Chems Eddine Chitour*
La guerre imposée au peuple syrien dure depuis
près de quatre ans. Un organe autoproclamé comme indépendant, à partir
de Londres compte les morts et les évalue à 200 000 morts qu’il impute
naturellement au gouvernement légitime syrien. Les oppositions off-shore
pour reprendre la judicieuse expression de René Naba, ont fait long
feu. Bachar tient toujours malgré toutes les coalitions, il s’est même
permis le luxe d’être réélu pour un nouveau mandat. On a même accusé
Assad de gazer son peuple et l’histoire retiendra qu’il n’en est rien;
la ligne rouge a pourtant été franchie selon les critères américains,
mais Obama a décidé de ne pas bombarder Damas. Il sera suivi par la
Grande-Bretagne qui, du fait d’un vote aux communes négatif, s’est
retirée de la coalition. Le feuilleton gazage s’est arrêté avec le veto
russe et sa proposition de détruire le stock d’armes chimiques. Ce qui
fut fait. Reste la France et son obsession de punir Assad.
François Hollande voulait «punir» Assad
De fait, la rhétorique guerrière de François Hollande fait appel au bien et au mal. Hollande se voit défendre la veuve et l’orphelin syriens . Faut-il «punir» Bachar al-Assad ? écrit le philosophe Philippe-Joseph Salazar. Pour justifier une potentielle attaque en Syrie, François Hollande l’affirme: si le régime syrien a utilisé l’arme chimique contre sa population, il faut le corriger. Légitime-t-on une guerre par le châtiment? « La France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents », disait François Hollande il y a quelques jours. (…) « Punition », « châtiment », ces mots ont été bannis de tout discours politique depuis des années. (…) Sans compter que se réactive un argumentaire néocolonialiste et impérialiste: nous, grande civilisation occidentale, sommes dépositaires des vrais principes moraux… Nous voilà revenus au XIXe siècle. Au nom de la démocratie, on envoie les canonnières.(…) Nous sommes au-dessus de la Charte. Nous sommes le bien absolu. On retrouve la rhétorique de la «mission civilisatrice», mais sous une forme inattendue (…)
.
On se souviendra que Hollande n’a pas puni Assad du fait que Obama ne l’a pas accompagné. Lâché à la fois par Obama et par Cameron, Hollande ne voulait prendre aucun risque inutile.
La situation présente: Où en est-on actuellement?
Le conflit aurait pu encore durer sur une ancienne cinétique celle de l’impasse. Souvenons nous : Aucune des conférences (Génève I et II), malgré tout le savoir du diplomate algérien Lakhdar Brahimi envoyé spécial à la fois des Nations Unies et de la Ligue Arabe , n’a pu aboutir à la résolution de la crise syrienne crée par l’Occident de toute pièce par un Occident sûr de lui et dominateur qui pensait la régler à la libyenne. Ce ne fut pas une promenade de santé et le peuple syrien est en train de payer pour un conflit qui le dépasse .
Cependant depuis juin 2014, la donne a changé. Il est vrai que les médias aux ordres n’ont pas cessé et continuent de diaboliser Assad. Cette contribution de Kristien Pietr, permet de décrire la situation après l’avènement d’un nouveau venu, Daesh, qui a changé totalement le paysage politique au Proche-Orient. « Dans la foulée du «printemps arabe», certains esprits ont désigné le président syrien Bachar al-Assad comme le Satan des temps modernes – «un individu qui ne mérite pas de vivre» selon Laurent Fabius… Quel est donc le crime commis par le président syrien pour déclencher une telle haine? Posséder la 3e armée mondiale, à l’exemple de Saddam Hussein? Rien de tout cela! Comme dans chaque État souverain, le dirigeant syrien a dû réprimer les émeutes, mater les affrontements interreligieux et les rebelles armés.»
«Une coalition hétéroclite s’est formée contre le pouvoir syrien, soutenue par les rois du pétrole et dirigée depuis Londres. Des milliers de «conseillers» militaires étrangers entraînent les volontaires en Turquie, en Jordanie, en Irak et, sur le terrain opérationnel, en Syrie. Face à cette coalition contre nature, le président syrien ne peut compter que sur le soutien de la Russie et de l’Iran (présent depuis fort longtemps dans le sud-est de l’Irak)».
