Jean-Christophe Gallien
Pourquoi l’ex président, qui maîtrisait la position préférentielle au cœur du corps électoral de la primaire et qui a su la maintenir dans un contexte personnel et politique troublé, a toutes les chances de l’emporter. Par Jean Christophe Gallien, Professeur associé à l’Université de Paris 1 La Sorbonne, Président de j c g a.
Celui qui a le plus à perdre dans cette élection inédite, c’est évidemment l’ex Président de la République. Certes François Fillon et Alain Juppé, les deux ex premier ministres, savent qu’ils jouent leur première et dernière cartouche présidentielle, mais un Nicolas Sarkozy éliminé au soir du second tour d’une primaire subirait une humiliation politique inédite dans l’histoire politique de la Cinquième République pour un ex Président de la République. Valery Giscard d’Estaing battu en 1981 et qui rêvait d’un retour présidentiel avait finalement refusé l’obstacle, à tort selon nous, en 1995. Que dire d’une chute dès le premier tour qui ressemblerait à une mort par désintégration politique dont la déflagration modifiera en profondeur l’avenir politique des Républicains et, soyons en certains, les contours des élections présidentielles et législatives de 2017.
Nicolas Sarkozy peut-il réellement perdre ? Le paramètre central de cette élection, un corps électoral inédit, présenté comme une inconnue de l’équation électorale à résoudre, répond, selon nous, par la négative : non Sarko a peu de chances de perdre. Personne ne sait véritablement, faute de précédent, déterminer le corps électoral de ce nouveau scrutin. Ce que l’on peut prédire et qu’évidemment les candidats en lice avaient identifié, c’est que les citoyens qui vont se déplacer sont d’abord les plus politisés, les plus militants, à tout le moins sympathisants. Ils s’intéressent, ils s’informent, ils ont le temps pour le faire, dans un contexte de fin d’année qui n’est pas simple économiquement et socialement pour la grande majorité des Français.
Pas besoin de sondages, nous l’avons toujours écris dans ces colonnes, la mobilisation sera réelle mais plus proche de celle de la primaire socialiste de 2011 entre 2,5 millions et 3 millions de votants que des 5 à 6 millions que certains prédisent encore. Ce corps électoral incertain ressemblera en fait beaucoup à la famille, au sens large, des Républicains, ajoutez une partie des militants d’un Centre qui s’est, à nouveau, désintégré dans un processus qu’il n’a pas su ou pu contrer, et quelques militants anti Sarko, anti Juppé ou anti Fillon venus d’autres mouvements politiques et vous avez peu de chance de vous tromper.
Un corps électoral légitimiste et finalement conservateur
Nicolas Sarkozy prenant le contrôle de l’UMP puis des Républicains savait qu’il se dotait de moyens bien supérieurs que ses adversaires, même dans une primaire ouverte, de façonner en profondeur ce corps électoral inédit. Ses rivaux aussi ! Le combat mené intensément par tous fut une d’abord une lutte en légitimité et en crédibilité, puis un affrontement narratif et enfin une bagarre pour le contrôle de l’organisation.
Nicolas Sarkozy prenant le contrôle de l’UMP puis des Républicains savait qu’il se dotait de moyens bien supérieurs que ses adversaires, même dans une primaire ouverte, de façonner en profondeur ce corps électoral inédit. Ses rivaux aussi ! Le combat mené intensément par tous fut une d’abord une lutte en légitimité et en crédibilité, puis un affrontement narratif et enfin une bagarre pour le contrôle de l’organisation.
Une élection et donc une primaire c’est l’affirmation d’une légitimité et d’une crédibilité, comme celles qui boosteront François Hollande dans la future primaire du PS et qui aurait éliminé Emmanuel Macron qui l’a bien compris et candidate hors de la primaire socialiste. A la veille du premier tour, les 3 possibles vainqueurs sont un ex Président de la République et deux ex premier ministres ! Exit les « nouveaux » visages ! Voilà la première confirmation des caractéristiques générales de ce corps électoral inédit favorisant Nicolas Sarkozy : légitimiste et finalement conservateur.
