À force d’installer des « cordons sanitaires
», des « digues » et des « fronts » républicains, la classe dirigeante a
épuisé ses propres défenses immunitaires. La preuve avec le premier
ministre « socialiste » Manuel Valls, qui a voulu « recadrer » le
philosophe Michel Onfray. En vain. « Quand on a besoin de trembler à
l’idée qu’un nouveau Mein Kampf sort en librairie tous les mois, la mort
cérébrale est proche », avons-nous écrit dans le dernier numéro
d’Eléments consacré au grand bouleversement des idées (disponible ici). Nous y sommes.
Nous reproduisons l'entretien d'Alain de Benoist dans le Point de Laureline Dupont
La polémique fait rage entre Onfray et Valls. En jeu, l'intellectuel étiqueté (très) à droite Alain de Benoist. Nous lui avons demandé ce qu'il en pensait.
Le Point : Ce week-end, Manuel Valls a déclaré : "Quand un philosophe connu, apprécié par beaucoup de Français, Michel Onfray, explique qu'Alain de Benoist - qui était le philosophe de la Nouvelle Droite dans les années 70 et 80, qui d'une certaine manière a façonné la matrice idéologique du Front national, avec le Club de l'horloge, le Grece - [...] vaut mieux que Bernard-Henri Lévy, ça veut dire qu'on perd les repères." Manifestement, le Premier ministre préfère BHL à vous. Comment réagissez-vous à ses déclarations ?
Alain de Benoist : Avec une certaine surprise, car c'est un propos inattendu. La question que je me pose est la suivante : pourquoi le Premier ministre, qui est en pleine campagne électorale, croit nécessaire, dans sa campagne électorale, de s'en prendre à Michel Onfray ? C'est un peu surréaliste. J'ai l'impression que Michel Onfray, dont Manuel Valls essaye de faire croire qu'il se "droitise" - ce qui à mon avis est tout à fait faux -, est le symbole d'une gauche restée fidèle à ses engagements de gauche. Onfray est un peu la statue du commandeur, il ne cache pas le mépris qu'il a pour la gauche sociale, libérale, réformiste incarnée par Manuel Valls. Il a été plus proche dans le passé du Front de gauche, donc, en s'en prenant à lui, Manuel Valls essaie de se débarrasser de quelqu'un qui le gêne parce qu'il lui donne mauvaise conscience.
Deuxièmement, Manuel Valls lui reproche de préférer Alain de Benoist à BHL, je note que Michel Onfray n'a jamais dit cela. Il a dit qu'il préférait une idée juste émise par Alain de Benoist plutôt qu'une idée fausse émise par BHL, ce qui ne me paraît pas être une déclaration stupéfiante et révolutionnaire, mais, apparemment, cela pose des problèmes à Manuel Valls. "J'ai l'impression que Manuel Valls a complètement pété les plombs".
Troisièmement, voir Manuel Valls me faire cette publicité un peu involontaire est étonnant, car je ne doute pas qu'il ne connaît pas une ligne de ce que j'ai pu écrire dans ma vie. Il recopie les fiches qu'on lui a transmises. Je n'ai jamais fait partie du Club de l'horloge, il m'attribue la paternité de la matrice idéologique du FN, ce qui a dû bien faire rire les gens du Front. Bref, il parle de ce qu'il ne connaît pas. J'ai l'impression qu'il a complètement pété les plombs. C'est un homme ambitieux et nerveux qui fait des coups de menton un peu mussoliniens, mais cette espèce de mauvaise humeur perpétuelle cache plutôt un certain désarroi, une incertitude de soi. Il fait partie d'une classe dirigeante qui constate que tout est en crise, que tout s'effondre et qui a le sentiment que le sol se dérobe sous elle. Ses déclarations apocalyptiques selon lesquelles Marine Le Pen peut arriver au pouvoir en 2017 - ce que je ne crois pas - sont faites pour terroriser l'opinion, on est dans une espèce de climat de "terrorisation", si je peux employer ce terme.
