Yves Bourdillon |
Une quarantaine de pays impliqués en Irak, dont 10 militairement, mais les Etats-Unis seront seuls à frapper en SyrieConsensus aux Etats-Unis en faveur de raids en Irak mais aussi en Syrie.
Six mois après avoir minoré la menace représentée par l’Etat Islamique (EI), deux semaines après avoir laissé échapper qu’il n’avait « pas encore de stratégie » face à sa montée en puissance en Irak et en Syrie, Barack Obama a corrigé le tir mercredi soir. Dans un discours solennel à la nation depuis la Maison Blanche, il a présenté un objectif clair : « affaiblir et finalement détruire l’Etat islamique ».
Même si ce nouveau combat l’embarrasse beaucoup, lui qui voulait sortir pour de bon du bourbier irakien, il s’est dit prêt à ordonner des raids sur la Syrie, en plus de ceux en cours en Irak. La nature du danger que représente l’EI et la décapitation médiatisée de deux journalistes américains, ont changé la donne. Il y a un an Washington avait renoncé in extremis à mener de tels raids en Syrie suite à l’utilisation d’armes chimiques par Bachar el Assad. Selon un sondage Washington Post/ABC publié mardi, 71 % des Américains approuvent les raids en cours en Irak et 65 % les approuveraient en Syrie. Barack Obama s’appuie sur un texte voté en 2001 par le Congrès et n’a donc pas besoin d’un nouveau feu vert des parlementaires.
La Maison Blanche va aussi envoyer en Irak 475 nouveaux conseillers, qui s’ajouteront aux 1.000 déjà sur place, pour épauler le nouveau gouvernement . Barack Obama a demandé au Congrès de voter un crédit de 500 millions de dollars au profit des rebelles syriens pro-occidentaux. Il devrait trouver un accueil favorable chez les Démocrates, où les moins va-t-en guerre ont lu les études d’opinion et veulent faire bloc autour du chef de l’Etat, à deux mois des élections de mi-mandat. Les Républicains qui réclamaient plus de fermeté ne peuvent voter contre ce qu’ils demandaient.
Le discours de Barack Obama marque un tournant dans la mobilisation internationale contre l’EI. Une mobilisation vigoureuse sur le plan diplomatique, avec une quarantaine de pays ralliés à Washington, mais moins sur le plan miliaire puisque seulement une dizaine vont participer, à des degrés divers, à l’effort de guerre. Parmi ces derniers, la France (deuxième pays au monde actuellement en nombre de soldats déployés dans des opérations extérieures), sera le plus impliqué (lire ci-contre), avec le Royaume Uni. Les deux pays fournissent depuis un mois des armes aux Kurdes et envisagent de participer aux raids aériens en Irak. Rome et Berlin vont livrer des mitrailleuses, kalachnikovs et armes anti-chars aux Kurdes. Le Canada va déployer une trentaine d’instructeurs dans le nord du pays, tout comme peut être l’Australie.
Le soutien politique des pays musulmans s’avère crucial pour éviter que l’opération n’apparaisse comme une « croisade » occidentale. Le secrétaire d’Etat, John Kerry espérait obtenir hier soir un soutien clair des monarchies du Golfe (Koweït, Emirats, Oman, Arabie saoudite, Bahrein et Qatar, quoique ce dernier soit soupçonné d’avoir financé l’EI jadis). L’Arabie saoudite est prête à accueillir sur son sol des centres d’entraînement de rebelles syriens « modérés », puisqu’il faut aussi combattre l’EI en Syrie, dont il occupe un tiers du territoire.
Une Syrie où les Etats-Unis seront seuls à agir militairement ; Echaudés par la volte-face de l’an dernier, Paris et Londres ont exclu hier d’y mener des raids, tout comme Berlin. Damas, y voyant là une occasion rêvée d’obtenir un blanc seing de légitimité de la part de Washington, a exigé d’être associé à toute action sur son sol. Moscou de son côté a dénoncé les futurs raids américains en Syrie comme une violation « grossière » du droit international.
notes |
Des avions militaires américains vont des frappes en Irak depuis Erbil Les Etats-Unis vont commencer à baser une partie de leurs avions militaires à Erbil, au Kurdistan irakien, pour mener des frappes « plus offensives » contre l’Etat islamique, ont indiqué des responsables du Pentagone jeudi. Au lendemain du discours de Barack Obama, dans lequel le président américain a annoncé l’ « extension » des frappes contre les jihadistes en Irak, le Pentagone a dit vouloir « apporter un soutien aérien plus offensif aux forces de sécurité irakiennes », selon les termes du contre-amiral John Kirby, porte-parole du ministère américain de la Défense. Dans le cadre de l’intensification de cette campagne aérienne entamée le 8 août, les Etats-Unis vont faire décoller certains de leurs avions d’Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, que Washington défend contre les insurgés islamistes, a ajouté le porte-parole. Un autre responsable du Pentagone, qui s’exprimait lui sous le couvert de l’anonymat, a expliqué à l’AFP qu’il s’agirait d’avions de chasse, dont l’autonomie en l’air est moindre que celle de bombardiers. |
Source |
Les Echos