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vendredi 20 mars 2015

Inquiétude généralisée autour du futur projet de loi sur le renseignement



Inquiétude généralisée autour du futur projet de loi sur le renseignement
 
 Delphine Cuny
 
La commission Informatique et Libertés critique les « conséquences particulièrement graves sur la protection de la vie privée et des données personnelles » de certaines mesures du texte qui sera présenté jeudi en conseil des ministres. L’association professionnelle Syntec Numérique exprime aussi ses inquiétudes devant « des mesures de plus en plus liberticides » pour les citoyens et les entreprises.


Présenté ce jeudi en conseil des ministres, le projet de loi relatif au renseignement est déjà surnommé le « Patriot Act à la française » et critiqué de toutes parts. Le Premier ministre, Manuel Valls, et pas moins de cinq ministres, Christiane Taubira, la Garde des Sceaux, Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, Bernard Cazeneuve, celui de l'Intérieur, Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement, et Axelle Lemaire, la secrétaire d'Etat au Numérique, tiendront une conférence de presse ce jeudi à l'Elysée à la sortie du conseil des ministres afin de tenter de désamorcer les critiques sur le projet de loi relatif au renseignement. Ce texte, dont Le Figaro a révélé les grandes lignes, comporte des «mesures de surveillance beaucoup plus larges et intrusives » que le dispositif actuel, s'inquiète notamment la CNIL, dans un document de travail révélé par Le Monde.

Collecte indifférenciée des données


La Commission nationale Informatique et Libertés s'alarme de certains dispositifs de surveillance en particulier, tels que la captation en temps réel de toutes les données informatiques et directement sur les équipements des opérateurs télécoms, la création d'un système de détection automatique d'activités de nature terroriste et la possibilité d'utiliser des appareils appelés « IMSI catchers », qui permettent d'intercepter les communications de téléphones portables en imitant le signal d'une antenne-relais. L'adoption de ces nouveaux outils aurait des « conséquences particulièrement graves sur la protection de la vie privée et des données personnelles ».

« Il ne s'agit plus seulement d'accéder aux données utiles concernant une personne identifiée, mais de permettre de collecter de manière indifférenciée, un volume important de données qui peuvent être relatives à des personnes tout à fait étrangères à la mission de renseignement » écrirait ainsi la CNIL dans cet avis.

Mesures liberticides.... pour les entreprises aussi

Les professionnels aussi s'inquiètent. Le Syntec numérique et ses 1.500 membres, essentiellement des sociétés de services informatiques, se sont émus ce jeudi de dispositions qui « alourdissent la responsabilité des entreprises en limitant les libertés fondamentales. » Ils s'inquiètent de « mesures de plus en plus liberticides pour les citoyens et les entreprises. » L'association professionnelle « appelle à la prudence » en se demandant si le texte est « le Patriot Act français ? » Les points soulevés : « la fin du caractère exceptionnel des interceptions de sécurité, l'absence de garde-fou sur la géolocalisation, l'obligation de déchiffrement pour les entreprises et l'absence de garanties pour les données exploitées et collectées. »

« Si la sécurité des citoyens est indispensable, elle ne peut se faire au détriment des libertés fondamentales de la Nation. [...] Depuis 1986, chaque acte terroriste a été suivi d'une loi et la dernière, votée en novembre 2014, n'est pas encore entrée en vigueur que le Gouvernement appelle encore à de nouvelles mesures. Nous rappelons que les mesures existantes donnent déjà des prérogatives extrêmement larges aux services concourant à la sécurité de la nation », a réagi Guy Mamou-Mani, le président de Syntec Numérique, dans un communiqué.

Surveillance des citoyens, recours limités


L'association La Quadrature du Net, une organisation de défense des droits et libertés des citoyens sur Internet, était montée au créneau dès mardi, dénonçant « une désastreuse dérive du gouvernement en matière de surveillance des citoyens. »

« Surveillance des comportements de tous les internautes par les intermédiaires techniques pour détecter les comportements suspects, accès en temps réel aux données de connexion, accès aux contenus des emails et enregistreurs de frappe au clavier, etc : l'éventail des mesures mises aux mains des services administratifs (police, douanes, etc.) sans contrôle du juge est d'une ampleur sans précédent » s'alarme la Quadrature du Net sur son site.

L'association déplore que « le gouvernement ne prévoit qu'une commission consultative, aux pouvoirs limités, ne permettant des recours qu'a posteriori et sans garanties réelles pour les citoyens. » Elle exhorte les parlementaires et les citoyens à se mobiliser contre ce « projet de loi dangereux. » Le gouvernement invoque naturellement l'argument sécuritaire, deux mois après les meurtriers attentats de Paris. Mais près de deux ans après les premières révélations d'Edward Snowden sur le programme de surveillance généralisée de la NSA, citoyens et entreprises réclament des garanties, légitimes, contre d'éventuelles atteintes préjudiciables à la démocratie.

Source:

La Tribune