«Malgré ces aides occidentales, complétées par des brigadistes recrutés en Europe, mais surtout de katibas arrivant de toute la planète, Damas ne cède pas et, bien au contraire, reprend des positions stratégiques. Après des années de guerre, ces «gentils rebelles djihadistes» deviennent subitement infréquentables! Comprenne qui pourra… Dès la prise de Mossoul par les salafistes, la communauté internationale opère un revirement à 180°. À cette occasion, les djihadistes ont mis la main sur les arsenaux de 4 divisions de l’armée irakienne (formées et équipées par les USA) et aussi sur un trésor de guerre de 425 millions de dollars en dépôt à la banque centrale de la ville. Le sigle arabe de Daesh – «ad-dawla al islamiyya fi-l Iraq wa-scham» – remonte à sa création en 2006, quand Al Qaîda en Irak forme, avec cinq autres groupes djihadistes, le conseil consultatif des moudjahidines en Irak. (…) »
« Il est surprenant de constater que c’est l’armée de Bachar al-Assad qui livre maintenant des armes aux Kurdes assiégés à Kobané, alors que la Turquie assiste tranquillement à leur massacre.» En outre, il faut aussi noter que toute tentative de regroupement ou de création de républiques nationalistes arabes, qui aurait pu s’inspirer de la doctrine et de l’idéologie de Michel Aflak, a été sabotée par les USA et la CIA, à commencer par la destitution de Mossadegh en 1953. (…) Il est grand temps de stopper les élucubrations des dirigeants américains. Oui, après le soldat Ryan, il faut sauver le président Bachar!»
La décantation : Un nouveau Proche-Orient avec Assad ?
Les ennemis d’hier sont les alliés d’aujourd’hui. Pour Thiery Meyssan, du fait de l’évolution rapide de la situation au Proche-Orient, Barack Obama étudie de nouvelles options: «depuis plusieurs mois écrit-il, Barack Obama tente de modifier la politique états-unienne au Proche-Orient de manière à éliminer l’Émirat islamique avec l’aide de la Syrie. Mais il ne le peut pas, d’une part, parce qu’il n’a cessé de dire des années durant que le président el-Assad devait partir, et d’autre part, parce que ses alliés régionaux soutiennent l’Émirat islamique contre la Syrie. Pourtant, les choses évoluent lentement de sorte qu’il devrait y parvenir bientôt. Ainsi, il semble que tous les États qui soutenaient l’Émirat islamique ont cessé de le faire, ouvrant la voie à une redistribution des cartes.»
Thierry Meyssan pense que tout est lié à l’accord Etats-Unis-Iran, qui permettrait à Barack Obama d’avoir les mains libres, notamment vis-à-vis d’Israël surtout s’il y a une nouvelle équipe élue en Israël à partir du 17 mars «Le monde attend écrit-il, la conclusion d’un accord global entre Washington et Téhéran (…) Il porterait sur la protection d’Israël en échange de la reconnaissance de l’influence iranienne au Proche-Orient et en Afrique. Cependant, il ne devrait intervenir qu’après les élections législatives israéliennes du 17 mars 2015 (…) Dans ce contexte, les élites états-uniennes tentent de s’accorder sur leur politique future, tandis que les alliés européens des États-Unis se préparent à s’aligner sur ce que sera la nouvelle politique US.»
Plusieurs scénarii sont sur la table poursuit Thierry Meyssan, le plus probable serait de reprendre langue avec Bachar Al Assad pour détruire Daesh. Il écrit: «La recherche du consensus aux États-Unis. Après deux années de politique incohérente, Washington tente d’élaborer un consensus sur ce que devrait être sa politique au «Proche-Orient élargi». Le 10 février, le National Security Network (NSN), un think tankbipartisan qui tente de vulgariser la géopolitique aux États-Unis, publiait un rapport sur les options possibles face à l’Émirat islamique. Il passait en revue une quarantaine d’opinions d’experts et concluait à la nécessité d’«endiguer, puis de détruire» l’Émirat islamique en s’appuyant d’abord, sur l’Irak, puis sur la Syrie de Bachar el-Assad».
