« Ni rire, ni pleurer, mais comprendre » (Spinoza)
1 – La Syrie, épicentre d’un affrontement planétaire.
Jamais le monde n’a connu, depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, une attaque de cette envergure dirigée contre un état membre des Nations Unies. Une coalition de blocs internationaux, régionaux et locaux avec des moyens colossaux sans précédents visant à démembrer l’Etat syrien et de confisquer sa souveraineté. Il est possible de revendiquer un Etat de droit sans pour autant cautionner des interventions étrangères, dont l’histoire montre régulièrement qu’elles ne sont jamais dénuées d’arrière-pensées.
Il y a six ans, tout le monde était gagné par l’enthousiasme au sujet du «Printemps arabe» en pensant qu’il allait apporter un souffle de liberté et de prospérité dans la région. Mais on constate déjà dans ces pays des régressions terribles dans les domaines de la libre pensée comme dans les droits de la Femme en particulier et de l’Homme en général.
Ce printemps-là annonce le chaos. Dix mille ans d’histoire. Berceau de la civilisation. Premier alphabet. Terre des religions monothéistes. Symbole du vivre ensemble. La Syrie est menacée aujourd’hui d’implosion. La situation est critique et nous ne sommes malheureusement pas encore au bout du chaos qui s’annonce, avec les plus vives inquiétudes qui sont celles de tout un peuple aujourd’hui, meurtri par des débordements qui le dépassent.
Après six ans de guerre, la Syrie apparaît plus que jamais comme l’épicentre d’un affrontement planétaire à plusieurs niveaux. Une guerre politique. Une guerre économique, avec un embargo en prime. Une guerre médiatique alimentée par des mensonges. Une guerre militaire et terroriste destructrice.
Au plan national, sur le terrain, le gouvernement légal fait face à une opposition armée fanatique à dominante terroriste.
Au plan régional, la confrontation met aux prises les alliés de la Syrie (l’Iran, le Hezbollah et, de plus en plus, l’Irak) et des ennemis acharnés à la détruire, tels que l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie. Au plan mondial enfin, c’est un bras de fer entre le camp atlantique (les Etats-Unis et leurs alliés) et la Russie, fermement appuyée par son partenaire chinois.
Il faut être naïf ou avoir un sacré dose de mauvaise foi pour croire à l’origine confessionnelle et religieuse de la tragédie et des conflits du Levant. Réduire cela à une lutte entre SUNITES / CHIITES ou entre ISLAM / CHRISTIANISME relève de la manipulation et du terrorisme intellectuel que nous subissons.
2- La Syrie, une guerre géostratégique annonciatrice de la fin d’un monde unipolaire.
L’origine du problème est purement politique et profane. Une guerre géostratégique annonciatrice de la fin d’un monde mono polaire. Une guerre géopolitique en ce que la Syrie est le portail pour en finir avec l’Iran. Ce n’est pas un hasard si de l’Irak au Yémen, de la Libye à la Syrie, du Sinaï en Egypte, à Ersal au Liban, du Soudan jusqu’en Tunisie, …Tout se passe en même temps, dans le but de créer de nouvelles réalités dans la région.
La Syrie est un état laïc. La nationalité syrienne transcende l’appartenance religieuse. Je refuse de m’associer aux revendications ayant pour objet l’institution d’un Etat religieux.
3- Le conflit de Syrie, une affaire de Gaz
La racine du conflit armé en Syrie provient en grande partie du refus du président syrien Bachar al-Assad du passage d’un pipeline de gaz du Qatar vers l’Europe. Il devient clair que la clé de la réussite économique et de la domination politique réside principalement dans le contrôle de l’énergie du XXIe siècle. Ça sent le GAZ !
En 2009, le Qatar a offert de construire un pipeline pour 10 milliards de dollars qui traverserait l’Arabie Saoudite, la Jordanie, la Syrie et la Turquie. Ce projet aurait veillé à ce que les pays arabes du Golfe aient un avantage décisif sur les marchés mondiaux de gaz et aurait renforcé le Qatar, un proche allié de Washington dans la région.
Le président syrien Bachar al-Assad, a rejeté le projet au motif que cela nuirait aux intérêts de son allié russe, le plus grand fournisseur de gaz naturel vers l’Europe.
Un an plus tard, Al-Assad a commencé à négocier avec l’Iran pour construire un autre gazoduc qui transporterait le gaz de l’Iran vers le Liban et le pays perse serait devenu un des plus grands fournisseurs de gaz vers l’Europe.
