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dimanche 20 novembre 2016

Palestine : le peuple oublié commémore la mort d’Arafat




11 novembre 2004 le président Arafat disparaissait. 11 novembre 2016, une commémoration sans épaisseur a été faite par le président Abou Maizen qui a déclaré à cette occasion qu’il connaissait l’assassin de Arafat, mais qu’il ne donnerait pas le nom car «une commission d’enquête est en train d’approfondir les choses, mais vous serez informés à la première occasion et serez surpris quand vous saurez qui l’a fait»! On peut se demander pourquoi il a fallu 12 ans pour confirmer qu’Arafat aurait été empoisonné et pourquoi le meurtrier ou le donneur d’ordres ne soit pas nommément désigné !!!

Pendant ce temps, les dirigeants palestiniens passent leur temps à commémorer. Les représentants du Front démocratique de libération de la Palestine (Fdlp) et du Front populaire de libération de la Palestine (Fplp) ont affirmé samedi 12 novembre à Alger, à l’occasion du 68e anniversaire de la «Nakba» (Catastrophe) que le droit du peuple palestinien au retour était «sacré». Les Palestiniens ont célébré aussi le mardi 15 novembre le 28e anniversaire de la proclamation de l’État de Palestine qui date du 15 novembre 1988 à Alger. A défaut d’une direction capable d’inverser le cours de l’histoire actuelle dans le sens de la légalité internationale, de jeunes Palestiniens traités de terroristes continuent de mourir et d’être emprisonnés pour avoir voulu être libres.


Des négociations de paix à l’arrêt


On aura tout dit des négociations sans conviction menées ça et là et qui échouent lamentablement. Déjà le 23 mars 2016 l’ONU avait annoncé une nouvelle initiative pour sortir les négociations de l’impasse. En juin ce sera l’initiative française de convoquer une conférence ignorée par Israël même. La Russie a proposé ses services en août; l’initiative a finalement été déclinée en bloc par Israël, qui préfère mener des négociations directes avec les Palestiniens, loin de toute pression internationale.

Le président Mahmoud Abbas n’a pas caché son souhait que la nouvelle administration américaine fasse quelque chose pour faire progresser le processus de paix. Le président élu des États-Unis, Donald Trump, avait déclaré: «Je pense que mon administration peut jouer un rôle important en aidant les parties à parvenir à une paix juste et durable, qui doit être négociée entre les parties elles-mêmes, et pas imposée par d’autres».

Netanyahu a félicité Trump, l’appelant un «véritable ami d’Israël». «Je suis certain que le nouveau président Trump et moi-même continuerons à renforcer l’alliance entre nos deux pays». Naftali Bennett, ministre israélien de l’Éducation qui s’est vanté d’avoir tué des Arabes, a salué l’arrivée de l’ère Trump. «La victoire de Trump est une opportunité pour Israël de retirer l’idée d’un État palestinien qui nuirait à notre sécurité et notre juste cause
En dépit de la malveillance israélienne, et malgré sa politique expansionniste et la vague de judaïsation visant El Qods, les Palestiniens résistent et finalement ont pu renforcer leur présence dans les structures internationales. Le pays devient membre de l’Organisation de coopération islamique depuis 1969, de la Ligue arabe depuis 1976 et de l’Unesco depuis 2011. Dans le cadre de sa stratégie de reconnaissance internationale, il acquiert également, en 2012, le statut d’observateur à l’ONU. En 2015, la Palestine devient le 123e membre de la Cour pénale internationale». Maigre consolation !


État des lieux du désespoir: la colonisation rouleau compresseur


Rien ne semble arrêter la détermination israélienne de judaïser Jérusalem et de récupérer la totalité de la cis Jordanie (ce qu’ils appellent la Judée Samarie ) ; Seules les organisations internationales essaient d’en appeler à la Justice pour freiner au moins la coopération avec l’État d’Israël. Ainsi la conférence de presse de lancement de la campagne pour la suspension de l’Accord d’association entre l’Union européenne et Israël aura lieu le mercredi 16 novembre. Elle est lancée conjointement par le Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens (qui regroupe 52 organisations), «Trop, c’est trop!».
Il faut saluer la prise de conscience de certaines composantes de la société israélienne qui dénoncent cette occupation. Le pouvoir israélien fait tout son possible pour les étouffer, les traduire en justice, voire même de les traiter de traitres . On apprend que plusieurs associations et ONG israéliennes qui sont contre la colonisation connaissent aussi des représailles de la part du pouvoir: «Ainsi, les interventions de l’ONG Breaking the Silence dans les écoles et les casernes ont été interdites. La seule manière d’obliger Israël à se conformer au droit international, d’imposer le respect des droits des Palestiniens, et de soutenir efficacement les courageux dissidents israéliens, est d’exercer des pressions internationales. «Trop, c’est trop!», lance une campagne pour la suspension de l’Accord d’association entre l’Union européenne et Israël. (…) Or il stipule que «toutes [ses] dispositions […] se fondent sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques» (…) En s’en tenant au droit international, l’Union européenne doit donc, par sa suspension, se conformer aux règles qu’elle a elle-même fixées».