«Durant les derniers mois, plusieurs facteurs poursuit-il, ont évolué sur le terrain. L’«opposition modérée» syrienne a totalement disparu. Elle a été absorbée par Daesh. Au point que les États-Unis ne parviennent pas à trouver les combattants qu’ils pourraient former pour construire une «nouvelle Syrie». (…) Israël a cessé le 28 janvier 2015 (riposte du Hezbollah à l’assassinat de plusieurs de ses leaders en Syrie) son soutien aux organisations jihadistes en Syrie. Durant trois et demi, Tel-Aviv leur fournissait des armes, soignait leurs blessés dans ses hôpitaux militaires, appuyait leurs opérations avec son aviation (..) Le nouveau roi d’Arabie saoudite, Salmane, a renvoyé le prince Bandar, le 30 janvier 2015, et interdit à quiconque de soutenir l’Émirat islamique. (;;)Identiquement, la Turquie semble avoir également cessé de soutenir les jihadistes depuis le 6 février et la démission du chef du MIT, ses Services secrets, Hakan Fidan.»
Thierry Meyssan décrit six options, l’une d’elle serait: «Affaiblir, puis détruire l’Émirat islamique, en coordonnant des bombardements états-uniens avec les seules forces capables de le vaincre au sol: les armées syrienne et irakienne. C’est la position la plus intéressante parce qu’elle peut être soutenue à la fois par l’Iran et par la Russie. (…) Ces éléments permettent aisément de prévoir l’avenir: dans quelques mois, peut-être même dès la fin mars, Washington et Téhéran parviendront à un accord global. Les États-Unis renoueront le contact avec la Syrie, suivis de près par les États européens, France comprise. On découvrira que le président el-Assad n’est ni un dictateur, ni un tortionnaire. Dès lors, la guerre contre la Syrie touchera à sa fin, tandis que les principales forces jihadistes seront élimées par une véritable coalition internationale».
La visite de quatre élus français à Damas à l’insu du plein gré de l’Elysée…
Pour ne pas être en reste, le gouvernement français tente de prendre le train en marche. Il envoie au feu…des critiques quatre parlementaires, qui font -consentant- le chemin de Damas pour reprendre langue avec Assad. Ils le font certainement pas pour plaire à Assad, mais de deux maux il faut choisir le moindre; La peur inspirée par Daesh impose cela. Ainsi, quatre sénateurs et députés français ont défié la diplomatie française en se rendant à Damas et en rencontrant Bachar Al Assad. Le Lundi 23 février deux députés, Gérard Bapt (PS, Haute-Garonne) et Jacques Myard (UMP, Yvelines) sont à Beyrouth. Deux sénateurs, Jean-Pierre Vial (UMP, Savoie) et François Zocchetto (UC, Mayenne) sont déjà à Damas. Ces quatre parlementaires appartiennent aux groupes d’amitiés franco-syriennes à l’Assemblée nationale et au Sénat. C’est la première visite d’élus français à Damas depuis le début de la guerre en Syrie en 2011. Elle a lieu à titre privé, insistent-ils. (…)»
«L’homme-orchestre du voyage est Jérôme Toussaint. Il explique que ce voyage se justifie tant sur le plan humanitaire qu’en raison de la présence des chrétiens d’Orient en Syrie et du maintien à Damas du lycée français Charles-de-Gaulle. De plus, les attentats de janvier en France prouvent la nécessité de rouvrir le dialogue sécuritaire avec Damas pour combattre les réseaux djihadistes. (…) Dans les faubourgs de la capitale syrienne, la circulation est dense, la ville est grise, les visages marqués par la fatigue et quatre ans de guerre. La délégation est invitée à la résidence du mufti de la République, Ahmad Badr Al-Din Hassoun, Il est entouré de deux patriarches, le grec-catholique Grégorios III Lahham, et le grec-orthodoxe Youhanna. Les trois hommes ont à coeur de convaincre les élus français que leur ennemie n’est pas la République laïque syrienne, exemple unique dans la région d’une parfaite coexistence entre sunnites et minorités, disent-ils, mais bien les djihadistes de Daesh et leurs commanditaires, l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie.»
Naturellement, ils ont été désavoués, à la fois par le président, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères, mais on peut être certain que le debriefing… Les parlementaires en mission, dénoncent des «postures»politiques et l’hypocrisie de ceux qui savaient. Car rien n’avait été laissé au hasard. Ils affirment qu’avant de partir, Gérard Bapt avait averti le ministère des Affaires étrangères, opposé au voyage et dont la position depuis le début du conflit n’a pas varié: haro sur Bachar Al Assad et soutien à une coordination de l’opposition pourtant en pleine déliquescence. À l’Élysée, le député socialiste s’était entretenu avec Jacques Audibert, conseiller diplomatique de François Hollande, et Emmanuel Bonne, de la cellule diplomatique.»
