de Benoist. Ne pas souscrire à cette affirmation de bon sens élémentaire revient à dire qu'il vaut mieux une idée fausse avec BHL qu'une idée juste de droite ». L’attaque est d’autant plus déplacée de la part d’un Premier ministre qui, lui, ne s’embarrasse pas d’idéologie et d'étiquettes et qu’une partie de la gauche a elle-même, en son temps, flirté avec la nouvelle droite d’Alain de Benoist. En 1979, l’essayiste de gauche, Guy Hocquenghem publiera dans Libération une enquête sur cette nouvelle école de pensée. Intitulé « La nouvelle droite contre, tout contre », l’article refusait de traiter ce courant par le mépris et de le réduire à « un travestissement de la vieille droite fascisante ». Guy Hocquenghem avait rencontré Alain de Benoist et l’avait trouvé à « des années lumières » du portrait de l’horrible néo-nazi qu’en faisait alors le reste de la presse. L’enquête jugée complaisante par une partie de la rédaction mit le feu à Libération dont certains de ses journalistes décideront de démissionner pour en désapprouver la publication, validée par Serge July. A l'époque, certains voient là des passerelles entre la nouvelle droite et la nouvelle gauche, la seconde empruntant à la première ce différentialisme dont SOS-Racisme, notamment, fera son fer de lance...

Plus tard, Krisis, la revue d’Alain de Benoist s’efforcera de sortir la droite du « ghetto intellectuel » dans lequel elle était refoulée, en s’ouvrant à des intellectuels venus d'horizons bien plus divers (Jean-François Kahn, Jacques Julliard, Régis Debray, Jean Baudrillard, Jean-Luc Mélenchon...) pour marquer sa rupture avec les milieux d’extrême droite dont Alain de Benoist est effectivement issu et qu’il continuera d’inspirer longtemps. Bref, le choix par Michel Onfray de citer Alain de Benoist ne doit rien au hasard.

Si ce matin, la presse ne retient que le mot de « crétin » dont Michel Onfray a affublé sur Europe 1 le Premier ministre, sur France inter, le philosophe s’est montré plus politique refusant les cours de prêt à penser d’un Premier ministre exemplaire, selon lui, en matière de renoncements : « Je trouve étonnant qu’un monsieur qui veut en finir avec les 35 heures, un monsieur qui a été filmé sur son marché et qui nous disait qu'il y avait quand même pas beaucoup de “blancos”, un monsieur qui voulait en finir avec le socialisme, un monsieur qui était désiré par Sarkozy pour son gouvernement d’ouverture, un monsieur qui incarne l’aile droite du Parti socialiste, un monsieur qui se révèle totalement indistinct de François Bayrou, que ce soit ce monsieur-là qui me dise que je contribue à brouiller les cartes alors qu'il n'a pas lu le texte que j'avais écrit. (...) Son parti brouille les cartes depuis 1983, depuis que Mitterrand s’est converti au libéralisme et que la gauche n’est plus de gauche et qu’elle invente des marqueurs sociaux pour dire qu’elle n’est pas la même chose que Nicolas Sarkozy. Je ne peux plus voter pour ces gens-là, qui défendent le même monde que Nicolas Sarkozy : l’euro, l’Europe, le libéralisme, la disparition des campagnes et de la ruralité ».

Difficile également, pour Onfray, d’entendre les leçons de choses intellectuelles d’un Premier ministre symbole d’une gauche seulement défensive (« J’ai peur pour mon pays » a par exemple dit le Premier ministre lors de la même interview à propos du FN) tout juste capable de menacer d’exclusion ceux qui, en son sein, critiquent son positionnement. Michel Onfray résumera l’atonie intellectuelle du parti au pouvoir d’une formule : « Ce n’est pas de ma faute si François Hollande préfère inviter à dîner Yannick Noah, Marion Cotillard ou Joey Starr plutôt que des intellectuels ».

*Journaliste à Marianne, plus particulièrement chargé des questions internationales

MANUEL VALLS, MICHEL ONFRAY ET BERNARD-HENRI LEVY : L’ENJEU DU DEBAT

Maria de Franca

Le Premier Ministre, Manuel Valls, n’a pas « attaqué » Michel Onfray comme le crie la blogosphère, notamment à l’extrême-droite, depuis ce dimanche matin. Il a défendu Bernard-Henri Lévy que Michel Onfray avait attaqué, de manière gratuite, dans une interview récente du Point – et ce n’est, évidemment, pas la même chose.

Car qu’a dit, exactement, Manuel Valls, dans cette interview sur Europe 1/iTELE/Le Monde ? « Quand un philosophe connu, apprécié par beaucoup de Français, Michel Onfray, explique qu’Alain de Benoist, qui était le philosophe de la Nouvelle droite dans les années 70 et 80 et qui, d’une certaine manière, a façonné la matrice idéologique du Front national, avec le Club de l’Horloge, le Grèce, (…) au fond vaut mieux que Bernard-Henri Lévy, ça veut dire qu’on perd les repères ».

Et qu’avait dit, au juste, Michel Onfray dans l’article paru au Point, dont le titre « Cette mafia qui se réclame de la gauche… », introduit parfaitement les inepties qu’il contient ? « Concluez si vous voulez que je préfère une analyse juste d’Alain de Benoist à une analyse injuste de Minc, Attali ou Bernard-Henri Lévy (…). Les Papous vont hurler! Mais ils ne me feront pas dire que je préfère une analyse injuste de BHL sous prétexte qu’il dit qu’il est de gauche et que Pierre Bergé, Libération, Le Monde et le Nouvel Observateur, pardon, L’Obs affirment aussi qu’il le serait…».

Entendons-nous bien. Michel Onfray a parfaitement le droit de ne pas se sentir « proche » de Bernard-Henri Lévy. De même qu’il avait parfaitement le droit de déclarer, le 13 avril 2012, sur LCI, que « BHL» est tellement « insoucieux de la misère qu’il y a au pied de sa porte » qu’il « enjambe probablement des mendiants boulevard Saint-Germain » en sortant de chez lui.

Mais on a le droit, nous, de trouver très curieuse cette façon de sortir de la naphtaline un intellectuel, Alain de Benoist, totalement oublié depuis l’époque, il y a trente ans, où il jetait les bases, en effet, de la nouvelle droite et, donc, du Front National.

On a le droit de trouver bizarre cette manière de nous refaire le coup de la fameuse question de savoir s’il vaut mieux « avoir tort avec Sartre » ou « avoir raison avec Aron » – sauf que, là, c’est l’obscur et nauséabond Benoist qui, on se demande bien pourquoi, est tiré de l’oubli pour remplacer Raymond Aron.

De même, d’ailleurs, qu’on a le droit, quand Michel Onfray se répand en considérations oiseuses sur Bernard-Henri Lévy « enjambant » sans état d’âme les corps des « mendiants » du boulevard Saint-Germain, d’entendre Alain Soral faisant exactement le même reproche aux élites mondialisées et « sataniques » qui font, selon lui, la loi dans le monde d’aujourd’hui.

Et Manuel Valls a parfaitement le droit, lui, de dire qu’en procédant de la sorte Michel Onfray sombre dans un populisme qui brouille les repères dont a si cruellement besoin l’éthique républicaine d’aujourd’hui.
 
Source:

Boulevard Voltaire