N'est-ce pas un peu schizophrénique de la part de Valls d'expliquer d'une part que la France va se fracasser contre le FN et d'autre part de stigmatiser ceux qui, à gauche, seraient coupables d'accointances avec une droite qu'il juge trop à droite ? Pointer du doigt Onfray revient à affirmer que la gauche est incapable d'évoluer, de se remettre en question, quelle que soit la menace.
Je vais vous faire une confidence, je me sens beaucoup plus à gauche que Manuel Valls ! Apparemment, le Premier ministre s'adresse à des gens qui croient que le clivage gauche-droite garde une certaine validité, alors qu'il m'apparaît complètement obsolète, je crois qu'il a été remplacé par un clivage entre les partisans et les adversaires de la globalisation, ceux qui en profitent, ceux qui en souffrent.
Dans le dernier numéro d'Éléments, vous appelez Michel Onfray à vous rejoindre...
Pas à nous rejoindre ! Onfray a un souci aigu de son indépendance, je m'en voudrais d'y porter atteinte. Je pense que tous les gens qui se sentent un peu mal dans cette société dominée par les rapports de classes et la logique de l'argent ont tout intérêt à se rencontrer et à bavarder un peu.
Entre lui et vous, lequel des deux a évolué ?
Tout le monde évolue et surtout la situation évolue. Je ne dis pas ce que je disais il y a 25 ans, et c'est la même chose pour Michel Onfray.
À vos yeux, le clivage droite-gauche est obsolète, vous participeriez aujourd'hui à une aventure qui s'appellerait la Nouvelle Droite ?
La Nouvelle Droite n'a jamais été une autodésignation, ce sont les médias qui, en 1979, ont dit : "Ah, extraordinaire, il y a une nouvelle droite", à l'époque je n'étais pas ravi de cette expression, à la fois parce qu'elle avait un caractère très politique, alors que je ne suis pas un acteur de la vie politique, et aussi parce qu'elle nous enfermait dans une dénomination très réductrice. Au cours de ma vie, j'ai adressé des critiques incessantes à beaucoup de gens de droite, donc je n'ai jamais beaucoup aimé cette étiquette. Mais quand une étiquette a été lancée comme ça, on est obligé de l'assumer. Repartir dans une nouvelle aventure, oui, mais je ne le ferais certainement pas sous cette étiquette-là aujourd'hui.
Nous reproduisons l'entretien d'Alain de Benoist dans le Point de Laureline Dupont
La polémique fait rage entre Onfray et Valls. En jeu, l'intellectuel étiqueté (très) à droite Alain de Benoist. Nous lui avons demandé ce qu'il en pensait.
Le Point : Ce week-end, Manuel Valls a déclaré : "Quand un philosophe connu, apprécié par beaucoup de Français, Michel Onfray, explique qu'Alain de Benoist - qui était le philosophe de la Nouvelle Droite dans les années 70 et 80, qui d'une certaine manière a façonné la matrice idéologique du Front national, avec le Club de l'horloge, le Grece - [...] vaut mieux que Bernard-Henri Lévy, ça veut dire qu'on perd les repères." Manifestement, le Premier ministre préfère BHL à vous. Comment réagissez-vous à ses déclarations ?
Alain de Benoist : Avec une certaine surprise, car c'est un propos inattendu. La question que je me pose est la suivante : pourquoi le Premier ministre, qui est en pleine campagne électorale, croit nécessaire, dans sa campagne électorale, de s'en prendre à Michel Onfray ? C'est un peu surréaliste. J'ai l'impression que Michel Onfray, dont Manuel Valls essaye de faire croire qu'il se "droitise" - ce qui à mon avis est tout à fait faux -, est le symbole d'une gauche restée fidèle à ses engagements de gauche. Onfray est un peu la statue du commandeur, il ne cache pas le mépris qu'il a pour la gauche sociale, libérale, réformiste incarnée par Manuel Valls. Il a été plus proche dans le passé du Front de gauche, donc, en s'en prenant à lui, Manuel Valls essaie de se débarrasser de quelqu'un qui le gêne parce qu'il lui donne mauvaise conscience.