Comment parler à Assad à qui on souhaite la mort ?
La décantation est en train de se faire, on préfère la peste de Assad au choléra de Daesh. Renaud Girard reporter international au Figaro interviewé par Alexandre Devecchio déclare qu’il faut aller combattre Daesh en s’alliant avec Assad: «(…)Ils ont eu raison de faire ce voyage, ne serait-ce que pour se rendre compte de l’état de la route entre la frontière libanaise et Damas, de l’état de la capitale. Il faut bien comprendre que la diplomatie ne se fait pas avec ses amis. C’est l’art de parler à ses adversaires ou à ses rivaux. On peut reprocher beaucoup de choses à Bachar el-Assad, mais ce n’est pas une raison pour ne pas lui parler. Car Bachar el-Assad incarne la Syrie: il n’incarne certainement pas 95% de la population, mais rien ne prouve qu’en cas d’élection réellement libre, il n’emporterait pas la majorité.»
Nicolas Sarkozy et Alain Juppé ont fait l’énorme erreur de fermer l’ambassade, qui était pour nous la place où nous pouvions parler au régime et surtout obtenir des renseignements. La position française est intenable car elle ne prend pas en compte la notion d’ennemi principal. Nous avons remplacé le général Kadhafi par les amis de Bernard-Henri Lévy. Cela n’a pas marché et nous sommes face à un désordre total.»
«Selon un sondage Ifop, une majorité de Français condamne cette initiative. Cependant, le débat sur la nécessité de dialoguer avec le régime syrien est désormais ouvert. Jean-Christophe Lagarde a jugé que l’exécutif français avait fait preuve «d’hypocrisie» en condamnant ce déplacement. 44% des Français souhaitent rétablir un dialogue «compte tenu de la menace que continue de représenter l’Etat islamique (EI) en Syrie comme en Irak». (…) les voix réclamant une reprise de la discussion avec Damas se multiplient, face à la menace croissante représentée par les jihadistes de l’Etat islamique, et leurs recrues étrangères susceptibles de revenir commettre des attentats en Occident.
On s’acharne à dire que les droits de l’homme sont bafoués par le régime Assad. Outre le fait que c’est un gouvernement légitimement élu, on lui sait gré de tenir et de sauver ce qui reste de la Syrie pour éviter un scénario à la libyenne. Certes, Assad n’est pas poussin de la première éclosion, il doit passer la main. Il rentrera alors dans l’histoire pour avoir résisté au nouvel ordre qui, sous couvert de mots creux, liberté, démocratie est une prédation.
François Hollande voulait «punir» Assad
De fait, la rhétorique guerrière de François Hollande fait appel au bien et au mal. Hollande se voit défendre la veuve et l’orphelin syriens . Faut-il «punir» Bachar al-Assad ? écrit le philosophe Philippe-Joseph Salazar. Pour justifier une potentielle attaque en Syrie, François Hollande l’affirme: si le régime syrien a utilisé l’arme chimique contre sa population, il faut le corriger. Légitime-t-on une guerre par le châtiment? « La France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents », disait François Hollande il y a quelques jours. (…) « Punition », « châtiment », ces mots ont été bannis de tout discours politique depuis des années. (…) Sans compter que se réactive un argumentaire néocolonialiste et impérialiste: nous, grande civilisation occidentale, sommes dépositaires des vrais principes moraux… Nous voilà revenus au XIXe siècle. Au nom de la démocratie, on envoie les canonnières.(…) Nous sommes au-dessus de la Charte. Nous sommes le bien absolu. On retrouve la rhétorique de la «mission civilisatrice», mais sous une forme inattendue (…)
.
On se souviendra que Hollande n’a pas puni Assad du fait que Obama ne l’a pas accompagné. Lâché à la fois par Obama et par Cameron, Hollande ne voulait prendre aucun risque inutile.
La situation présente: Où en est-on actuellement?
Le conflit aurait pu encore durer sur une ancienne cinétique celle de l’impasse. Souvenons nous : Aucune des conférences (Génève I et II), malgré tout le savoir du diplomate algérien Lakhdar Brahimi envoyé spécial à la fois des Nations Unies et de la Ligue Arabe , n’a pu aboutir à la résolution de la crise syrienne crée par l’Occident de toute pièce par un Occident sûr de lui et dominateur qui pensait la régler à la libyenne. Ce ne fut pas une promenade de santé et le peuple syrien est en train de payer pour un conflit qui le dépasse .
