Jacques Borde
« Très gracieux discours de Donald Trump, le nouveau Président des États-Unis. Un bel hommage à son adversaire, Hillary Clinton, un discours rassembleur, une attitude présidentielle. Une révolution commence! Une main tendue à ses adversaires, à ceux qui n’ont pas voté pour lui et aux autres pays. Une page se tourne ».
Eber Addad,
| Q. Vous restez toujours sceptique quant au rôle des media dit mainstream ?
Jacques Borde. Oui toujours. Il y a clairement un problème de déontologie, en fait. Or, à de rares exceptions, nos media germanopratins, véritables Je Suis Partout1 à la solde de l’Or golfique et des oukases néo-ottomanes, ne sont que les relais d’une propagande de guerre bien huilée. Heureusement, parfois, on a quelques bonnes surprises…
| Q. Des exemples ?
Jacques Borde. À part la victoire écrasante de Donald J. Trump ? Oui, un qui me vient : Ouest-France vient de publier un entretien avec le Vannetais Pierre Le Corf, qui vient en aide aux habitants d’Alep en Syrie grâce à son ONG We are superheroes.
À propos de ce qui se dit en France et ce qu’il vit à Alep, Le Corf déclare qu’« Il y a un abysse. Ici, à l’ouest, c’est particulier, nous vivons comme des fantômes. Nos bombardements, personne n’en parle. Le monde a les yeux tournés vers l’est de la ville, mais ferme les yeux sur l’ouest, où vivent 1.200.000 personnes qui doivent affronter le terrorisme au quotidien (…) .Nous subissons les roquettes, les mortiers, les balles explosives, les bonbonnes de gaz montées en roquette… Tout ça est envoyé par le Front Al-Nosra, des terroristes affiliés à Al-Qaïda que l’on appelle des rebelles modérés en Occident, alors qu’ils essaient de conquérir le territoire pour en faire un État islamique. On est pris en otages ».
Assez clair, je pense, non ?
| Q. Un autre exemple ?
Jacques Borde. Plutôt une remarque d’ordre général, mais dans l’autre sens, désolé ! Nos Je Suis Partout ne cessent de nous énoncer tout ce que nous avons à faire pour nous acclimater au déluge migratoire prétendument dû la Guerre de Syrie.
Balivernes !
La Syrie, si l’on se fie aux chiffres officiels, ne figure même pas parmi les dix premiers pays fournisseurs de demandeurs d’asile. En 2015 (derniers chiffres disponibles) la Syrie se plaçait en 26ème position avec un total de 289 migrants recensés.
| Q. Mais comment font les media pour manipuler l’information ?
Jacques Borde. Il existe toute une foultitude de méthodes pour abuser le gogo. Notez, cependant, qu’avec l’essor de la Toile (Internet), le bourrage de crâne ad usum petrogolfi fonctionne de moins en moins.
Sinon, la technique la plus éprouvée (et la moins risquée) est le non-dit, le passage sous silence. Simple et efficace : on occulte un info sensible en priant que les confrères (généralement transfusés au même or golfique que vous) fassent de même. Et, en fait, la plupart du temps, ça fonctionne…
Prenez aussi les États-Unis, 22 généraux et 200 titulaires de la Médaille du Congrès soutenaient Trump ! Qui en a parlé ?
| Q. Et lorsque ça ne se passe comme prévu ?
Jacques Borde. La plupart du temps, ce sont les réseaux sociaux qui corrigent le tir.
Ainsi, un de nos quotidiens – qui a traité des aléas de l’enquête du FBI sur les courriels d’HiLIARY Clinton et de ses proches – a gardé sous le coude certains éléments.
Ni une, ni deux : sur Facebook le rappel à la réalité a été immédiat, couvrant de ridicule l’auteur de l’article et sa rédaction forcément au courant.
L’intervenante parlant d’« Un article très lisse qui passe sous silence une partie du CV d’Abedin – sa collaboration, alors qu’elle travaillait déjà à la Maison-Blanche comme stagiaire de HRC, à la rédaction du Journal of Muslim Minority Affairs, dont la rédac’chef n’est autre que la mère d’Abedin, lequel ne prêchait pas la ligne Hillary – alors que: »Jusqu’à présent, elle était pressentie pour devenir la chef de cabinet d’Hillary Clinton si celle-ci entre à la Maison-Blanche » ».
En ce jour d’amertume pour la clique clintonienne, profitons de l’occasion pour rappeler au lecteur qui est Huma Mahmood Abedin. Assistante personnelle d’Hillary Clinton durant sa campagne aux Primaires démocrates de 2008, elle devient son Deputy chief of staff (chef de cabinet) lorsque Clinton devient US Secretary of States sous la présidence de Barack Obama. Puis, lors des Primaires de 2016, elle devient sa directrice adjointe de campagne.
Là où les choses prennent quelque saveur c’est lorsque l’on apprend que sa mère, Saleha Mahmood Abedin, professeur de sociologie à la Faculté Dar Al-Hekma de Jeddah (Arabie Séoudite), dirige le Journal of Muslim Minority Affairs (JMMA) qui est la publication du controversé Institute of Muslim Minority Affairs (IMMA), lobby dépeint comme proche du Jamiat al-Ikhwan al-Muslimin2. Le 21 août 2016, le New York Post publie même un article décrivant le JMMA comme « a radical Muslim publication ». Pas besoin de traduire, je pense…
Entre 1996 et 2008, Huma Abedin a donc été la rédactrice en chef adjointe du JMMA. Sa sœur, Heba, lui a succédé, alors que son frère Hassan y jouait le rôle de critique littéraire.
| Q. Et Clinton elle-même est désormais visée dans le cadre de la procédure RICO…
Jacques Borde. Non pas Clinton elle-même mais la Fondation Clinton. Pour Racketeer Influenced & Corrupt Organizations Act, tout à fait. Ce qui est tout sauf anodin, puisqu’il s’agit d’une loi sur les organisations mafieuses et la corruption !
Votée en 1970, cette loi instaurait une batterie de nouvelles mesures de lutte contre le crime organisé, permettant notamment d’inculper plus facilement le commanditaire d’un crime, et simplifiant les procédures pour ce qui correspond en droit français à l’association de malfaiteurs. Elle prévoit notamment pour les particuliers les recours suivants : un dommage équivalant à trois fois le montant de la perte que la victime a subie et le droit d’être remboursé pour toutes dépenses liées à la poursuite ainsi que les frais d’avocats.
La Loi RICO reste avant tout une loi fédérale conçue pour lutter contre le crime organisé. RICO permet la poursuite pour activité de racket présumé exécuté dans le cadre d’une entreprise criminelle en cours.
Les activité considérées comme relevant du racket peuvent inclure la corruption, la contrefaçon, le blanchiment d’argent, le détournement de fonds, le jeu illégal, l’enlèvement, l’assassinat, le trafic de drogue, l’esclavage, et une foule d’autres méfaits.
Dans le cas qui nous concerne, l’Affaire Cliton, James Comey et le FBI auront à présenter à l’Attorney General Loretta Lynch3, qui n’est guère très chaud, une recommandation offrant un argument convaincant que la Fondation Clinton est bien une entreprise criminelle engagée dans le blanchiment d’argent et la sollicitation de pots de vin en échange de faveurs à :
1- des individus ;
2- des entreprises
2- des gouvernements étrangers ou nationaux.
Dans un premier temps, Comey avait indiqué que l’enquête sur le serveur sis au domicile d’Hillary Clinton devait être conclue en octobre 2015. Cependant, comme de plus en plus d’éléments sont apparus, l’affaire a pris des proportions telles qu’elles risquent de compromettre le mandat d’Hillary Clinton. En effet, l’enquête criminelle a élargi son spectre bien au-delà violation des règlements du Département d’État, et inclut désormais des questions sur :
1- l’espionnage ;
2- le parjure ;
3- le trafic d’influence.
Et concernerait la Fondation Clinton.
| Q. De quelle manière ?
Jacques Borde. En fait, des dizaines de millions de dollars versés à la Fondation Clinton ont été drainés par le biais d’une entreprise écran (canadienne). En fait, une coquille vide, qui a rendu le traçage des donateurs presque impossible. Ce qui poserait problème, c’est que moins de 10% des dons versés à la Fondation ont été effectivement libérés en faveur d’organisations caritatives. Leur but initial, tout de même.
| Q. Mais comment en est-on arrivé là ?
