L’été 40, ce n’est pas seulement le Grand-Amiral Erich Raeder (qui n’a jamais été un aigle, mais seulement l’organisateur d’une Kriegsmarine ultra-conventionnelle, totalement dépassée à l’ère des U-Boote et surtout de l’aviation à long rayon d’action), mais aussi le Reichsmarschall Hermann Goering et le chef des opérations de l’OKW – l’État-Major interarmes – le General der Artillerie Alfred Jodl qui lui proposent un raid sur Gibraltar, ce qui permettrait de fermer la Méditerranée Occidentale à la Royal Navy.
C’est du pur bon sens ! D’autant qu’une Panzerdivision et une division motorisée en plus d’une escadre aérienne eussent suffi (même si la Luftwaffe était alors en grave pénurie de bombes) à prendre le célèbre « rocher ».
Toutefois, Adolf Hitler, génie politique et grand stratège, est aussi un paranoïaque délirant, intoxiqué par ses trois maîtres : Schopenhauer (l’homme de la toute-puissance de la volonté), Darwin (l’évolutionniste) et Nietzsche (le prophète illuminé du Surhomme).
Depuis le milieu des années trente, le Führer du IIIe Reich rêve d’établir les conditions géopolitiques qui permettraient à sa race de fantaisie (la « race germano-scandinave ») de proliférer selon les lois de l’eugénisme – et en excluant les « races inférieures » : juifs, tziganes, latins et tous les extra-européens -, de façon à créer au bout de plusieurs siècles de tâtonnements, voire d’un millénaire, le Surhomme, la Sur-espèce.
C’est la véritable signification du millénarisme nazi. Quelques écrits de Gottfried Benn en portent la marque, comme certains discours de Baldur von Schirach, certaines allocutions d’Himmler au gratin des généraux de la SS-Allgemein, et, bien sûr, les Propos de table ou Libres Propos du Führer.
Adolf Hitler est un mystique délirant, estimant avoir été investi par sa curieuse conception de la divinité pour accomplir cette mission évolutionniste. C’est bien sûr en Europe orientale que doit s’étendre le domaine de la « race germano-scandinave » (ou « Nord-Aryenne »).
L’été de 1940, après la victoire-éclair sur l’Armée française, une victoire à laquelle il a plus que personne contribué, le Führer estime venu le moment d’apurer les comptes avec le « judéo-bolchevisme » (ignorant que ‘’Staline’’ vient d’anéantir en dix années la domination juive sur les cadres de l’URSS et du Komintern).
L’Armée Rouge a perdu en 1920 sa guerre contre la Pologne. Sa prestation en Finlande fut lamentable en 1939 et nul ne connaît, en Occident, les détails des victoires soviétiques de 1938-39 en Mongolie sur l’infanterie japonaise (et l’ambassadeur japonais à Berlin s’est bien gardé d’en parler au Führer). Si les têtes pensantes de la Heer (l’Armée de Terre allemande) tremblaient à l’idée d’affronter la grande Armée française, elles sont enthousiasmées à l’idée de flanquer une nouvelle raclée à une Armée russe, comme celle des années 1914-18… les déclarations des années 1945 et suivantes ne valent rien ; c’est aux Carnets, non retouchés après la débâcle, des généraux et des maréchaux qu’il faut se reporter !
Hitler, l’été de 1940, sait que l’Armée de Terre britannique est quasi-nulle. Il sait qu’il a donné l’ordre d’éviter de bombarder les cités ouvrières britanniques et n’imagine même pas que la bête de guerre Churchill va donner l’ordre contraire… ces bombardements terroristes, à l’initiative des Britanniques, débutent en juillet 1940 pour la RAF avec réponse de la Luftwaffe à partir du 7 septembre, alors qu’il déjà a pris la décision d’attaquer l’URSS (dans le courant de juillet 1940).
Pour le Führer, Barbarossa est le grand moment de sa vie et la première étape, essentielle, de l’évolution de l’espèce humaine, qu’il estime entrer dans sa conception de la « Divine Providence » (on rappelle, pour ceux qui l’ont oublié, que tous ses discours font référence à la « divine providence »… qui n’a rien à voir avec celle des chrétiens, naturellement).
Si l’on raisonne sainement et logiquement, le Reich doit prendre Gibraltar et Malte l’été 40 et accroître ses forces avant d’entreprendre la guerre à l’Est avec 10 000 chars et autant d’avions de combat, soit deux années de production… et, immanquablement, le Reich perd !
En effet, dans ce superbe raisonnement, on oublie le Plan Orage des sieurs ‘’Staline’’ et Chapochnikov : en juillet 1941, l’Armée Rouge devait attaquer la Wehrmacht, la ridicule Armée hongroise et l’Armée roumaine, avec 20 000 chars et autant d’avions de combat, 50 000 canons et mortiers. Une telle armée offensive, déboulant sur les bonnes routes construites en Pologne par les Allemands depuis l’automne 39, ne se serait arrêtée qu’aux rives de l’Océan atlantique.
Grâce au délire évolutionniste d’Adolf Hitler, l’Europe Occidentale a échappé à la barbarie marxiste. Soyons lui reconnaissant !