Déplacer le débat vers la droite
Une élection et donc une primaire c’est bien sur un combat narratif de tous les instants qui se déroule aujourd’hui sur de multiples points de contacts à intégrer dans une temporalité très resserrée. En apparence globalement brouillon dans l’enchaînement de sa narration, Nicolas Sarkozy, largement ciblé par ses adversaires dans la tentative collective de transformation de cette élection en referendum pro ou anti Sarko, a d’abord tout fait pour déplacer le curseur du débat idéologique et programmatique vers la droite avant de dramatiser l’enjeu de la primaire sur le mode voulez-vous une alternance de changement radical ou une alternance par le compromis.
Une élection et donc une primaire c’est bien sur un combat narratif de tous les instants qui se déroule aujourd’hui sur de multiples points de contacts à intégrer dans une temporalité très resserrée. En apparence globalement brouillon dans l’enchaînement de sa narration, Nicolas Sarkozy, largement ciblé par ses adversaires dans la tentative collective de transformation de cette élection en referendum pro ou anti Sarko, a d’abord tout fait pour déplacer le curseur du débat idéologique et programmatique vers la droite avant de dramatiser l’enjeu de la primaire sur le mode voulez-vous une alternance de changement radical ou une alternance par le compromis.
Une stratégie qui visait son principal rival statutaire et populaire, Alain Juppé, dont l’enjeu central toujours actif jusqu’à dimanche, est le recrutement d’électeurs venus en nombre d’autres bords politiques pour largement dépasser la seule famille Républicaine. La stratégie sarkozyste a plutôt bien fonctionné atteignant Alain Juppé directement dans sa stature programmée d’homme d’état providentiel et indirectement en renforçant la position d’outsider affranchis du marathonien François Fillon.
Maitriser la position préférentielle au cœur du corps électoral
Une élection et donc une primaire, c’est enfin une organisation qui favorise, plus ou moins, l’ouverture de la démarche de participation électorale des citoyens. Là aussi Nicolas Sarkozy, peu enthousiaste concernant cette primaire, c’est un euphémisme, et ayant du accepter le principe de l’ouverture, bénéficiait de la maîtrise de l’appareil et donc du centre de production de cette organisation électorale. Si l’on se met à la place du citoyen, il n’est guère simple de s’engager dans ce processus de vote, il faut le dire assez complexe d’accès, largement digitalisé même si Nicolas Sarkozy a réussi à faire tomber le risque létal pour lui du vote électronique. Un processus électoral payant depuis l’éventuel appel téléphonique initial jusqu’au droit à payer pour participer à travers 10 228 bureaux de vote théoriques, plus de quatre fois moins que pour les élections générales et donc pas forcément simples à trouver, et parions qu’ils ne seront pas tous réellement ouverts faute de troupes bénévoles suffisantes pour les animer ou les contrôler.
Une élection et donc une primaire, c’est enfin une organisation qui favorise, plus ou moins, l’ouverture de la démarche de participation électorale des citoyens. Là aussi Nicolas Sarkozy, peu enthousiaste concernant cette primaire, c’est un euphémisme, et ayant du accepter le principe de l’ouverture, bénéficiait de la maîtrise de l’appareil et donc du centre de production de cette organisation électorale. Si l’on se met à la place du citoyen, il n’est guère simple de s’engager dans ce processus de vote, il faut le dire assez complexe d’accès, largement digitalisé même si Nicolas Sarkozy a réussi à faire tomber le risque létal pour lui du vote électronique. Un processus électoral payant depuis l’éventuel appel téléphonique initial jusqu’au droit à payer pour participer à travers 10 228 bureaux de vote théoriques, plus de quatre fois moins que pour les élections générales et donc pas forcément simples à trouver, et parions qu’ils ne seront pas tous réellement ouverts faute de troupes bénévoles suffisantes pour les animer ou les contrôler.
Certes une incertitude plane sur le premier tour de cette primaire inédite, resserrée autour de 3 candidats initialement favoris et qui se retrouveraient dimanche au coude à coude selon les études. Nous parions sur la victoire de celui qui maitrisait la position préférentielle au cœur du corps électoral de la Primaire et qui a su la maintenir dans un contexte personnel et politique troublé. Nicolas Sarkozy sera au second tour. Il l’emportera probablement au final, à moins que … François Fillon se qualifie aussi.
Jean Christophe Gallien est :
Professeur associé à l’Université de Paris 1 la Sorbonne
Président de j c g a, CEO de Zenon7
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals