Pendant la campagne, Donald Trump a eu droit à son lot de moqueries. Sur son allure, sur des gestes et ses paroles déplacées. Depuis son élection, les quolibets ont cessé. Pour une raison, bien simple : Donald Trump fait peur. Son discours très agressif contre les minorités, les pays étrangers, effraie. Il est à ce point anxiogène qu’un certain nombre de commentateurs prédisent la fin du monde si les saillies électoralistes du 45e président des Etats-Unis devaient se traduire en mesures concrètes.
Des moqueries, Ronald Reagan, le 40e président des Etats-Unis, en a également subi un certain nombre avant son accession au pouvoir. Un » cow boy de pacotille « , « un clown« , « un acteur de série B« . Ainsi était dépeint le candidat républicain élu en 1980 et réélu en 1984 comme le rappelle l’historienne Françoise Coste* dans une biographie consacrée à Ronald Reagan.
N’en déplaisent à ceux qui veulent comparer les deux présidents américains, la comparaison s’arrête là. Ou presque. Même si leurs slogans de campagne sont similaires. Considérer que « Make america great again » de Donald Trump s’inspire du « America is back » de Ronald Reagan est une erreur.
Peu de points communs entre les programmes
En effet, leurs programmes respectifs ont très peu de points communs. Le principal ? Une baisse massive de la pression fiscale pesant sur les ménages, en particulier les hauts revenus, et les entreprises. Dans une moindre mesure, Donald Trump s’est inspiré de son prédécesseur à la Maison Blanche en souhaitant déréguler le secteur bancaire avec la suppression de la loi Dodd-Frank votée en 2010. Une loi censée éviter qu’une crise comparable à celle des subprimes éclatée en 2008 ne se produise à nouveau. Ronald Reagan avait une vision bien plus large de la déréglementation de l’économie, déréglementation appliquée ensuite dans le secteur financier, des transports, des communications entre autres.
Concrètement, pour sortir l’économie américaine de la crise, le nouveau président des Etats-Unis compte surtout sur la mise en place de mesures défensives qui, compte tenu du niveau actuel de la mondialisation des échanges, paraissent inadaptées. Construire un mur pour limiter l’immigration mexicaine, dénoncer les accords de libre-échange, relever les quotas et les tarifs douaniers pour limiter les importations de produits fabriqués en Chine semblent difficilement compatibles avec un retour de la croissance. A moins que les Etats-Unis fassent notamment la preuve que l’isolationnisme encourage l’innovation et la création de richesses.
Les Reaganomics, symbole de la doctrine Reagan
Au regard du contenu du programme économique et des interventions sur ce point, il apparaît que Donald Trump est avant tout un pragmatique. Pas un idéologue. Il entend conduire les Etats-Unis sur le chemin de la reprise comme s’il dirigeait une entreprise. Avec qui ? Il a mené sa campagne seul, ou presque, sans corpus idéologique, sans think tank ou experts à ses côtés. Imaginer la composition de son gouvernement est aujourd’hui un casse-tête.
Ce n’était pas le cas de Ronald Reagan. Confronté à une période de stagflation – c’est-à-dire une croissance nulle conjuguée à une forte inflation, en partie liée au double choc pétrolier – le candidat Républicain s’est entouré avant la campagne de 1980 d’un groupe d’intellectuels alors peu connus mais qui, à ses côtés, connaîtront leurs heures de gloire en mettant au point ce que la science économique dénommera ensuite les « Reaganomics ».
Citons notamment Robert Mundell de l’université de Columbia, qui obtint le prix Nobel d’Economie en 1999, et Arthur Laffer de l’université de Chicago. Leur credo dont s’est inspiré le président Reagan et son équipe gouvernementale ? L’effet économico-psychologique étant décisif quand les impôts sont trop hauts, ils finissent par asphyxier l’économie. Simultanément, Ronald Reagan a décidé de réduire drastiquement la dépense publique, à l’exception de la défense, faisant le pari que la reprise de la croissance permise par un choc fiscal gonflerait les recettes de l’Etat au point de réduire le déficit public jusqu’à l’équilibre espéré en 1984, mais qui ne fut jamais atteint au cours de ces deux mandats.
Baisser la pression fiscale, leur point commun
Donald Trump est bien loin d’avoir une idée aussi aboutie. S’il entend réduire la pression fiscale, il souhaite également relancer l’investissement public, ce qui risque d’aggraver le déséquilibre des finances publiques américaines. Ainsi, quand Hillary Clinton plaidait pour un plan de reconstruction et une remise en état des infrastructures dont le coût était estimé à 275 milliards de dollars sur cinq ans, Donald Trump a surenchéri, proposant de doubler la mise, tout en omettant d’entrer dans les détails de ce plan ambitieux. Ceci étant dit, la volonté du nouveau président américain de mettre en place une politique de l’offre, via des baisses d’impôts, et de la demande, via la relance de l’investissement public est une stratégie que beaucoup d’Européens aimeraient voir l’Union européenne adopter…
Comparer les parcours politiques des deux présidents est également un non-sens. Certes, ils sont chacun issus de la société civile : le premier était un acteur lorsqu’il a débuté en politique ; le second était et reste un homme d’affaires dont le parcours est jalonné de succès et de faillites. Mais là encore, les comparaisons s’arrêtent là.
Un militant dès les années 40
Issu d’une famille profondément démocrate, l’ancien acteur d’Hollywood est ensuite devenu républicain après avoir été un farouche militant anti-communiste et un soutien du McCarthysme. Gouverneur de Californie de 1967 à 1975, il a été candidat aux primaires du parti républicain en 1968 et en 1976 mais ne parvint pas à se faire élire par ses délégués, ces derniers ayant porté leurs choix sur Richard Nixon et Gérald Ford. En 1979, lors de l’investiture, sa candidature est une évidence. Aucun de ses concurrents, parmi lesquels Gerges Bush, qui lui succédera à la Maison Blanche en 1989, et John Connally, l’ancien gouverneur du Texas qui était aux côtés de John Fitzgerald Kennedy lors de son assassinat à Dallas le 22 novembre 1963, n’étaient en mesure de lui faire de l’ombre.
A la différence de Donald Trump, même s’il avait jusqu’ici peiné à convaincre les électeurs de sa crédibilité au niveau national, Ronald Reagan n’était donc pas un petit nouveau en politique.
Trump, un flibustier chez les Républicains
Non sans mal, ce qui lui vaut de solides inimitiés au sein du Grand old party, il a obtenu le soutien du parti Républicain à l’élection présidentielle. Comment ? Distancé sur le terrain des arguments, il a préféré détruire méthodiquement ses adversaires, en multipliant les attaques personnelles. Une stratégie qui s’apparente à une OPA sauvage et brutale en quelque sorte. Il reste maintenant à savoir si la majorité Républicaine au Congrès aura oublié cet épisode et le laissera gouverner à sa guise.
* « Reagan », de Françoise Coste, Perrin, septembre 2015, 25,90 euros.
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