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samedi 13 septembre 2014

Déficit : Bercy officialise un dérapage de grande ampleur

Elsa Freyssenet et Elsa Conesa

Chateau


Le déficit public, qui avait baissé depuis 2011, grimpera à 4,4 % cette année. L’objectif des 3 % est repoussé à 2017, Bruxelles demande déjà des comptes.

Dans une entreprise, on appellerait cela un « profit warning ». C’est une opération vérité sous contrainte qu’a menée Bercy ce mercredi. Croissance, inflation, déficit, baisses de dépenses... Michel Sapin et Christian Eckert, respectivement ministre des Finances et secrétaire d’Etat au Budget ont dû revoir presque tous les indicateurs macro-économiques sur lesquels sera bâti le budget 2015 et la loi de programmation des finances publiques pour la période 2015-2017, afin de tenir compte de la dégradation de l’environnement économique.

Le résultat est sans appel : le déficit public, qui avait diminué depuis 2011, va remonter cette année pour atteindre à 4,4 % du PIB, contre 4,1 % l’an dernier (un chiffre révisé de 0,1 point). Quant à l’objectif d’un déficit à 3 %, initialement programmé pour 2015, il est repoussé à 2017. De fait, la croissance est inférieure aux prévisions - elle ne dépassera pas 0,4 % cette année, et 1 % l’an prochain -, tout comme l’inflation (0,5 % en 2014 et 0,9 % en 2015).

Motif de ce grand nettoyage des comptes ? Une « situation exceptionnelle, marquée par une croissance très faible, cumulée avec un ralentissement de l’inflation que personne n'avait anticipé », a d’emblée affirmé Michel Sapin, insistant sur le fait que la majorité des experts - FMI, OCDE, Commission européenne - avaient eux-mêmes tablé sur des chiffres plus optimistes. Cette dégradation affecte à la fois les recettes fiscales et les économies, qui sont moindres.

Mais Bercy a finalement confirmé son objectif de 21 milliards d’euros d’économies pour 2015 : les 2 milliards d’euros manquant seront compensés par des mesures nouvelles, probablement sur les régimes sociaux, qui seront annoncées lors de la présentation des textes budgétaires début octobre. « Nous n’augmenterons pas le montant d’économies réalisées (...). Nous maintenons le montant prévu », a insisté Michel Sapin.

Un coup dur pour l’exécutif

La France, qui affichait jusque-là un objectif de déficit à 3 % du PIB l’an prochain, n’a pas encore formulé de demande de délai à Bruxelles (le budget n’est pas déposé) - elle avait déjà obtenu une carence de 2 ans en 2013. « Nous ne demandons pas la modification des règles européennes », a indiqué Michel Sapin, évoquant les « flexibilités » qu'offrent les traités européens en matière budgétaire. Un message adressé à la Commission qui ne sera saisie officiellement du budget qu’à l’automne. Réponse du berger à la bergère : « La Commission va, comme à son habitude, utiliser toutes les flexibilités prévues dans le pacte de stabilité, (mais) il est essentiel de rappeler que les règles en la matière doivent être pleinement respectées », a déclaré un porte-parole ce mercredi, ajoutant que la France devrait présenter des « mesures crédibles » pour réduire ses dépenses en 2015 et au-delà.

Signe du manque de perspective d’amélioration et de l’agacement qui prévaut dans la majorité, le chef de file des députés PS Bruno le Roux a vertement répliqué : « La majorité aujourd’hui en France demande à Bruxelles des mesures enfin crédibles en matière de relance et d’investissement ».

Bien que prévisible, le dérapage du déficit, par son ampleur, est un coup dur pour l’exécutif. Les responsables socialistes tel le député Olivier Faure ont choisi de positiver en voyant dans ces chiffres la preuve que le gouvernement « ne recoure pas à l’austérité ». Mais ils doivent se battre sur deux fronts. Au sein du PS les fondeurs tels Laurent Baumel ont immédiatement dénoncé les « mauvais résultats d’une politique qui ne marche pas ». Plus diplomate le député PS du Rhône Pierre-Alain Muet a jugé « raisonnable le report » de l’objectif des 3 % tout en continuant de contester « le maintien de l'objectif de réduction des dépenses dont l’effet dépressif est immédiat ».

La droite qui avait laisser les déficits augmenter (jusqu’à 7 % du PIB ) après la crise de 2008 avant d’appliquer des plans de rigueur a ajusté son angle d’attaque en dénonçant l’instabilité de la parole de la France. « Un grand flou » dénoncé par le secrétaire général de l’UMP Luc Chatel. Et l’ex-ministre des Finances Eric Woerth de développer : « On est passé du sérieux budgétaire au n’importe quoi budgétaire ! On ne sait pas où on va car aucune prévision n’est réalisée, aucun engagement n’est tenu. »
 
Source

Les Echos