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vendredi 20 mars 2015

La France contre L'Iran : Une erreur géostratégique



La France contre L'Iran :  Une erreur géostratégique
 
 Michel Lhomme
 
Hussein Dakan, ministre iranien de la Défense, et Amir Ali Haji, commandant de l’armée de l’air et des Gardiens de la Révolution, ont révélé l'existence d'un nouveau missile de croisière développé par l’industrie militaire iranienne. Le ministre de la Défense iranien a déclaré que le nouveau missile de croisière basée sur une nouvelle technologie de pointe est une autre étape qui contribue à établir la dissuasion de l’Iran. Cette révélation vise-t-elle la transparence, cherche-t-elle à attiser les braises ou tout simplement à montrer que dans la région, l'Iran est incontournable ?

Le secrétaire d’État des États-Unis, John Kerry avec les ministres des Affaires étrangères des six pays du Golfe a tenté toute la semaine dernière d’apaiser pourtant les craintes de l'accord en pourparlers sur le programme nucléaire de l’Iran. Kerry a aussi discuté avec les ministres des Affaires étrangères des six pays du Golfe de l’organisation future d’une guerre contre l’Etat islamique en Irak et en Syrie, guerre en cours et appelée à s'intensifier avec des troupes sur le terrain. Selon des sources occidentales, le journal Al-Hayat, a affirmé que le secrétaire d’Etat américain John Kerry a présenté un programme dans lequel il aurait proposé un parapluie de protection contre la menace nucléaire avec les Etats du Golfe. Cela serait dû à l’accord apparent avec l’Iran. Il y a donc bien un renversement d'alliances en cours. Selon le rapport, cela signifie que les États-Unis veulent aussi se protéger efficacement contre toute éventuelle attaque nucléaire sur l’Iran. Le message est directement adressé à Israël. Et là, intérieurement, Obama risque gros mais comme l'analyse bien notre collaborateur Chems Eddine Chitour , face à Daesh, le monstre qui leur a échappé, les Etats-Unis n'ont plus le choix. La presse américaine et en particulier le Washington Post ont été d'ailleurs particulièrement virulents dans leur critique la semaine passée contre le rapprochement des Etats-Unis avec l'Iran. Dans son éditorial du mardi 10 mars, le Washington Post a parlé de la réclamation légitime de Netanyahu et s'est demandé si l'on pouvait se permettre de réduire les sanctions contre l’Iran, pointant directement du doigt les positions pro-iraniennes du département d'Etat.

De l'autre côté de l'Atlantique, la France poursuit quant à elle le soutien aveugle à Benyamin Netanyahu car c'est bien de cela que très ouvertement, il s'agit. On peut désormais parler d'un faucon français totalement pro-israélien dans les relations internationales. La ligne dure française dans ce dossier a été officialisée par le président de droite Nicolas Sarkozy après son élection en 2007 puis poursuivie et assumée par son successeur socialiste François Hollande depuis 2012. « Dans cette affaire, la France a fait le chemin inverse des Etats-Unis, qui ont changé de stratégie avec l'arrivée de Barack Obama et sa volonté de parvenir à un accord historique avec Téhéran sur le dossier nucléaire », résume Bernard Hourcade, spécialiste de l'Iran au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). On peut donc très logiquement parler d'un Quai d'Orsay néo-conservateur pour ne pas dire ouvertement pro-israélien d'un côté et de l'autre tenu en laisse par ses créanciers, les monarchies pétrolières du Golfe. Deux idéologies contradictoires expliquent ainsi le radicalisme anti-iranien français : la position et l'engagement personnels d'un Laurent Fabius et Manuel Valls, grands amis d'Israël (la diplomatie sioniste militante de Jean-David Lévitte au quai d'Orsay du temps de Sarkozy) et une politique contre les Chiites liée à la dépendance économique extrême d'un pays, le nôtre totalement vendu au Qatar.

L'accord avec l'Iran doit être conclu avant le 31 mars même si la discussion des détails techniques peut courir officieusement jusqu'à fin juin. Officiellement, la semaine dernière, John Kerry s'était dit satisfait des rencontres avec Laurent Fabius, celui-ci n'en a pas moins fait remarquer aussitôt qu'il « fallait encore surmonter des différences avec l'Iran sur certaines questions ». En fait, selon le Nouvel Observateur, Paris n'est pas du tout satisfait de la tournure des négociations, les Etats-Unis ayant discrètement mis depuis quelques semaines les Européens de côté. Fabius est revenu en particulier sur la question du nombre des centrifugeuses qui laisseraient selon lui aux Iraniens un « temps d'évasion » pour préparer la bombe.

La France est bien actuellement la victime de sa politique anti-syrienne, pro-sunnite et ne comprend pas que, sans troupes au sol, Daesh ne pourra être abattu. Aujourd'hui, alors que la confrontation contre le califat se rapproche et que la tension monte dans les négociations avec l'Iran, on peut se demander si Paris a la capacité ou la volonté de bloquer un accord ? La France est comme dos au mur : toute sa politique internationale des vingt-dernières années s'écroule. Elle n'est pas capable de protéger que ce soit, en Ukraine ou au Proche-Orient, le moindre de ses intérêts, se couchant devant le plus fort du moment mais voilà le plus fort risque d'être demain l'Iran de toutes façons incontournable que ce soit à l'Ouest de sa frontière (l'Irak) ou à l'Est (l'Afghanistan dont on parle peu en ce moment mais on est en hiver !).

Certes, la France ne prendra pas le risque de faire capoter l'accord avec les Iraniens en cours mais en maintenant une forte pression sur les centrifugeuses, elle ne se fera pas des amis du côté de Téhéran, autant dire qu'elle sera déconsidérée chez les Chiites comme chez les Sunnites. Al-Arabiya a rapporté en fin de semaine que plusieurs hauts responsables de l’Etat islamique ont été tués dans une attaque de l’armée de l’air française en Irak. Selon les rapports, Abu Bakr al-Baghdadi et son adjoint seraient même parmi les victimes ce qui serait effectivement un « gros coup » mais il n'y a pas eu encore de confirmation. La France décidément n'aime pas les Arabes à l'extérieur comme à l'intérieur.
 
Source:

Metamag