Nicolas Jacquard
Le nouveau statut des auditions libres, voté
aujourd'hui à l'Assemblée, renforce les droits des mis en cause. Effet
pervers, cela risque de doubler le nombre de gardes à vue
« Vous êtes en état d'arrestation. Vous avez le droit de garder le silence, et de faire appel à un avocat... » Cette réplique, empruntée aux séries américaines, va retentir de plus en plus souvent dans les commissariats français. A l'origine : une réforme qui va révolutionner la procédure pénale.
Environ 380 000 personnes sont placées chaque année en garde à vue, sur un peu plus de 1,1 million d'individus mis en cause. La différence, soit près de 800 000 personnes, s'explique par la procédure dite d'audition libre. Une sorte de garde à vue « light », de quatre heures maximum. Généralement, il s'agit d'une simple convocation, relative à de petites affaires.
Mais deux directives de l'Union européenne, l'une de 2012, l'autre de 2013, estiment que la France ne va pas assez loin en matière de garantie des droits de tous ceux qui sont auditionnés librement. La première oblige ainsi à mieux les informer de ce qui leur est reproché. Surtout, la seconde contraint la France à leur permettre l'accès à un avocat.
Ces dispositions, et la création officielle d'un statut de suspect libre, viennent d'être votées par le Sénat. Elles le seront aujourd'hui par l'Assemblée nationale, pour une mise en application au 1 er janvier prochain. Et c'est peu dire que ces mesures font déjà polémique, notamment auprès des policiers et des gendarmes. « Cela va alourdir encore un peu plus les procédures, et immanquablement générer une surcharge de travail, s'agace Frédéric Lagache, numéro deux du syndicat de police Alliance. C'est décourageant pour nos collègues. » Cette présence d'un avocat posera des problèmes logistiques. Comment garantir la confidentialité des échanges ? Comment veiller à ce qu'auditionnés libres et gardés à vue ne se croisent pas ? « Au final, les policiers transformeront ces auditions libres en gardes à vue, anticipe justement Frédéric Lagache. Alors que, depuis des années, on nous demande de faire baisser leur nombre, celui-ci va exploser. »
Alliance estime qu'environ la moitié des auditions libres deviendront des gardes à vue, ce qui reviendrait à faire doubler le nombre de celles-ci en un an seulement. Le syndicat déplore que la France se soit « précipitée » pour adopter la directive sur la présence d'un avocat, alors qu'elle avait jusqu'en novembre 2016 pour le faire. « Nous n'avons fait que devancer l'appel, rétorque-t-on au ministère de la Justice. Le droit international est clair : on ne peut pas retenir une personne sur laquelle pèsent des charges sans que celle-ci puisse faire entendre ses droits de manière contradictoire, et ce avant même le passage éventuel devant un tribunal. En cas de non-respect de ces règles, la France risquait de lourdes condamnations. »
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« Vous êtes en état d'arrestation. Vous avez le droit de garder le silence, et de faire appel à un avocat... » Cette réplique, empruntée aux séries américaines, va retentir de plus en plus souvent dans les commissariats français. A l'origine : une réforme qui va révolutionner la procédure pénale.
Environ 380 000 personnes sont placées chaque année en garde à vue, sur un peu plus de 1,1 million d'individus mis en cause. La différence, soit près de 800 000 personnes, s'explique par la procédure dite d'audition libre. Une sorte de garde à vue « light », de quatre heures maximum. Généralement, il s'agit d'une simple convocation, relative à de petites affaires.
Mais deux directives de l'Union européenne, l'une de 2012, l'autre de 2013, estiment que la France ne va pas assez loin en matière de garantie des droits de tous ceux qui sont auditionnés librement. La première oblige ainsi à mieux les informer de ce qui leur est reproché. Surtout, la seconde contraint la France à leur permettre l'accès à un avocat.
Ces dispositions, et la création officielle d'un statut de suspect libre, viennent d'être votées par le Sénat. Elles le seront aujourd'hui par l'Assemblée nationale, pour une mise en application au 1 er janvier prochain. Et c'est peu dire que ces mesures font déjà polémique, notamment auprès des policiers et des gendarmes. « Cela va alourdir encore un peu plus les procédures, et immanquablement générer une surcharge de travail, s'agace Frédéric Lagache, numéro deux du syndicat de police Alliance. C'est décourageant pour nos collègues. » Cette présence d'un avocat posera des problèmes logistiques. Comment garantir la confidentialité des échanges ? Comment veiller à ce qu'auditionnés libres et gardés à vue ne se croisent pas ? « Au final, les policiers transformeront ces auditions libres en gardes à vue, anticipe justement Frédéric Lagache. Alors que, depuis des années, on nous demande de faire baisser leur nombre, celui-ci va exploser. »
Alliance estime qu'environ la moitié des auditions libres deviendront des gardes à vue, ce qui reviendrait à faire doubler le nombre de celles-ci en un an seulement. Le syndicat déplore que la France se soit « précipitée » pour adopter la directive sur la présence d'un avocat, alors qu'elle avait jusqu'en novembre 2016 pour le faire. « Nous n'avons fait que devancer l'appel, rétorque-t-on au ministère de la Justice. Le droit international est clair : on ne peut pas retenir une personne sur laquelle pèsent des charges sans que celle-ci puisse faire entendre ses droits de manière contradictoire, et ce avant même le passage éventuel devant un tribunal. En cas de non-respect de ces règles, la France risquait de lourdes condamnations. »
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http://www.leparisien.fr/faits-divers/la-reforme-qui-va-multiplier-les-gardes-a-vue-05-05-2014-3816421.php |