Si le gouvernement voulait éviter de faire des vagues, il a échoué. La polémique enfle après la publication, le 28 octobre dernier, à la veille du week-end prolongé de la Toussaint, d’ un décret autorisant la création du fichier TES (« titres électroniques sécurisés »).
Cette base de données, qui vise à simplifier les demandes de cartes nationales d’identité et de passeports et à lutter contre la fraude documentaire, recensera en effet de nombreuses données personnelles (état civil, filiation, sexe, couleur des yeux, taille, domicile…) et notamment les images numérisées des visages et des empreintes digitales.
Porte ouverte à des dérives
« Nous partageons la finalité, mais créer un fichier unique centralisé pose problème », estime Mounir Mahjoubi, le président du Conseil national du numérique (CNNum). Ses critiques portent à la fois sur le fond – la création d’un « fichier monstre » regroupant les données biométriques de la quasi-totalité de la population française, qui pourrait être piraté ou détourné de son usage – et sur la forme – l’absence de débat parlementaire. « A fichier exceptionnel, il faut une consultation exceptionnelle », plaide Mounir Mahjoubi.
Lundi, l’ organisme consultatif s’est autosaisi pour examiner des solutions alternatives et a appelé le gouvernement à suspendre l’application du décret, tant « l’existence de ce fichier laisse la porte ouverte à des dérives aussi probables qu’inacceptables ».
Le même jour, c’est la secrétaire d’Etat au Numérique, Axelle Lemaire, qui a rejoint le choeur des critiques, fustigeant dans L’Opinion un décret « pris en douce par le ministère de l’Intérieur », dont elle n’a eu connaissance que le jour de sa publication. « C’est un dysfonctionnement majeur », s’est insurgée la ministre, pour qui « ce genre de fichier était une bonne solution il y a dix ans. »
Lundi soir, Bernard Cazeneuve s’est fendu d’un courrier de quatre pages pour défendre méthode et principe.
Selon le ministre de l’Intérieur, les garde-fous sont en place. Le système ne doit pas permettre d’identifier une personne à partir de sa photographie ou de ses empreintes, mais seulement de vérifier l’identité du détenteur d’un titre. Et le Conseil d’Etat, comme la Cnil, ont donné leur aval.
Sauf que le premier indiquait, dans son avis de février dernier, que, « compte tenu de l’ampleur du fichier envisagé et de la sensibilité des données qu’il contiendrait, il n’est pas interdit au Gouvernement, s’il le croit opportun, d’emprunter la voie législative. » Quant à la seconde, son avis, publié fin octobre , est plus que réservé et appelait clairement le gouvernement à étudier une solution alternative. Le ministre est passé outre. Un premier arrêté a été publié, pour une application dans les Yvelines dès ce mardi.
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