Eugénie Bastié |
La Fête de l'Humanité est l'occasion cette année pour les militants de gauche de se rassembler pour fustiger le tournant « libéral » du gouvernement.
«Écrivez à François Hollande». Sur un stand, des militants du Front de gauche offrent des cartes postales «J'aime me reposer le dimanche», «j'aime la classe ouvrière» à envoyer au président de la République. «Monsieur le Président, chaque jour, un acte, une déclaration d'un ministre confirme la trahison de votre promesse de changement». La boite aux lettres posée à coté est presque pleine.
Patrice, militant du Front de gauche depuis 2009, qui a voté «contre Sarkozy» en 2012 se dit «désabusé» par la politique de François Hollande. Il distribue des tracts pour le «Mouvement pour la VIe République» lancé par Jean-Luc Mélenchon. «Le seul moyen de s'en sortir, c'est de redonner la voix au peuple, rassembler au-delà des cartels politiques». Pour lui, le fondateur du Front de Gauche est le mieux à mener cette mission de rassemblement d'ici 2017.
La venue de Jérôme Kerviel: «un coup médiatique»
Des membres des Jeunes communistes affirment eux leur méfiance envers Jean-Luc Mélenchon. «Pour lui c'est: qui m'aime me suive!» déclare Marc, qui vend des t-shirt à l'effigie de Che Guevara. Ils lui préfèrent Pierre Laurent ou Gérard Filoche. Ils sont nombreux à dénoncer la personnalisation du pouvoir du leader du Front de Gauche. «Il monopolise la Fête de l'Huma, les journalistes ne parlent que de lui et des frondeurs, mais nous, on n'existe pas» déplore Dominique, de Lutte ouvrière. La venue de Jérôme Kerviel est très mal perçue, de nombreux militants y voient un «coup médiatique» de Mélenchon. «Tous les journalistes étaient autour de lui, c'était la star.» renchérit Dominique.
Pour ces militants de tous bords, une chose est sûre: Hollande n'a plus rien à voir avec eux, la «vraie gauche». Beaucoup l'assurent: cette édition de la Fête de l'Humanité est la plus importante depuis des années, celle du rassemblement et de la refondation idéologique.
Qu'est-ce qu'être de gauche? Les repères, brouillées par la politique menée par le gouvernement, sont encore solides pour ces partisans de «la gauche de la gauche». «La gauche de la quoi? Nous sommes la gauche, François Hollande et le Parti socialiste, eux, n'ont plus rien à voir avec la gauche» déclare Arlette, encartée au PCF depuis toujours, qui vient avec son mari et ses filles chaque année. Gilles, son mari, dénonce le matraquage fiscal des catégories les plus populaires «Nous, on est passé de 200 euros d'impôts à 1413 euros, c'est ça la gauche?», s'indigne-t'il.
«Sarkozy en rêvait, Hollande l'a fait»
Le 10 mai 1981, jour de la victoire de François Mitterrand, le sociologue Jean-Pierre Garnier écrivait un article intitulé «Ils ont gagné», considérant que déjà le parti socialiste avait trahit la gauche. Il voit dans le tournant social-libéral de François Hollande l'aboutissement de cette trahison: «Sarkozy en rêvait, Hollande l'a fait», analyse-t'il en déambulant dans la grande librairie de la Fête. «On assiste à la victoire du parti de la petite bourgeoisie officielle» ajoute t-il.
Marianne, elle, est loin de ces considérations idéologiques. Elle vient avec ses deux filles et son mari chaque année. Une sortie en famille pour «l'ambiance, les concerts, la politique». Elle se dit «dégoutée» par la politique en général et l'assure, elle votera blanc en 2017. Elle n'y croit plus. Sa fille ose un timide «quand même, Hollande, il a fait des choses bien, le mariage gay, l'éducation..», tandis que son père lui réplique que de toute façon ça ne sert à rien car ils sont tous soumis au grand capital. La famille commence à se disputer, Marianne, la maman, tempère: «on adore le débat». «La Fête de l'Humanité, ça fait du bien, c'est une manière d'affirmer, dans un monde où la seule valeur est l'argent, la place de l'humain».
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Le Figaro