Cependant depuis juin 2014, la donne a changé. Il est vrai que les médias aux ordres n’ont pas cessé et continuent de diaboliser Assad. Cette contribution de Kristien Pietr, permet de décrire la situation après l’avènement d’un nouveau venu, Daesh, qui a changé totalement le paysage politique au Proche-Orient. « Dans la foulée du «printemps arabe», certains esprits ont désigné le président syrien Bachar al-Assad comme le Satan des temps modernes – «un individu qui ne mérite pas de vivre» selon Laurent Fabius… Quel est donc le crime commis par le président syrien pour déclencher une telle haine? Posséder la 3e armée mondiale, à l’exemple de Saddam Hussein? Rien de tout cela! Comme dans chaque État souverain, le dirigeant syrien a dû réprimer les émeutes, mater les affrontements interreligieux et les rebelles armés.»
«Une coalition hétéroclite s’est formée contre le pouvoir syrien, soutenue par les rois du pétrole et dirigée depuis Londres. Des milliers de «conseillers» militaires étrangers entraînent les volontaires en Turquie, en Jordanie, en Irak et, sur le terrain opérationnel, en Syrie. Face à cette coalition contre nature, le président syrien ne peut compter que sur le soutien de la Russie et de l’Iran (présent depuis fort longtemps dans le sud-est de l’Irak)».
«Malgré ces aides occidentales, complétées par des brigadistes recrutés en Europe, mais surtout de katibas arrivant de toute la planète, Damas ne cède pas et, bien au contraire, reprend des positions stratégiques. Après des années de guerre, ces «gentils rebelles djihadistes» deviennent subitement infréquentables! Comprenne qui pourra… Dès la prise de Mossoul par les salafistes, la communauté internationale opère un revirement à 180°. À cette occasion, les djihadistes ont mis la main sur les arsenaux de 4 divisions de l’armée irakienne (formées et équipées par les USA) et aussi sur un trésor de guerre de 425 millions de dollars en dépôt à la banque centrale de la ville. Le sigle arabe de Daesh – «ad-dawla al islamiyya fi-l Iraq wa-scham» – remonte à sa création en 2006, quand Al Qaîda en Irak forme, avec cinq autres groupes djihadistes, le conseil consultatif des moudjahidines en Irak. (…) »
« Il est surprenant de constater que c’est l’armée de Bachar al-Assad qui livre maintenant des armes aux Kurdes assiégés à Kobané, alors que la Turquie assiste tranquillement à leur massacre.» En outre, il faut aussi noter que toute tentative de regroupement ou de création de républiques nationalistes arabes, qui aurait pu s’inspirer de la doctrine et de l’idéologie de Michel Aflak, a été sabotée par les USA et la CIA, à commencer par la destitution de Mossadegh en 1953. (…) Il est grand temps de stopper les élucubrations des dirigeants américains. Oui, après le soldat Ryan, il faut sauver le président Bachar!»
La décantation : Un nouveau Proche-Orient avec Assad ?
Les ennemis d’hier sont les alliés d’aujourd’hui. Pour Thiery Meyssan, du fait de l’évolution rapide de la situation au Proche-Orient, Barack Obama étudie de nouvelles options: «depuis plusieurs mois écrit-il, Barack Obama tente de modifier la politique états-unienne au Proche-Orient de manière à éliminer l’Émirat islamique avec l’aide de la Syrie. Mais il ne le peut pas, d’une part, parce qu’il n’a cessé de dire des années durant que le président el-Assad devait partir, et d’autre part, parce que ses alliés régionaux soutiennent l’Émirat islamique contre la Syrie. Pourtant, les choses évoluent lentement de sorte qu’il devrait y parvenir bientôt. Ainsi, il semble que tous les États qui soutenaient l’Émirat islamique ont cessé de le faire, ouvrant la voie à une redistribution des cartes.»