Reconfigurer la région en plusieurs micro-États faibles et dépendants, la théorie du chaos donne aujourd’hui la pleine mesure du désastre. Retour sur des décennies de carnage en Irak, Libye, Syrie, Yémen, Soudan. Un chaos qui s’étend désormais à ses initiateurs, les États-Unis et leurs alliés européens et moyen-orientaux.
Le conflit de Syrie est entré dans sa sixième année. Quelle en sera l’issue, alors que s’affrontent le camp de la guerre à tout prix, celui de la paix coûte que coûte et les partisans d’une solution juste et morale?
On trouve aujourd’hui encore des naïfs qui veulent se persuader et persuader l’opinion qu’il y aurait des opposants modérés parmi les terroristes, des «démocrates» au sein des 2 000 groupes djihadistes recensés, de nobles patriotes pur jus parmi les mercenaires aux 100 nationalités qui sèment mort et destruction en Syrie, en Irak, en Libye ou ailleurs.
Dans les milieux où l’on s’est amouraché des «printemps» au jasmin ou à l’hibiscus, l’égarement dans les impasses du conditionnel passé amène à évoquer sans fin, avec des sanglots dans la barbe, les pionniers de la cyber-révolution de l’hiver 2010-2011, mais à ignorer le chaos généralisé qui gagne pays après pays l’ensemble du Grand Moyen-Orient.
La formule est cynique, mais bien vue: tandis que dans nos instituts et autres «chars d’assaut de la pensée», les intellectuels et bien-pensants de France et de Navarre philosophent sur les «printemps arabes», y voyant une suite de rendez-vous manqués avec la démocratie, leurs collègues des think tanks anglo-américains approvisionnent en arguments, en idées et en projets l’entreprise de déconstruction et de dislocation lancée par l’Empire atlantique sur le monde arabe et musulman, depuis que la disparition de l’URSS laisse le champ libre à l’axe du Bien.
Six années d’une propagande échevelée, déformante et particulièrement désinformante quant à la situation qui prévaut en Syrie et dans la sous-région. Disons humblement que l’avenir de la Syrie dépend d’abord des Syriens qui se prononceront eux-mêmes lorsque leur pays sera débarrassé des dizaines de milliers de mercenaires tchétchènes, chinois, maghrébins et européens payés par l’Arabie, le Qatar et les autres démocraties les plus exemplaires du monde. Quotidiennement, un déluge de propagande pilonne nos oreilles, nos yeux et notre intelligence collective. C’est La fabrication d’un “discours médiatique” pour obtenir des avantages géopolitiques.
Voilà six ans qu’une doxa mensongère nous est imposée. Il s’agit d’un lavage de cerveau sans précédent, auquel ont participé tous les médias du mainstream, gauche et droite confondues, amenant en toute occasion de l’eau au moulin de l’intoxication permanente. Les voix différentes sont étouffées, contraintes de trouver refuge sur les sites alternatifs du web.
Dans ce contexte, force est de constater que les positions des uns et des autres n’ont guère changé depuis six ans : du côté de des groupes armés, parrainés et pilotés de l’étranger et par l’étranger, on se dit en lutte contre un «régime massacreur» et l’on réclame avant tout le départ du Président Bachar al Assad, comme condition préalable à tout règlement politique. Du côté de la Syrie légale, on estime – à juste titre – que toute transition doit se dérouler sous le contrôle du peuple syrien, à qui il revient, en toute souveraineté, de décider de son destin et de choisir ses dirigeants. En tout état de cause, on considère que l’éradication du terrorisme commandité de l’extérieur est le préalable requis. Le Conseil de Sécurité apparaît marginalisé et admet quasiment son impuissance.
Pendant ce temps, la population syrienne, sous embargo meurtrier, épuisée par six ans d’épreuve vit un véritable calvaire, tentant de survivre dans des conditions de plus en plus précaires, dans un environnement ravagé, partagée entre la rage de rester au pays et le désir d’émigrer pour un avenir meilleur. Le désespoir des Syriens est d’autant plus grand que leur malheur est occulté en Occident et dans les pays musulmans qui ont pris fait et cause pour la «révolution».
L’immense omerta alliant médias, intellectuels et classe politique autour d’un déni de vérité et de justice qui inverse ou brouille sciemment les rôles et qui va de pair avec un soutien affiché aux ennemis de la Syrie légale ne doit pas conduire les hommes et femmes de bonne volonté à se résigner.
