Pour imposer sa candidature aux hiérarques fatigués de la place du Colonel Fabien, il avait tout prévu sauf que la résistance viendrait d’en bas et non pas d’en haut. Erreur de calcul ou naïveté ? Faux pas ou traquenard ?
Pour imposer sa candidature aux hiérarques fatigués de la place du Colonel Fabien, il avait tout prévu sauf que la résistance viendrait d’en bas et non pas d’en haut. Erreur de calcul ou naïveté ? Faux pas ou traquenard ?
Ainsi donc y-a-t-il encore au PC des insoumis. Des vrais, des purs, des durs qui vont jusqu’à rejeter les choix stratégiques de leurs dirigeants pour la prochaine présidentielle. Ceux-là, derrière Pierre Laurent, semblaient s’être inclinés devant le diktat de Jean-Luc Mélenchon. Pour sauver la face, ils avaient bricolé une ligne du genre « soutien sans participation » qui signait de facto leur ralliement à une campagne explicitement dirigée contre les derniers vestiges de leur organisation.
C’est à cela que les cadres communistes ont dit « non ». Pas de beaucoup, certes. 274 voix contre 218. Reste que ce vote du Conseil national est suffisamment net pour ne pas donner lieu à contestation. Il doit encore être confirmé par les militants, fin novembre. Rien ne permet d’assurer qu’il le sera. Mais, comme on dit, le mal est fait tant sur le plan symbolique que strictement politique.
Jean-Luc Mélenchon voulait rassembler sous sa bannière tous ceux ne courbent pas l’échine et, vlan, voilà qu’un mouvement de révolte se lève contre lui. Des insoumis contre l’Insoumis ! Tout cela est assez farce. Mais, il y a plus grave, encore. Quoi qu’il arrive désormais, Jean-Luc Mélenchon va devoir souquer ferme pour rassembler les 500 parrainages d’élus sans lesquels sa candidature à la présidentielle n’aura été que de papier.
Des conditions similaires à celles que le PC d’autrefois imposaient à ses élus
Au-delà, on peut lire ce petit événement de trois façons différentes qui ne sont pas totalement contradictoires. La première est la plus évidente. Le PC, lorsqu’il était encore une puissance, pratiquait un centralisme qui n’était pas démocratique. Depuis qu’il n’est plus qu’une petite boutique, il fait vivre une démocratie qui n’a plus rien de centralisée. Il y a des jours où le PC ressemble presqu’aux Verts.
Chacun peut y faire ce qui lui plait et, en tous cas, ç’en est fini du temps où la ligne tombait d’en haut, sans discussion possible. Désormais, Pierre Laurent propose, le Conseil national dispose et il est même possible que les militants rectifient sans qu’il soit d’ailleurs certain qu’en fin de course, les élus s’inclinent devant leur choix. Le PC était un parti d’ordre. Il est devenu celui du désordre assumé.
La seconde leçon de cette nouvelle journée des tuiles découle de la première. Les communistes se sont tellement bien adaptés à ce mode de fonctionnement qu’ils rechignent à en changer alors même que c’est là une des causes de leur perte d’influence au sein de la gauche. Comment en effet peser quand on flotte en permanence ?
Jean-Luc Mélenchon a cru qu’en ayant trouvé la martingale du renouveau sur le plan électoral, il saurait obliger ses prétendus camarades à revenir, sous son autorité, à leurs anciennes pratiques. Les conditions qu’il a mises sur la table pour les investitures aux prochaines législatives rappellent celles que le PC d’autrefois imposaient à ses propres élus. Or, on voit bien aujourd’hui que c’est un curieux projet que de vouloir faire revenir sur le chemin de l’orthodoxie un parti dont la dernière raison d’être est précisément d’avoir rompu avec elle. Inévitablement, ça coince.
Pour Pierre Laurent, une forme de désaveu … à son honneur
Enfin, on peut même se demander si le scénario du Conseil national n’est pas une illustration parfaite de ce que le PC d’en haut reste capable de faire quand il se sait en position de faiblesse mais qu’il n’entend pas qu’on lui torde le bras avec des intentions aussi visiblement homicides. Quel était pour lui le piège ? A l’évidence, de passer aux yeux de l’opinion de gauche pour un quarteron d’apparatchiks, arc-bouté sur des logiques d’appareil et incapable de comprendre que le sens de l’Histoire lui commandait de faire le sacrifice de ses minces privilèges.
De ce point de vue, Pierre Laurent n’a pas si mal joué ou, ce qui revient au même, il n’a pas forcément à se plaindre du résultat d’un vote qui ne correspond pas à ce qu’il a proposé publiquement mais qui est l’exact reflet de ce qu’il a toujours souhaité dans son for intérieur. Personne ne pourra l’accuser d’avoir voulu barrer à tous prix la route de Jean-Luc Mélenchon. Qui pourra demain lui reprocher d’avoir voulu écouter les cadres de son parti et de s’incliner, du même coup, devant leurs volontés avant de les soumettre à nouveau au choix des militants ?
Dans un parti où tout est devenu possible, il arrive que l’insoumission l’emporte. Il arrive aussi que les dirigeants battus le soient sur des projets qui n’étaient pas les leurs et qu’ils faisaient pourtant mine de défendre. Il arrive même enfin qu’entre refus assumés et concessions de façades, tous se rejoignent pour crier d’une même voix qu’en politique parfois, le hasard fait décidément bien les choses.
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