Jacques Borde. Oh, c’est assez simple, en fait. Lorsque l’enquête officielle sur le serveur de messagerie d’Hillary Clinton a commencé, celle-ci aurait demandé à un informaticien de supprimer plus de 30.000 e-mails. Ainsi que toutes ses sauvegardes d’e-mails de plus de 30 jours. Mais, pas de chance pour elle, le FBI a pu récupérer la quasi-totalité des courriels supprimés, et a mis en place un premier dossier pour avoir tenté de dissimuler des activités illégales et illicites.
| Q. Et cela peut aller loin ?
Jacques Borde. Cela dépend. Une déclaration de culpabilité en vertu du Racketeer Influenced & Corrupt Organizations Act (RICO) est possible lorsque le ministère de la Justice arrive à prouver que :
1- le défendeur est engagé dans deux ou plusieurs cas de racket ;
2- le défendeur a maintenu un intérêt, participé ou investi dans une entreprise criminelle touchant le commerce interétatique ou étranger.
À ce stade, il existe de nombreux éléments du dossier public qui permettraient la qualification de la Fondation Clinton comme entreprise criminelle. Et, bien évidemment, il ne fait aucun doute que le FBI est au courant de beaucoup plus de choses que ce qui a déjà été mis sur la place publique.
Et, si le FBI s’avérait être en mesure de prouver, hors de tout doute raisonnable, que, grâce à la Fondation Clinton, des entités internationales ont pu se livrer à de la corruption en échange de l’aide obtenue lors de transactions commerciales, comme l’affaire de l’uranium minier au Kazakhstan ou des livraisons d’armes à destination de l’Arabie Séoudite, cela se gâtera vraiment pour Hillary Clinton.
D’autant que sur les rives du Potomac, des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour lui demander des comptes…
| Q. Qui donc ?
Jacques Borde. À la Chambre des Représentants, le Texan Michael Thomas McCaul Sr., qui préside le House Committee on Homeland Security. Or que disait McCaul, dans un entretien accordé à Fox News ?
Qu’« Auparavant, James Comey (directeur du FBI) m’a dit qu’il était très probable que les pays ennemis des États-Unis ont obtenu l’accès à son serveur personnel. C’est pour cela que les protocoles de sécurité existent, afin de protéger l’information secrète. Elle a livré à nos ennemis cette information très sensible et ils en disposent actuellement, ce qui constitue une menace non seulement pour elle (Clinton) et la sécurité nationale (des États-unienne), mais aussi pour les hommes et les femmes (citoyens américains) qui travaillent à l’étranger. Honnêtement parlant, cela relève à mon avis de la haute trahison ».
Assez clair, je trouve.
| Q. Et d’ici là ?
Jacques Borde. Hillary Clinton, battue à plates coutures, est d’ores et déjà dans les ennuis. Elle a en effet :
1- exposé des documents classifiés à des gouvernements étrangers en les plaçant illégalement sur son serveur à son domicile ;
2- envoyé et reçu des documents classifiés ;
3- conspiré avec son personnel pour contourner la Freedom of Information Act (FOIA), en évitant l’utilisation des serveurs officiels du Département d’État.
| Q. Des documents importants ?
Jacques Borde. Oh que oui !
Certains d’entre eux sont si hautement confidentiels que les enquêteurs n’étaient même pas autorisés à les examiner jusqu’à ce qu’ils en obtiennent l’autorisation au plus haut niveau.
Ce qui explique – et non un prétendu complot ourdi par le staff de Trump – que tout cela ne sorte que si près de la fin de la campagne des présidentielles. Et de fait le dernier retournement de veste du FBI, n’y change pas grand-chose.
Pour reprendre l’expression de Rabbit Hole4 de certains de nos confrères étasuniens, la trou est si profond que des dizaines d’enquêteurs y sont à l’œuvre afin de déterminer l’étendue des forfaits qui ont pu être commis.
Ça, bien sûr, l’avenir nous le dira, pour le reste comme vient de le dire Donald J. Trump, dans son premier discours de chef d’État, tout ne fait que commencer.
Avec Clinton, le cavalier blême de l’Apocalypse s’avançait la mort à ses côtés. Avec Trump, qui vient de rappeler qu’il discutera avec tous, c’est la paix qui va chevaucher. Enfin…
Notes
1 Titre phare de la Collaboration sous l’Occupation. 2 Ou Association de la Confrérie des musulmans, autrement dit les Frères musulmans (FM). 3 Procureur général du US Department of Justice (DoJ). 4 Terrier de lapin.