Eric Albert
En signant les accords de paix en 1998, le
Sinn Fein, le parti irlandais républicain, n'a pas renoncé à son rêve :
unir la République d'Irlande et l'Irlande du Nord. Mais l'objectif est
désormais d'y parvenir politiquement. Dans une première étape, l'idée
est d'accéder au pouvoir des deux côtés de la frontière.
Jamais le Sinn Fein n'a été aussi proche d'y arriver. Au Nord, Martin McGuinness, ancien membre de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), groupe paramilitaire, est vice-premier ministre depuis 2007. Au Sud, le parti connaît un fort regain de popularité. Crédité d'environ 20 % de soutien, il pourrait terminer deuxième aux élections européennes du 23 mai, derrière le Fine Gael (« famille des Irlandais », chrétien-démocrate), actuellement au pouvoir.
Le véritable objectif est cependant celui des élections générales d'avril 2016. Le Sinn Fein espère devenir alors le partenaire minoritaire d'un gouvernement de coalition. M. Adams, président du Sinn Fein et député de la République irlandaise depuis 2011, se retrouverait alors au pouvoir. Lui siégerait à Dublin tandis que son compère M. McGuinness contrôlerait le pouvoir à Belfast. « Un tel scénario serait extraordinaire. Gerry Adams veut s'assurer une place dans l'histoire en le mettant en place », estime Ed Moloney, un journaliste irlandais qui dirige pour le Boston College un projet qui recueille les témoignages d'anciens membres de l'IRA.
Ce rêve va-t-il dérailler ? La détention de Gerry Adams, depuis mercredi soir, dans le cadre de l'enquête sur le meurtre de Jean McConville en 1972 (1), pourrait bousculer ces ambitions. Si la police britannique inculpe Gerry Adams pour avoir commandité le meurtre cette mère de famille de dix enfants, enlevée et tuée par l'IRA après avoir été soupçonnée d'être une informatrice à la solde des Britanniques, l'image du leader nationaliste risque d'être fortement bousculée. C'est justement pour désamorcer la crise, que le chef du Sinn Fein s'est livré à la police nord-irlandaise. En cas d'inculpation, il pourra déclarer qu'il s'est rendu volontairement à la police, qu'il s'est expliqué et s'est blanchi.
Mais cette arrestation, à trois semaines du scrutin européen, jette le trouble. « Certains éléments du PSNI , qui sont une minorité, cherchent clairement à obtenir un résultat différent aux élections qui viennent », accuse M. McGuinness.
L'affaire aura des répercussions différentes des deux côtés de la frontière. Au Nord, sans remettre en cause le processus de paix, elle pourrait raviver les groupuscules paramilitaires républicains dissidents. S'ils sont ultraminoritaires, ils font sentir leur présence. Ils ont commis plusieurs meurtres spectaculaires : deux militaires en 2009, un policier en 2011, un gardien de prison en 2012. Juste avant la Noël 2013, deux bombes ont explosé sans faire de blessé. Une première depuis 1998.
« Si Gerry Adams est inculpé, lui qui est l'architecte d'énormes compromis pour la paix, la leçon pour les jeunes républicains sera claire : il ne faut jamais faire confiance aux Britanniques. Cette logique peut mettre en danger le processus de paix », estime M. Moloney. Paul Bew, ancien conseiller de David Trimble, premier ministre unioniste de 1998 à 2002, confirme : « Le processus de paix est évidemment une bonne chose, et il marche, mais il est plein de défauts, parce qu'il est imposé du haut vers le bas [à des troupes réticentes]. »
Au sud, en République d'Irlande, l'arrestation de M. Adams risque de ternir son image. Le Sinn Fein y est populaire non pour son positionnement républicain, mais parce qu'il incarne la protestation. Il s'est opposé aux plans d'austérité imposés depuis 2008. Alors que la reprise ne se fait vraiment sentir qu'à Dublin, l'agacement monte. En revanche, les attentats n'ont pas laissé de bons souvenirs et les Irlandais rejettent le passé sulfureux du Sin Fein. Face à la police d'Irlande du Nord, M. Adams joue un tournant de sa carrière.