Thierry Meyssan pense que tout est lié à l’accord Etats-Unis-Iran, qui permettrait à Barack Obama d’avoir les mains libres, notamment vis-à-vis d’Israël surtout s’il y a une nouvelle équipe élue en Israël à partir du 17 mars «Le monde attend écrit-il, la conclusion d’un accord global entre Washington et Téhéran (…) Il porterait sur la protection d’Israël en échange de la reconnaissance de l’influence iranienne au Proche-Orient et en Afrique. Cependant, il ne devrait intervenir qu’après les élections législatives israéliennes du 17 mars 2015 (…) Dans ce contexte, les élites états-uniennes tentent de s’accorder sur leur politique future, tandis que les alliés européens des États-Unis se préparent à s’aligner sur ce que sera la nouvelle politique US.»
Plusieurs scénarii sont sur la table poursuit Thierry Meyssan, le plus probable serait de reprendre langue avec Bachar Al Assad pour détruire Daesh. Il écrit: «La recherche du consensus aux États-Unis. Après deux années de politique incohérente, Washington tente d’élaborer un consensus sur ce que devrait être sa politique au «Proche-Orient élargi». Le 10 février, le National Security Network (NSN), un think tankbipartisan qui tente de vulgariser la géopolitique aux États-Unis, publiait un rapport sur les options possibles face à l’Émirat islamique. Il passait en revue une quarantaine d’opinions d’experts et concluait à la nécessité d’«endiguer, puis de détruire» l’Émirat islamique en s’appuyant d’abord, sur l’Irak, puis sur la Syrie de Bachar el-Assad».
«Durant les derniers mois, plusieurs facteurs poursuit-il, ont évolué sur le terrain. L’«opposition modérée» syrienne a totalement disparu. Elle a été absorbée par Daesh. Au point que les États-Unis ne parviennent pas à trouver les combattants qu’ils pourraient former pour construire une «nouvelle Syrie». (…) Israël a cessé le 28 janvier 2015 (riposte du Hezbollah à l’assassinat de plusieurs de ses leaders en Syrie) son soutien aux organisations jihadistes en Syrie. Durant trois et demi, Tel-Aviv leur fournissait des armes, soignait leurs blessés dans ses hôpitaux militaires, appuyait leurs opérations avec son aviation (..) Le nouveau roi d’Arabie saoudite, Salmane, a renvoyé le prince Bandar, le 30 janvier 2015, et interdit à quiconque de soutenir l’Émirat islamique. (;;)Identiquement, la Turquie semble avoir également cessé de soutenir les jihadistes depuis le 6 février et la démission du chef du MIT, ses Services secrets, Hakan Fidan.»
Thierry Meyssan décrit six options, l’une d’elle serait: «Affaiblir, puis détruire l’Émirat islamique, en coordonnant des bombardements états-uniens avec les seules forces capables de le vaincre au sol: les armées syrienne et irakienne. C’est la position la plus intéressante parce qu’elle peut être soutenue à la fois par l’Iran et par la Russie. (…) Ces éléments permettent aisément de prévoir l’avenir: dans quelques mois, peut-être même dès la fin mars, Washington et Téhéran parviendront à un accord global. Les États-Unis renoueront le contact avec la Syrie, suivis de près par les États européens, France comprise. On découvrira que le président el-Assad n’est ni un dictateur, ni un tortionnaire. Dès lors, la guerre contre la Syrie touchera à sa fin, tandis que les principales forces jihadistes seront élimées par une véritable coalition internationale».
La visite de quatre élus français à Damas à l’insu du plein gré de l’Elysée…
Pour ne pas être en reste, le gouvernement français tente de prendre le train en marche. Il envoie au feu…des critiques quatre parlementaires, qui font -consentant- le chemin de Damas pour reprendre langue avec Assad. Ils le font certainement pas pour plaire à Assad, mais de deux maux il faut choisir le moindre; La peur inspirée par Daesh impose cela. Ainsi, quatre sénateurs et députés français ont défié la diplomatie française en se rendant à Damas et en rencontrant Bachar Al Assad. Le Lundi 23 février deux députés, Gérard Bapt (PS, Haute-Garonne) et Jacques Myard (UMP, Yvelines) sont à Beyrouth. Deux sénateurs, Jean-Pierre Vial (UMP, Savoie) et François Zocchetto (UC, Mayenne) sont déjà à Damas. Ces quatre parlementaires appartiennent aux groupes d’amitiés franco-syriennes à l’Assemblée nationale et au Sénat. C’est la première visite d’élus français à Damas depuis le début de la guerre en Syrie en 2011. Elle a lieu à titre privé, insistent-ils. (…)»
«L’homme-orchestre du voyage est Jérôme Toussaint. Il explique que ce voyage se justifie tant sur le plan humanitaire qu’en raison de la présence des chrétiens d’Orient en Syrie et du maintien à Damas du lycée français Charles-de-Gaulle. De plus, les attentats de janvier en France prouvent la nécessité de rouvrir le dialogue sécuritaire avec Damas pour combattre les réseaux djihadistes. (…) Dans les faubourgs de la capitale syrienne, la circulation est dense, la ville est grise, les visages marqués par la fatigue et quatre ans de guerre. La délégation est invitée à la résidence du mufti de la République, Ahmad Badr Al-Din Hassoun, Il est entouré de deux patriarches, le grec-catholique Grégorios III Lahham, et le grec-orthodoxe Youhanna. Les trois hommes ont à coeur de convaincre les élus français que leur ennemie n’est pas la République laïque syrienne, exemple unique dans la région d’une parfaite coexistence entre sunnites et minorités, disent-ils, mais bien les djihadistes de Daesh et leurs commanditaires, l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie.»
