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dimanche 22 mars 2015

L'éclipse du département



L'éclipse du département
 
 Philippe Mabille
 
Ce vendredi, c'était l'éclipse, la vraie, celle du soleil. Ce dimanche, ce sera l'éclipse de l'urne (joli titre du Canard Enchaîné cette semaine). Car, pour la démocratie aussi, en ces temps de crise, on a du mal à trouver la lumière.

Comment mobiliser les électeurs pour un scrutin de liste qui va se dérouler ces deux dimanche dans près de deux mille cantons métropolitains avec pour seul enjeu l'élection de conseils généraux destinés à disparaître, dans le cadre de départements dont plus personne ne sait très bien quel est le rôle et quelles seront les compétences dans la nouvelle organisation territoriale de la France du XXIe siècle ? Personne ne semble avoir trouvé la clef.

Pour faire se déplacer les électeurs socialistes, le gouvernement n'a rien trouvé de mieux que de nationaliser le scrutin en agitant le spectre du Front national, lequel, à entendre Manuel Valls, serait aux portes du pouvoir et en mesure de l'emporter en 2017. Cette agitation dangereuse dont l'effet principal est surtout de mobiliser un peu plus les partisans du Front national, qui s'y voient déjà, n'aura probablement aucun effet sur l'abstention record attendue les 22 et 29 mars.

Les Français se réveilleront le lundi 30 mars avec le même paysage politique qu'il y a un an, après les Européennes : un Front national clamant être le premier parti de France, avec 30 % des suffrages exprimés, un PS en déroute avec une nouvelle dégelée de printemps électoral, et une UMP-UDI globalement gagnante, mais sans gloire, de ces élections de mi-mandat. Fort de ce résultat attendu, le président François Hollande, qui a reçu les «frondeurs» de sa majorité, remaniera sans doute a minima son gouvernement, faisant sortir les maillons faibles et ouvrant son espace politique à gauche pour préparer les Régionales de décembre et surtout la prochaine présidentielle.

Fini l'esprit du 11 janvier et de la «France-est-Charlie», disparu le grand rêve du rassemblement républicain : le tripartisme brouille les cartes politiques et occulte tout débat d'idées. La gauche est de plus en plus à droite, la droite flirte de plus en plus avec l'extrême (droite) et le FN ramasse la mise du côté des catégories populaires... On parle du Front national, mais surtout pas du sujet des élections, la gestion des collectivités locales. Au Sénat, puis à l'Assemblée nationale, le vote de la future loi NOTRe, censée définir les compétences respectives du bloc communal, des départements et des régions, tourne à la cacophonie. Au point que plus personne n'est capable de dire quelles seront les compétences respectives des uns et des autres. Les élus locaux de tous bords font assaut de conservatisme pour préserver qui une parcelle de pouvoir, qui un bout de compétence, entretenant la confusion sur le fonctionnement du mille-feuille territorial.

À quoi bon voter dans ces conditions, si les mêmes qui votent la loi sont ceux qui, se sentant menacés, mettent tout en oeuvre pour s'en protéger ? Où sont les simplifications administratives promises ? Pour l'heure, ce sont surtout des dépenses nouvelles, donc de futurs impôts, qui vont s'accumuler. Signe de gabegie, le seul changement de signalétique des futurs départements et régions coûtera des millions d'euros. Les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales ont augmenté de 4 % en 2014. Hors transferts de l'État, les effectifs des départements ont flambé de près de 15000 personnes en dix ans. Autant de questions qui auraient pu alimenter de beaux débats... qui n'ont tout simplement pas eu lieu. Comment s'étonner alors que tant de Français soient tentés par le populisme ou la désertion démocratique ?

Heureusement, après l'éclipse, revient le beau temps de l'économie. Enfin, c'est ce qu'on voudrait nous faire croire. Avec un euro pour un dollar, ou presque, un contre-choc pétrolier et une BCE qui fait tourner la planche à billets, les indicateurs économiques commencent enfin à s'améliorer. Cet horoscope favorable, cela fait trois ans que François Hollande l'attend. Ce n'est pas une élection départementale perdue qui va faire perdre son optimisme à l'ancien élu de la Corrèze. 
 
Source:

La Tribune