Sasha Mitchell
Le Président de la République a ouvert la
porte mardi à un report des élections locales de 2015 à 2016, provoquant
un tollé dans les rangs de l'opposition.
Invité de Jean-Jacques Bourdin sur RMC et BFM-TV mardi matin, François Hollande a évoqué la possibilité d’un report des élections départementales et régionales de 2015 à 2016 (1). Il «serait intelligent de faire [ces] élections avec le nouveau découpage», a-t-il justifié. «Calcul électoraliste» selon le président de l’UMP Jean-François Copé, «surréaliste» à en croire l’ancien Premier ministre François Fillon, pour qui cette pratique n’existe que dans «les pays totalitaires» (2). Non inscrit dans la Constitution, le principe de renvoi d’une élection à une date ultérieure a pourtant déjà été utilisé ces dernières années, y compris à l’initiative de... la droite.
En 2004, jugeant le calendrier électoral de l’année 2007 trop chargé avec cinq scrutins, le Premier ministre Jean-Pierre Rafarin (UMP) avait décidé de reporter les élections municipales, cantonales et sénatoriales d'un an, à 2008. Le Parti socialiste avait à l'époque parlé de «manipulation» (3).
Deuxième cas, en 2012. Quelques mois après l’élection présidentielle, la majorité actuelle décide de reporter une première fois les élections départementales et régionales à 2015 (4) pour le même motif, 2014 étant une année d’élections municipales, européennes et sénatoriales. Pour la droite, ce chamboulement dans le calendrier électoral visait avant tout à limiter la défaite de la gauche aux sénatoriales, les élus régionaux et départementaux faisant partie des grands électeurs désignant les sénateurs.
La proposition de François Hollande mardi est différente, car elle n’est cette fois-ci justifiée par aucune surcharge du calendrier électoral : les départementales et les régionales sont les seules élections prévues en 2015. «Chaque cas est unique, tempère Mathieu Touzeil-Divina, professeur de droit public a l’université du Maine. Et dans chaque hypothèse de report, le calcul est toujours politique.»
Rien, dans la Constitution, ne fait référence au report d’élection. Seul l’article 34 (5) stipule que «La loi fixe [...] les règles concernant [...] le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales [...] ainsi que les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales». «Le report est relatif à la législation sur les modes de scrutin, éclaire Mathieu Touzeil-Divina. A priori donc, pas besoin de toucher à la Constitution ou à une loi organique. Une loi simple suffit.»
Dans le cas des élections repoussées de 2008, deux lois simples avait été votées le 15 décembre 2005. Ces textes décalaient de fait à 2011 le renouvellement du mandat des conseillers généraux élus en 2004 et des sénateurs rénouvelables en 2010. L’année dernière, en mai 2013, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault était lui aussi passé par la case Parlement pour faire valider le projet de report des départementales et des régionales. «La démarche doit être motivée par l'intérêt général, sous peine d'être rejetée par le Conseil constitutionnel en cas de saisine par l'opposition, précise Bernard Maligner, spécialiste du droit électoral. Dans le cas présent, l'argument de la réforme territoriale devrait certainement suffire». Tout comme l'embouteillage électoral a suffi par le passé.
Le Parlement a-t-il une limite à la prolongation des mandats? Là encore, les textes sont muets. «La jurisprudence européenne veut que les élections se tiennent dans un "délai raisonnable", informe Bernard Maligner. Donc un an de plus, cela semble acceptable.»
Seulement voilà, la mission des élus départementaux a déjà été prolongée d'une année lors du report de 2014 à 2015. Ajourner les départementales une seconde fois reviendrait à leur donner deux ans de «rab». Sur le plan juridique et constitutionnel, cette possible situation de report d'un report pose question.
Invité de Jean-Jacques Bourdin sur RMC et BFM-TV mardi matin, François Hollande a évoqué la possibilité d’un report des élections départementales et régionales de 2015 à 2016 (1). Il «serait intelligent de faire [ces] élections avec le nouveau découpage», a-t-il justifié. «Calcul électoraliste» selon le président de l’UMP Jean-François Copé, «surréaliste» à en croire l’ancien Premier ministre François Fillon, pour qui cette pratique n’existe que dans «les pays totalitaires» (2). Non inscrit dans la Constitution, le principe de renvoi d’une élection à une date ultérieure a pourtant déjà été utilisé ces dernières années, y compris à l’initiative de... la droite.
Des élections ont-elles déjà été reportées en France ?
En 2004, jugeant le calendrier électoral de l’année 2007 trop chargé avec cinq scrutins, le Premier ministre Jean-Pierre Rafarin (UMP) avait décidé de reporter les élections municipales, cantonales et sénatoriales d'un an, à 2008. Le Parti socialiste avait à l'époque parlé de «manipulation» (3).
Deuxième cas, en 2012. Quelques mois après l’élection présidentielle, la majorité actuelle décide de reporter une première fois les élections départementales et régionales à 2015 (4) pour le même motif, 2014 étant une année d’élections municipales, européennes et sénatoriales. Pour la droite, ce chamboulement dans le calendrier électoral visait avant tout à limiter la défaite de la gauche aux sénatoriales, les élus régionaux et départementaux faisant partie des grands électeurs désignant les sénateurs.
La proposition de François Hollande mardi est différente, car elle n’est cette fois-ci justifiée par aucune surcharge du calendrier électoral : les départementales et les régionales sont les seules élections prévues en 2015. «Chaque cas est unique, tempère Mathieu Touzeil-Divina, professeur de droit public a l’université du Maine. Et dans chaque hypothèse de report, le calcul est toujours politique.»
Dans quelles conditions un report peut-il s’effectuer ?
Rien, dans la Constitution, ne fait référence au report d’élection. Seul l’article 34 (5) stipule que «La loi fixe [...] les règles concernant [...] le régime électoral des assemblées parlementaires, des assemblées locales [...] ainsi que les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales». «Le report est relatif à la législation sur les modes de scrutin, éclaire Mathieu Touzeil-Divina. A priori donc, pas besoin de toucher à la Constitution ou à une loi organique. Une loi simple suffit.»
Dans le cas des élections repoussées de 2008, deux lois simples avait été votées le 15 décembre 2005. Ces textes décalaient de fait à 2011 le renouvellement du mandat des conseillers généraux élus en 2004 et des sénateurs rénouvelables en 2010. L’année dernière, en mai 2013, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault était lui aussi passé par la case Parlement pour faire valider le projet de report des départementales et des régionales. «La démarche doit être motivée par l'intérêt général, sous peine d'être rejetée par le Conseil constitutionnel en cas de saisine par l'opposition, précise Bernard Maligner, spécialiste du droit électoral. Dans le cas présent, l'argument de la réforme territoriale devrait certainement suffire». Tout comme l'embouteillage électoral a suffi par le passé.
Quelle limite à l’extension de la durée d’un mandat ?
Le Parlement a-t-il une limite à la prolongation des mandats? Là encore, les textes sont muets. «La jurisprudence européenne veut que les élections se tiennent dans un "délai raisonnable", informe Bernard Maligner. Donc un an de plus, cela semble acceptable.»
Seulement voilà, la mission des élus départementaux a déjà été prolongée d'une année lors du report de 2014 à 2015. Ajourner les départementales une seconde fois reviendrait à leur donner deux ans de «rab». Sur le plan juridique et constitutionnel, cette possible situation de report d'un report pose question.
Notes
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Source
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Libération