Naturellement, ils ont été désavoués, à la fois par le président, le Premier ministre et le ministre des Affaires étrangères, mais on peut être certain que le debriefing… Les parlementaires en mission, dénoncent des «postures»politiques et l’hypocrisie de ceux qui savaient. Car rien n’avait été laissé au hasard. Ils affirment qu’avant de partir, Gérard Bapt avait averti le ministère des Affaires étrangères, opposé au voyage et dont la position depuis le début du conflit n’a pas varié: haro sur Bachar Al Assad et soutien à une coordination de l’opposition pourtant en pleine déliquescence. À l’Élysée, le député socialiste s’était entretenu avec Jacques Audibert, conseiller diplomatique de François Hollande, et Emmanuel Bonne, de la cellule diplomatique.»
Comment parler à Assad à qui on souhaite la mort ?
La décantation est en train de se faire, on préfère la peste de Assad au choléra de Daesh. Renaud Girard reporter international au Figaro interviewé par Alexandre Devecchio déclare qu’il faut aller combattre Daesh en s’alliant avec Assad: «(…)Ils ont eu raison de faire ce voyage, ne serait-ce que pour se rendre compte de l’état de la route entre la frontière libanaise et Damas, de l’état de la capitale. Il faut bien comprendre que la diplomatie ne se fait pas avec ses amis. C’est l’art de parler à ses adversaires ou à ses rivaux. On peut reprocher beaucoup de choses à Bachar el-Assad, mais ce n’est pas une raison pour ne pas lui parler. Car Bachar el-Assad incarne la Syrie: il n’incarne certainement pas 95% de la population, mais rien ne prouve qu’en cas d’élection réellement libre, il n’emporterait pas la majorité.»
Nicolas Sarkozy et Alain Juppé ont fait l’énorme erreur de fermer l’ambassade, qui était pour nous la place où nous pouvions parler au régime et surtout obtenir des renseignements. La position française est intenable car elle ne prend pas en compte la notion d’ennemi principal. Nous avons remplacé le général Kadhafi par les amis de Bernard-Henri Lévy. Cela n’a pas marché et nous sommes face à un désordre total.»
«Selon un sondage Ifop, une majorité de Français condamne cette initiative. Cependant, le débat sur la nécessité de dialoguer avec le régime syrien est désormais ouvert. Jean-Christophe Lagarde a jugé que l’exécutif français avait fait preuve «d’hypocrisie» en condamnant ce déplacement. 44% des Français souhaitent rétablir un dialogue «compte tenu de la menace que continue de représenter l’Etat islamique (EI) en Syrie comme en Irak». (…) les voix réclamant une reprise de la discussion avec Damas se multiplient, face à la menace croissante représentée par les jihadistes de l’Etat islamique, et leurs recrues étrangères susceptibles de revenir commettre des attentats en Occident.
On s’acharne à dire que les droits de l’homme sont bafoués par le régime Assad. Outre le fait que c’est un gouvernement légitimement élu, on lui sait gré de tenir et de sauver ce qui reste de la Syrie pour éviter un scénario à la libyenne. Certes, Assad n’est pas poussin de la première éclosion, il doit passer la main. Il rentrera alors dans l’histoire pour avoir résisté au nouvel ordre qui, sous couvert de mots creux, liberté, démocratie est une prédation.
Notes: |
*Professeur à l'Ecole Polytechnique d'Alger |
Source: |
Metamag