Vincent Lamigeon
Vladimir Iakounine, président de la société
nationale des chemins de fer russes et intime de Vladimir Poutine,
appelle à la fin de la "dictature du dollar" et à la montée en puissance
des BRICS.
Etes-vous affectés par les sanctions des Etats-Unis et de l’UE contre la Russie suite à la crise en Ukraine ?
Si nous parlons du point de vue du droit, nous ne pouvons pas utiliser le mot sanctions. Seul le conseil de sécurité de l’ONU peut imposer des sanctions. Il s’agit plutôt de limitations illégales des relations politiques et économiques. Bien sûr, c’est un peu plus long que le mot sanctions... Pour répondre à votre question, oui, le monde entier est affecté. Les échanges entre l’Europe et la Russie ont chuté de 30%. Le facteur intéressant, c’est que dans le même temps, les échanges avec les Etats-Unis ont grimpé de 10%. Les Européens devraient y réfléchir un peu
L’Europe serait donc le dindon de la farce ?
C’est vous qui le dites ! Quand je rencontre mes collègues français qui voudraient participer à la construction des lignes à grande vitesse en Russie, ils me disent ne rien pouvoir faire à cause des sanctions. Les institutions financières ne sont pas prêtes à accorder des prêts non seulement aux entreprises russes, mais aussi aux sociétés qui veulent faire du business en Russie. Nous avons signé un accord avec un groupe chinois pour l’ingénierie du projet de ligne à grande vitesse entre Moscou et Kazan, mais après, il y a encore le marché de la construction de cette ligne. De ce point de vue, la porte n’est pas fermée aux entreprises euroépennes. C’est aux Européens de voir ce qu’ils veulent faire.
Avec les tensions vis-à-vis des pays occidentaux, la Russie se tourne-t-elle désormais clairement vers l’Asie, notamment la Chine et l’Inde ?
Oui. Il faut trouver un nouveau paradigme. J’ai participé il y a quelques jours au sommet des BRICS [Brésil, Russie, Chine, Inde et Afrique du Sud] à Ufa (Russie). Ce que l’on voit dans cette collaboration, c’est une sorte d’introduction d’un nouveau modèle de développement, qui ne serait pas basé sur une seule monnaie de réserve, qui est l’outil pour dominer le monde. Le modèle actuel de mondialisation, ou plutôt d’américanisation du monde, n’est pas soutenable. Les alliés des Etats-Unis sont aussi en train de le comprendre. Pour l’instant, à chaque fois que quelqu’un a contesté la dictature du dollar, il l’a payé cher : l’Irak qui voulait vendre son pétrole dans une autre monnaie ; ou Kadhafi, qui avait lancé l’idée d’un dinar-or pour l’Afrique.
Voyez-vous la normalisation des relations américaines avec Cuba et l’accord sur le nucléaire iranien comme un point positif ?
Bien sûr, c’est positif. Toute sanction prononcée par un pays contre un autre sans décision du conseil de sécurité des Nations Unies est illégale. Je pense qu’aucun pays ne devrait être exclu du champ des relations internationales. Mais il faut comprendre que derrière ces décisions politiques, il y a des intérêts particuliers.
La popularité de Vladimir Poutine pâtit-elle des sanctions ?
Sa popularité a atteint un record, à 90%. Chez les libéraux, les partisans de l’Etat, les jeunes, les seniors, elle augmente. Ce qui est le plus intéressant, c’est qu’elle croît aussi en Europe : en Allemagne, en France…
Comment voyez-vous la situation ukrainienne évoluer ?
Les accidents récents à l’ouest de l’Ukraine [Le 11 juillet, des militants nationalistes de Pravy Sektor ont déclenché une fusillade qui a fait trois morts et 13 blessés, NDLR] montrent le danger. Je dis à mes amis européens de faire attention : sous la couverture démocratique, vous pouvez voir le visage du fascisme, qui frappe à votre porte. C’est dangereux pour l’Ukraine, pour la Russie et pour l’Europe, qui devrait aider Porochenko à traiter le problème des militants de Pravy Sektor.
Quelle est la stratégie de Vladimir Poutine sur la question du Donbass ?
Les accords de Minsk 2 montrent le chemin. Je suis formel sur le fait que M. Poutine est objectivement celui qui est le plus intéressé à calmer la situation là-bas, pour une multitude de raisons politiques, économiques et personnelles. L'Europe doit acter le fait que les personnes qui rompent le cessez-le-feu doivent être considérés comme des criminels de guerre.
La France ne va probablement pas livrer les navires Mistral à la Russie, et devoir lui rembourser l'acompte perçu, plus des pénalités. Quel regard portez-vous sur cette affaire ?
C’est une décision artificielle et totalement déraisonnable. Ces navires ne peuvent être utilisés par personne d’autre, car ils ont été spécifiquement dessinés pour les besoins militaires russes. Ce n’est sage ni économiquement, ni politiquement, et ce choix a beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages. En Russie, cette décision a été acceptée, mais un sentiment négatif persiste.
Pour combien de temps ?
Endommager les relations est beaucoup plus facile que les rétablir.
Voyez-vous une évolution des hommes politiques français vers une position plus favorable à la Russie ?
Aucune figure politique ne va dire : « Je suis pro-russe ». C’est considéré comme une mauvaise référence, si vous voyez ce que je veux dire. Mais personne ne cherche à créer un lobby pro-russe dans le champ politique en France ou en Europe ! Nous attendons juste le respect envers notre pays.
