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dimanche 14 septembre 2014

Amazon n’est pas une entreprise philanthropique


 
 
 Thibaut d'Arcy
 
Je ne suis pas certain d’avoir bien compris pourquoi la firme Amazon était présentée comme une alternative au militantisme peu convaincant des libraires. La liberté et la diversité des opinions ne préoccupent pas plus Amazon que le droit du travail ou le sort de la culture. Ce qui intéresse Amazon – à moins que sa dimension philanthropique m’ait échappé –, c’est le profit, et l’extension à l’infini de ce profit. Aux yeux de certains penseurs de la modernité, il y aurait là une source intarissable de nuisances à grande échelle – mais qu’importe.
Chateau


Amazon serait la solution au problème de la librairie, trop sélective, trop pédante. Il est incontestable que, sur le site d’achat en ligne, vous êtes vraiment le client, le roi. Personne pour vous dire ce qu’il ne faut pas lire. Personne pour vous regarder de travers quand vous achetez Le Grand Remplacement en un clic. Mais qui aurait la naïveté de croire que nous devons cette facilité à l’esprit libertarien de Jeff Bezos et consorts ?

Le groupe Amazon pratique ses propres formes de censure et de favoritisme, qu’il dissimule habilement derrière des motifs commerciaux ou techniques. Qu’on n’en fasse pas, de grâce, le sauveur de l’esprit humain, quand il n’est qu’un facilitateur de transactions, et quand sa seule vertu consiste à mettre au service du consommateur un robot particulièrement efficace.

En outre, j’aimerais souligner un aspect du problème qui me tient particulièrement à cœur, du fait de ma profession et de mon amour des livres. Si le livre imprimé cède peu à peu la place aujourd’hui à ses pâles imitations électroniques, alors que nous sommes encore nombreux à vouloir le préserver, c’est en partie à cause d’Amazon et de son impact phénoménal sur les pratiques de lecture. Il est évident qu’Amazon fait tout son possible pour diffuser amplement son Kindle et accroître son emprise sur le monde éditorial, laissant toujours moins de place à ce qu’il convient d’appeler, là aussi, la liberté des individus.

Les libraires qui s’improvisent guides des consciences se fourvoient lamentablement ; mais la volonté d’imposer un modèle technique et financier que l’on observe dans les stratégies d’Amazon me semble, en comparaison, bien plus détestable et bien plus pernicieuse – et d’abord, parce qu’elle voudrait nous faire croire qu’elle vise à notre émancipation. Les libraires, au moins, dévoilent leur vraie nature de policiers de la pensée. Amazon fait main basse sur le monde du livre avec un masque de bienfaiteur.

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