Changement de régime chez PSA. Alors que le constructeur usinait traditionnellement la grande majorité de ses moteurs dans l’Hexagone, cela ne sera sans doute bientôt plus le cas. La nouvelle règle ? A chaque usine à l’étranger sa fabrique de moteurs, ou presque. N’en déplaise aux sites français, déjà pénalisés par le déclin du diesel.
Lors d’une visite en Iran, en octobre, Carlos Tavares a confirmé que son groupe entendait produire sur place de quoi faire avancer les voitures qui sortiront d’ici à trois ou quatre ans des sites de Téhéran et Kashan. « Nos moteurs et nos transmissions seront faits ici, c’est notre modèle, si les niveaux de qualité et de coût sont suffisants », a expliqué le président du directoire de PSA. Une annonce qui survient six mois après celle de la création, d’ici à 2019, d’une ligne de production de blocs essence en Slovaquie, à Trnava. Et quelques trimestres après celle d’un atelier moteur au Maroc, à Kénitra, attendu pour 2019 également.
Ces différentes implantations doivent métamorphoser en quelques années l’appareil de production de PSA, qui fabrique aujourd’hui 80 % de ses moteurs et boites de vitesses dans l’Hexagone. Il suffit de compter : 200.000 moteurs en Slovaquie, 90.000 puis 200.000 au Maroc, 360.000 en Iran, sans oublier les 100.000 moteurs déjà produits au Brésil et en Argentine, et les 800.000 faits en Chine. Sachant qu’a priori PSA devrait usiner 2,4 millions de moteurs en France et avoir vendu environ 3 millions de voitures dans le monde en 2016, on comprend vite que le visage français de la production de moteurs chez PSA va prendre un coup – à moins d’une envolée des ventes ou de nouveaux partenariats en Europe.
Logique logistique
Le mouvement peut néanmoins sembler logique. Pour la direction, (qui a le dossier dans ses cartons depuis dix ans), il apparaît évident de produire les mécaniques à proximité des lignes d’assemblage, surtout dans des endroits où les salaires sont faibles et les taxes à l’importation sévères. « Cela fait sens au niveau logistique », souffle-t-on avenue de la Grande-Armée. De toute façon, pour baisser les coûts de fabrication et atteindre les objectifs du plan stratégique « Push to Pass » (85 % d’intégration locale en Amérique latine, 75 % en Eurasie et 70 % en Afrique-Moyen-Orient d’ici à 2021), il faut produire sur zone les moteurs. Même si cela pèse sur les deux grands sites français, Trémery (Moselle) et la Française de Mécanique, à Douvrin (Pas-de-Calais) – environ 7.600 salariés à eux-deux.
« Aujourd’hui, la moitié de la production de Trémery est exportée, relève Serge Maffi, délégué du Syndicat indépendant de l’automobile (SIA) du site. Kénitra et Trnava qui feront leurs propres moteurs, cela interpelle. On peut espérer qu’ils ne viendront pas cannibaliser la production française. Et que la hausse des volumes en Europe compense l’effet de cette délocalisation. » En ce moment, les sites de Trémery et de la Française de Mécanique tournent à plein. Le premier va sortir pas loin de 2 millions de moteurs cette année, le second environ 400.000. Mais en 2019, la direction prévoit un volume de 1,5 million pour Trémery, tandis que celui de Douvrin devrait doubler, pour atteindre 800.000 pièces (avec l’arrivée de véhicules utilitaires).
Conscient de la forte exposition des sites hexagonaux au diesel, PSA avait choisi en 2014 de produire ses 3 cylindres essence en Moselle plutôt qu’à Vigo, en Espagne. Et au printemps dernier, de produire ses chaînes de traction électrique et hybride en France, malgré la concurrence de la Chine. « D’accord, on aura des moteurs électriques. Mais on reste inquiet », glisse Christian Lafaye, chez FO. Pour lui, il faut bien moins d’hommes pour faire un moteur essence (et a fortiori électrique) que pour sortir un bloc diesel.
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