Etes-vous affectés par les sanctions des Etats-Unis et de l’UE contre la Russie suite à la crise en Ukraine ?
Si nous parlons du point de vue du droit, nous ne pouvons pas utiliser le mot sanctions. Seul le conseil de sécurité de l’ONU peut imposer des sanctions. Il s’agit plutôt de limitations illégales des relations politiques et économiques. Bien sûr, c’est un peu plus long que le mot sanctions... Pour répondre à votre question, oui, le monde entier est affecté. Les échanges entre l’Europe et la Russie ont chuté de 30%. Le facteur intéressant, c’est que dans le même temps, les échanges avec les Etats-Unis ont grimpé de 10%. Les Européens devraient y réfléchir un peu
L’Europe serait donc le dindon de la farce ?
C’est vous qui le dites ! Quand je rencontre mes collègues français qui voudraient participer à la construction des lignes à grande vitesse en Russie, ils me disent ne rien pouvoir faire à cause des sanctions. Les institutions financières ne sont pas prêtes à accorder des prêts non seulement aux entreprises russes, mais aussi aux sociétés qui veulent faire du business en Russie. Nous avons signé un accord avec un groupe chinois pour l’ingénierie du projet de ligne à grande vitesse entre Moscou et Kazan, mais après, il y a encore le marché de la construction de cette ligne. De ce point de vue, la porte n’est pas fermée aux entreprises euroépennes. C’est aux Européens de voir ce qu’ils veulent faire.
Avec les tensions vis-à-vis des pays occidentaux, la Russie se tourne-t-elle désormais clairement vers l’Asie, notamment la Chine et l’Inde ?
Oui. Il faut trouver un nouveau paradigme. J’ai participé il y a quelques jours au sommet des BRICS [Brésil, Russie, Chine, Inde et Afrique du Sud] à Ufa (Russie). Ce que l’on voit dans cette collaboration, c’est une sorte d’introduction d’un nouveau modèle de développement, qui ne serait pas basé sur une seule monnaie de réserve, qui est l’outil pour dominer le monde. Le modèle actuel de mondialisation, ou plutôt d’américanisation du monde, n’est pas soutenable. Les alliés des Etats-Unis sont aussi en train de le comprendre. Pour l’instant, à chaque fois que quelqu’un a contesté la dictature du dollar, il l’a payé cher : l’Irak qui voulait vendre son pétrole dans une autre monnaie ; ou Kadhafi, qui avait lancé l’idée d’un dinar-or pour l’Afrique.
Voyez-vous la normalisation des relations américaines avec Cuba et l’accord sur le nucléaire iranien comme un point positif ?
Bien sûr, c’est positif. Toute sanction prononcée par un pays contre un autre sans décision du conseil de sécurité des Nations Unies est illégale. Je pense qu’aucun pays ne devrait être exclu du champ des relations internationales. Mais il faut comprendre que derrière ces décisions politiques, il y a des intérêts particuliers.
La popularité de Vladimir Poutine pâtit-elle des sanctions ?
Sa popularité a atteint un record, à 90%. Chez les libéraux, les partisans de l’Etat, les jeunes, les seniors, elle augmente. Ce qui est le plus intéressant, c’est qu’elle croît aussi en Europe : en Allemagne, en France…
Comment voyez-vous la situation ukrainienne évoluer ?
Les accidents récents à l’ouest de l’Ukraine [Le 11 juillet, des militants nationalistes de Pravy Sektor ont déclenché une fusillade qui a fait trois morts et 13 blessés, NDLR] montrent le danger. Je dis à mes amis européens de faire attention : sous la couverture démocratique, vous pouvez voir le visage du fascisme, qui frappe à votre porte. C’est dangereux pour l’Ukraine, pour la Russie et pour l’Europe, qui devrait aider Porochenko à traiter le problème des militants de Pravy Sektor.
Quelle est la stratégie de Vladimir Poutine sur la question du Donbass ?
Les accords de Minsk 2 montrent le chemin. Je suis formel sur le fait que M. Poutine est objectivement celui qui est le plus intéressé à calmer la situation là-bas, pour une multitude de raisons politiques, économiques et personnelles. L'Europe doit acter le fait que les personnes qui rompent le cessez-le-feu doivent être considérés comme des criminels de guerre.
La France ne va probablement pas livrer les navires Mistral à la Russie, et devoir lui rembourser l'acompte perçu, plus des pénalités. Quel regard portez-vous sur cette affaire ?
C’est une décision artificielle et totalement déraisonnable. Ces navires ne peuvent être utilisés par personne d’autre, car ils ont été spécifiquement dessinés pour les besoins militaires russes. Ce n’est sage ni économiquement, ni politiquement, et ce choix a beaucoup plus d’inconvénients que d’avantages. En Russie, cette décision a été acceptée, mais un sentiment négatif persiste.
Pour combien de temps ?
Endommager les relations est beaucoup plus facile que les rétablir.
Voyez-vous une évolution des hommes politiques français vers une position plus favorable à la Russie ?
Aucune figure politique ne va dire : « Je suis pro-russe ». C’est considéré comme une mauvaise référence, si vous voyez ce que je veux dire. Mais personne ne cherche à créer un lobby pro-russe dans le champ politique en France ou en Europe ! Nous attendons juste le respect envers notre pays.
Notes |
Propos recueillis par Vincent Lamigeon |
Source |