Nous voudrions que la France écoute la majorité silencieuse en Syrie et œuvre pour un dénouement pacifique. Nous pensons que la solution en Syrie ne peut se trouver que par des décisions politiques et la France retrouverait sa grandeur dans ce drame si ses représentants militaient inlassablement pour un dénouement non militarisé et diplomatique.
Il y a urgence d’abréger la souffrance du peuple syrien. Plusieurs pistes méritent d’être explorées attentivement :
- Lever l’embargo meurtrier illégal imposé sur le peuple syrien et qui touche les produits de premières nécessités.
- Rétablir les vols directs avec la Syrie.
- La réouverture de l’Ambassade de France à Damas et de l’Ambassade de Syrie à Paris.
Le principal moyen de sortir du massacre syrien passe d’abord par un arrêt des aides aux groupes armés de la part des pays nourriciers. Une fois que les intrusions terroristes extérieures seront arrêtées, on pourra mettre un terme à toutes lesopérations militaires, y compris de la part du gouvernement syrien. Et relancer un processus de réconciliation démocratique avec des élections législatives et des réformes politiques, ce qui n’est évidemment pas possible dans cette phase de la lutte armée.
L’avenir politique de la Syrie se décidera par les Syriens et par les élections. Le socle fondamental est constitué de deux éléments essentiels. Il s’agit du maintien la Syrie et de l’intégrité territoriale de la Syrie laïque et l’arrêt de toute ingérence étrangère.
4 – La Méditerranée, pivot du nouveau monde multipolaire
L’attention devrait être attirée sur les tentatives actuelles de déstabilisation, sur les risques induits pour la Laïcité, l’intégrité des pays du Proche et du Moyen Orient, le patrimoine culturel de l’humanité et sur le risque majeur régional et mondial. Le dialogue Euro-Méditerranéen est également menacé encore qu’il ne soit plus d’actualité!. Sur le fondement du droit d’ingérence on a créé et entretenu un chantier de guerre qui ne dit pas son nom. L’utilisation du droit d’ingérence donne lieu à une violation caractérisée du droit international et de la souveraineté des Etats.
Si nous voulons éviter d’autres mauvaises surprises meurtrières nous devons encourager le dialogue des civilisations entre Orient et Occident. Aujourd’hui, force est de reconnaître l’urgente nécessité d’intensifier ces actions, afin de combler le fossé profond qui sépare les exigences du présent et la réalité.
Le dialogue des civilisations, qui n’est certes pas dans l’air du temps, est surtout un thème d’avenir. Un débat sur les valeurs de base d’une civilisation universelle doit être mené maintenant afin de construire une plate-forme commune, en vue d’une entente entre religions et cultures différentes garantissant la paix et la stabilité pour les générations à venir.
Un nouveau monde multipolaire est en train de naître sous nos yeux. Le pivot en sera la méditerranée. Un nouvel axe d’échanges Nord/Sud est en train d’être tracé et passera par la Syrie. Ceux qui ne l’ont pas compris risquent de se retrouver marginalisés ou tout simplement annulés !
Soumettre au débat les divers aspects de la guerre syrienne n’est pas suffisant, certes, pour imposer un cessez-le-feu. Mais cela devra contribuer à mettre en lumière une injustice et une immoralité qui ont jusqu’ici échappé à nos élites et à notre opinion et aura amené beaucoup à réfléchir.
Si tel est le cas, un pas de géant pour la paix en Syrie et dans le monde aura été accompli.
A propos
Docteur Véronique Bouté: Radiologiste, spécialiste en cancer du sein au CLCC Francois Baclesse à Caen, conseillère municipale de la ville de Caen, Présidente de l’Association Transméditerranéenne: femme et cancer du sein ASTARTE, Présidente de l’Université pour la Méditerranée, vice-présidente de France Proche-Orient.
Colloque «Les Enjeux de la Syrie et de sa Région» – Samedi 26 novembre 2016 – MÉMORIAL de Caen
L’Université Pour la Méditerranée – UPM (Gilgamesh)
Le Collectif pour la Syrie (CPS) www.collectif-pour-la-syrie.org
En partenariat avec
- Le Mémorial de Caen (www.memorial-caen.fr)
- L’Association France Proche-Orient (www.asso-fpo.org)
- Le mensuel Afrique Asie (www.afrique-asie.fr)
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