Deuxièmement, Manuel Valls lui reproche de préférer Alain de Benoist à BHL, je note que Michel Onfray n'a jamais dit cela. Il a dit qu'il préférait une idée juste émise par Alain de Benoist plutôt qu'une idée fausse émise par BHL, ce qui ne me paraît pas être une déclaration stupéfiante et révolutionnaire, mais, apparemment, cela pose des problèmes à Manuel Valls. "J'ai l'impression que Manuel Valls a complètement pété les plombs".
Troisièmement, voir Manuel Valls me faire cette publicité un peu involontaire est étonnant, car je ne doute pas qu'il ne connaît pas une ligne de ce que j'ai pu écrire dans ma vie. Il recopie les fiches qu'on lui a transmises. Je n'ai jamais fait partie du Club de l'horloge, il m'attribue la paternité de la matrice idéologique du FN, ce qui a dû bien faire rire les gens du Front. Bref, il parle de ce qu'il ne connaît pas. J'ai l'impression qu'il a complètement pété les plombs. C'est un homme ambitieux et nerveux qui fait des coups de menton un peu mussoliniens, mais cette espèce de mauvaise humeur perpétuelle cache plutôt un certain désarroi, une incertitude de soi. Il fait partie d'une classe dirigeante qui constate que tout est en crise, que tout s'effondre et qui a le sentiment que le sol se dérobe sous elle. Ses déclarations apocalyptiques selon lesquelles Marine Le Pen peut arriver au pouvoir en 2017 - ce que je ne crois pas - sont faites pour terroriser l'opinion, on est dans une espèce de climat de "terrorisation", si je peux employer ce terme.
N'est-ce pas un peu schizophrénique de la part de Valls d'expliquer d'une part que la France va se fracasser contre le FN et d'autre part de stigmatiser ceux qui, à gauche, seraient coupables d'accointances avec une droite qu'il juge trop à droite ? Pointer du doigt Onfray revient à affirmer que la gauche est incapable d'évoluer, de se remettre en question, quelle que soit la menace.
Je vais vous faire une confidence, je me sens beaucoup plus à gauche que Manuel Valls ! Apparemment, le Premier ministre s'adresse à des gens qui croient que le clivage gauche-droite garde une certaine validité, alors qu'il m'apparaît complètement obsolète, je crois qu'il a été remplacé par un clivage entre les partisans et les adversaires de la globalisation, ceux qui en profitent, ceux qui en souffrent.
Dans le dernier numéro d'Éléments, vous appelez Michel Onfray à vous rejoindre...
Pas à nous rejoindre ! Onfray a un souci aigu de son indépendance, je m'en voudrais d'y porter atteinte. Je pense que tous les gens qui se sentent un peu mal dans cette société dominée par les rapports de classes et la logique de l'argent ont tout intérêt à se rencontrer et à bavarder un peu.
Entre lui et vous, lequel des deux a évolué ?
Tout le monde évolue et surtout la situation évolue. Je ne dis pas ce que je disais il y a 25 ans, et c'est la même chose pour Michel Onfray.
À vos yeux, le clivage droite-gauche est obsolète, vous participeriez aujourd'hui à une aventure qui s'appellerait la Nouvelle Droite ?
La Nouvelle Droite n'a jamais été une autodésignation, ce sont les médias qui, en 1979, ont dit : "Ah, extraordinaire, il y a une nouvelle droite", à l'époque je n'étais pas ravi de cette expression, à la fois parce qu'elle avait un caractère très politique, alors que je ne suis pas un acteur de la vie politique, et aussi parce qu'elle nous enfermait dans une dénomination très réductrice. Au cours de ma vie, j'ai adressé des critiques incessantes à beaucoup de gens de droite, donc je n'ai jamais beaucoup aimé cette étiquette. Mais quand une étiquette a été lancée comme ça, on est obligé de l'assumer. Repartir dans une nouvelle aventure, oui, mais je ne le ferais certainement pas sous cette étiquette-là aujourd'hui.
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