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mercredi 9 novembre 2016

Edward Bernays et les secrets de la propagande américaine



Reparlons un peu des Femen. Si nous en sommes là, c’est un peu grâce à ces crétines. Avec leur comportement abject et provocant, elles ont amené une radicalisation de la situation en Ukraine, une radicalisation de l’intégrisme occidental en matière de tolérance et de sexualité, une radicalisation enfin du traitement médiatique de la cible russe – ou chrétienne, puisque c’est devenu la même chose. La stratégie de gradation a été remarquable depuis six ou sept ans, et il était normal que ce qui n’était au départ qu’une simple « provocation innocente » débouchât sur la crise actuelle.

Pour comprendre le montage Femen, il faut remonter à Edward Bernays, à son livre intitulé Propagande.

Bernays est le technicien du lavage de cerveau et du conditionnement. Dans les années vingt, il crée le le contrôle mental, aidé en cela par les rapides progrès technologiques : radios, journaux, cinéma – car pour lui le cinéma peut tout permettre.
« Dans notre monde contemporain, le cinéma est à son insu la courroie de transmission la plus efficace de la propagande. Il n’a pas son pareil pour propager idées et opinions. Le cinéma a le pouvoir d’uniformiser les pensées et les habitudes de vie de toute la nation. »
Hollywood, imposé comme la nouvelle Église romaine dans toutes les salles de pays mués en colonies culturelles, donne ainsi un énorme avantage aux Américains. Le cinéma est une école de dressage, disait déjà le romancier Francis Ryck.

Ce neveu de Freud, simple journaliste au départ (il n’y a pas de simple journaliste : voyez Clemenceau, Churchill, Lénine ou Goebbels), responsable la propagande du président Wilson, fabrique le « Hun » allemand pour le public américain durant la Première Guerre mondiale, quand les milieux financiers internationaux parient pour les « démocraties » contre les empires centraux qui sont diabolisés du jour au lendemain. Bernays fait après fortune dans le conseil aux entreprises américaines, en leur enseignant à vendre n’importe quoi au public sot et si endetté de l’Amérique. Il publie en 1928 cet étonnant car sincère exposé de ses techniques et de ses idéaux, qui ne manqueront pas d’influencer Goebbels au pouvoir – ou dans l’opposition.

Les formules ici sont même audacieuses. Bernays affirme qu’un quotidien libéral est avant tout un instrument de propagande – sous couvert d’information objective :
« Aujourd’hui, à l’heure où j’écris cette page, la une du New York Times contient huit informations importantes. Quatre d’entre elles, soit la moitié, sont de la propagande. Le lecteur naïf pensera sans doute qu’elles portent sur des faits d’actualité, et pourtant… »
Il se considère comme un général ou un clairon qui doit sonner le rassemblement des troupes. Le capitalisme moderne et massifié est d’essence militaire :
« Ce qu’il faut retenir, c’est d’abord que la propagande est universelle et permanente ; ensuite, qu’au bout du compte elle revient à enrégimenter l’opinion publique, exactement comme une armée enrégimente les corps de ses soldats. »
Puis Bernays lâche le morceau : nous sommes dirigés déjà par une élite invisible de manipulateurs et de tireurs de ficelles.
« La manipulation des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans une société démocratique. Ceux qui manipulent ce mécanisme social imperceptible forment un gouvernement invisible qui dirige véritablement le pays. Ce sont eux qui tirent les ficelles. »
C’est d’ailleurs ce que dit l’affiche du Parrain de Coppola. Don Corleone ne veut pas être manipulé.
Et sur le président américain (Coolidge alors), voilà ce que Bernays écrit :
« On reproche également à la propagande d’avoir fait du président des États-Unis un personnage à ce point considérable qu’il apparaît comme une vivante incarnation du héros, pour ne pas dire de la divinité, à qui l’on rend un culte. »
On sait que le succès le plus retentissant de Bernays aura été d’amener les femmes américaines à fumer – et donc les femmes dans le monde à s’empoisonner.  En 1929,  George Washington Hill, président de l’American Tobacco Co., décide de s’attaquer au tabou qui interdit à une femme de fumer en public. Hill embauche Bernays, qui consulte le psychanalyste Abraham Arden Brill. Brill explique à Bernays que la cigarette est un symbole phallique représentant le pouvoir sexuel du mâle (!) : s’il est possible de lier la cigarette à une forme de « contestation » de ce pouvoir sexuel, alors les femmes fumeront.

S’ensuit une opération bien digne d’une révolution orange.
Lors d’une parade, un groupe de Femen fumeuses cachent des cigarettes sous leurs vêtements et, à un signal donné, elles les sortent et les allument devant des journalistes et des photographes prévenus. Les jeunes femmes expliquent que ce qu’elles allument ainsi, c’est les « torches de la liberté ». Roulez cancers !
Fumer étant devenu socialement acceptable pour les femmes, les ventes de cigarettes à cette nouvelle clientèle explosent. Et les cancers de la gorge ou du sein aussi. Les mêmes techniques terroristes et totalitaires censurent aujourd’hui le tabac. Comme on sait elles sont d’inspiration nazie, Hitler détestant la cigarette et ayant poussé Goebbels à la combattre (« fumer tue », c’est un slogan nazi au départ). Idem pour le végétarisme ou l’écologie.
On reprend les mêmes méthodes avec les Femen. Un groupuscule d’excitées bien sélectionnées dans l’ombre, rétribuées et grassement médiatisées ; une condescendance suspecte des médias occidentaux, toujours prêts à partir en croisade ; enfin une cible, la Russie, Vladimir Poutine, le christianisme. Le tour est joué, et peu de temps après, on part en guerre contre l’antéchrist programmé (Trump, Poutine, les pays arabes, le FN, le populisme, la température, tout ce que vous voudrez !).

Il y a hélas un prix à payer dans un monde dominé par des Bernays, des Goebbels, des CNN, des BHL et autres intellos à slogan : le niveau intellectuel baisse et la société végète.