La Palestine condamne la légalisation par Israël des colonies sauvages


Il ne se passe pas de mois sans que le gouvernement israélien mette en œuvre une initiative qui inexorablement grignote ce qui reste de la Palestine originelle. Encore une fois les Israéliens font ce qu’ils veulent et encore une fois l’Autorité nationale palestinienne fait le minimum syndical en condamnant du bout des lèvres . Cette fois le 14 novembre, c’est la décision du gouvernement de légaliser les colonies sauvages et d’interdire les appels à la prière par haut-parleur en Cisjordanie. Nabil Abu Rudeineh, conseiller du président palestinien Mahmoud Abbas a également exprimé le «rejet total» de ces mesures par la Palestine et averti que l’ANP (Autorité Nationale Palestinienne) appellerait le Conseil de sécurité de l’ONU et tous les organismes internationaux à empêcher la mise en oeuvre de ces mesures israéliennes.


L’armée israélienne et son tableau de chasse nocturne,

La façon de briser la résistance à l’occupation est devenue une science L’objectif de faire de la prévention, de mater les jeunes Palestiniens de les repérer avant l’acte est devenue un savoir-faire d’Israël auquel se vantent de venir se ressourcer les services de police français qui veulent appliquer ces méthodes pour les territoires perdues de la république dans le jargon des hommes politiques français qu’ils soient de droite ou de gauche .

Gidéon Levy résume magistralement le mode opératoire de l’armée la plus morale du monde. «Tous les matins, sur son compte Twitter, l’armée israélienne décrit ses méfaits de la nuit précédente, avec une bonne dose de fierté. Décryptage: comment appelle-t-on un régime qui, chaque nuit, tire des personnes de leur lit? Comment qualifier les détentions de masse sans mandat? Comment définir les fouilles brutales de maisons en pleine nuit, dont certaines n’ont pour seul but que de faire des exercices d’entraînement? Comment appeler de telles actions perpétrées chaque nuit par l’armée, la police des frontières et le Shin Beth, service de sécurité intérieure israélien? Comment appeler un État au nom duquel ils agissent – une démocratie, la seule du Moyen-Orient? Se rappelle-t-on les sombres régimes, pense-t-on aux juntes latino-américaines? Bienvenue à l’occupation israélienne de la Cisjordanie, nuit après nuit, à quelques kilomètres de chez vous!».


La judaïsation rampante de Jérusalem : l’État israélien a un problème avec l’histoire et l’archéologie.


D’une façon têtue, l’État israélien veut faire dire à l’archéologie ce qu’elle ne peut pas dire. Il y a une différence capitale entre l’archéologie biblique qui participe avant tout d’une conviction qui veut que ce que ne confirment pas les récits de la Bible est due à une science incomplète qui doit forcément évoluer vers la confirmation des récits bibliques ; De ce fait, on creuse à titre d’exemple sous la mosquée d’El Aqsa pour retrouver des vestiges des royaumes juifs décrits dans la Bible en vain ! Beaucoup d’archéologues pour la plupart israéliens à l’instar des rédacteurs de la Bible dévoilée de l’archéologue Israël Finkelstein et de l’historien et archéologue Neil Asher Silberman ont tenu à s’écarter de l’archéologie biblique.


Aperçu sur le sionisme et son illustration : quel en est le moteur ?


En fait, tout est partie de la condition infra-humaine qui fut celle des Juifs en Europe globalement pendant deux millénaires . L’Église qui martèle qu’il n’y a pas de pitié à avoir avec les déicides ( les assassins du Christ) , a trouvé des bras vengeurs auprès de tous les pouvoirs. Rappelons-nous la Reconquista, les pogroms russes. Les juifs n’avaient pas le droit d’enterrer leurs morts à Paris, ils le faisaient de nuit extra –muros .

La seule époque où les Juifs s’épanouirent et donnèrent la mesure de leur talent fut celle vécue à l’ombre de la civilisation musulmane du 8e au 18e siècle. Graduellement en Europe on trouva d’autres griefs contre les Juifs, accusés d’accaparer l’argent et partant les rouages du pouvoir Des idéologues européens éclairés mirent en musique cela . Ce fut le credo des races supérieures, des Renan, Gobineau, Chamberlain … Et comme l’écrit si bien Sophie Bessis auteur d’un ouvrage L’Occident et les autres : «le Nazisme ne fut pas une singularité mais une filiation».

C’est dans cette atmosphère que naquit le sionisme et l’un de ses pères Théodore Herzl, journaliste autrichien eut une révélation en assistant en 1898 au procès du capitaine Dreyfus, juif accusé d’intelligence avec l’Allemagne. La grande intelligence du sionisme est d’avoir instrumenté la religion pour en faire une doctrine profane : le sionisme. .Une vingtaine d’années plus tard, Lord Balfour promettait une Terre aux Juifs pour la deuxième fois après Dieu. !!!

Par la suite la tragédie vécue par les juifs durant la seconde guerre mondiale donna du grain à moudre au sionisme. Ainsi Abba Eban ministre des Affaires étrangères israélien déclarait après 1967, que « les frontières d’Israël étaient celles d’Auschwitz » . Tout est dit, les Occidentaux tétanisés par la faute de l’un des leurs font payer aux Arabes la faute et rien ne doit être refusé aux israéliens. On voit comment les organisations juives dans les pays européens tétanisent les pouvoirs, obligés de promulguer des lois qui interdisent de discuter de l’histoire réelle de la seconde guerre mondiale. Cette idéologie du sionisme est parfaitement illustrée par le message de Vladimir Jabotinski à savoir qu’il est impossible de faire entendre raison à des sionistes qu’ils sont dans leur tort en s’appropriant une Terre tout en se basant sur des vérités qui n’en sont pas !

A sa façon Aline de Dieguez nous donne un autre angle d’attaque de ce que c’est que le sionisme. Pour celle elle analyse les fondements du sionisme en s’appuyant sur le dernier ouvrage de Cherif Abdedaïm De la mythologie sioniste à la tragédie palestinienne (Editions ANEP, 2e Semestre 2016, 405 pages) Elle écrit: «C’est l’histoire de cette tragédie que le monde regarde d’un oeil vide et morne et que, courageusement, Chérif Abdedaïm décrit avec une précision chirurgicale (…) C’est bien dans le toboggan en forme d’entonnoir que glisse inexorablement le peuple palestinien poussé par le Lucifer sioniste. Jusqu’à quelle profondeur lui faudra-t-il sombrer dans les abysses de l’humiliation et de la souffrance avant que ses pieds se posent sur un sol assez dur pour lui permettre de rebondir et de remonter à la lumière? (…) » .

D’année en année on comptabilise les avanies des Palestiniens qui naissent et meurent en ne connaissant que l’ordre colonial. Dans l’impunité la plus totale, le pouvoir israélien fait fi de toutes les résolutions votées et avance d’une façon inexorable. Maigre consolation qui n’apporte rien de nouveau au calvaire des Palestiniens dont les dirigeants semblent s’accoutumer à la situation et dans un partage de rôles invisibles ; l’Autorité Palestinienne qui est de fait l’allié d’Israël en ce sens qu’elle condamne les actes de bravoure et ras le bol des Palestiniens, et dans le même mouvement elle condamne du bout des lèvres les exactions israéliennes et la politique de judaïsation rampante s’en remettant au bon vouloir des occidentaux pour faire entendre raison à Israël, en vain. Cependant tout n’est pas noir pour les dirigeants palestiniens bien intégré, bien acceptés par l’occupant israélien qui les gâte. Ces dirigeants vivent à des années lumière des conditions sociales et matérielles des citoyens lambda condamnés à sur-vivre.

J’avais dans un ouvrage paru en 2014, fait l’inventaire de ce que fut le calvaire palestinien et avait pointé du doigt la responsabilité des Occidentaux qui pensent qu’ils doivent expier une faute que l’un des leurs a faite.

Force est de constater que nous sommes toujours au même point s’agissant des Palestiniens. Par contre, l’État israélien continue sur sa lancée de judaïsation de la Palestine et l’enfer pour un peuple qui souhaite vivre en paix sur moins de 20% de sa Terre.

Faut-il croire que la nation palestinienne est définitivement condamnée à disparaître ?

Chems Eddine Chitour est Professeur à l’École Polytechnique d’Alger


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