Jamais le Sinn Fein n'a été aussi proche d'y arriver. Au Nord, Martin McGuinness, ancien membre de l'Armée républicaine irlandaise (IRA), groupe paramilitaire, est vice-premier ministre depuis 2007. Au Sud, le parti connaît un fort regain de popularité. Crédité d'environ 20 % de soutien, il pourrait terminer deuxième aux élections européennes du 23 mai, derrière le Fine Gael (« famille des Irlandais », chrétien-démocrate), actuellement au pouvoir.
Le véritable objectif est cependant celui des élections générales d'avril 2016. Le Sinn Fein espère devenir alors le partenaire minoritaire d'un gouvernement de coalition. M. Adams, président du Sinn Fein et député de la République irlandaise depuis 2011, se retrouverait alors au pouvoir. Lui siégerait à Dublin tandis que son compère M. McGuinness contrôlerait le pouvoir à Belfast. « Un tel scénario serait extraordinaire. Gerry Adams veut s'assurer une place dans l'histoire en le mettant en place », estime Ed Moloney, un journaliste irlandais qui dirige pour le Boston College un projet qui recueille les témoignages d'anciens membres de l'IRA.
Ce rêve va-t-il dérailler ? La détention de Gerry Adams, depuis mercredi soir, dans le cadre de l'enquête sur le meurtre de Jean McConville en 1972 (1), pourrait bousculer ces ambitions. Si la police britannique inculpe Gerry Adams pour avoir commandité le meurtre cette mère de famille de dix enfants, enlevée et tuée par l'IRA après avoir été soupçonnée d'être une informatrice à la solde des Britanniques, l'image du leader nationaliste risque d'être fortement bousculée. C'est justement pour désamorcer la crise, que le chef du Sinn Fein s'est livré à la police nord-irlandaise. En cas d'inculpation, il pourra déclarer qu'il s'est rendu volontairement à la police, qu'il s'est expliqué et s'est blanchi.
Raviver les groupuscules
Mais cette arrestation, à trois semaines du scrutin européen, jette le trouble. « Certains éléments du PSNI , qui sont une minorité, cherchent clairement à obtenir un résultat différent aux élections qui viennent », accuse M. McGuinness.
L'affaire aura des répercussions différentes des deux côtés de la frontière. Au Nord, sans remettre en cause le processus de paix, elle pourrait raviver les groupuscules paramilitaires républicains dissidents. S'ils sont ultraminoritaires, ils font sentir leur présence. Ils ont commis plusieurs meurtres spectaculaires : deux militaires en 2009, un policier en 2011, un gardien de prison en 2012. Juste avant la Noël 2013, deux bombes ont explosé sans faire de blessé. Une première depuis 1998.
« Si Gerry Adams est inculpé, lui qui est l'architecte d'énormes compromis pour la paix, la leçon pour les jeunes républicains sera claire : il ne faut jamais faire confiance aux Britanniques. Cette logique peut mettre en danger le processus de paix », estime M. Moloney. Paul Bew, ancien conseiller de David Trimble, premier ministre unioniste de 1998 à 2002, confirme : « Le processus de paix est évidemment une bonne chose, et il marche, mais il est plein de défauts, parce qu'il est imposé du haut vers le bas [à des troupes réticentes]. »
Au sud, en République d'Irlande, l'arrestation de M. Adams risque de ternir son image. Le Sinn Fein y est populaire non pour son positionnement républicain, mais parce qu'il incarne la protestation. Il s'est opposé aux plans d'austérité imposés depuis 2008. Alors que la reprise ne se fait vraiment sentir qu'à Dublin, l'agacement monte. En revanche, les attentats n'ont pas laissé de bons souvenirs et les Irlandais rejettent le passé sulfureux du Sin Fein. Face à la police d'Irlande du Nord, M. Adams joue un tournant de sa carrière.
notes
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(1) http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/05/02/deuxieme-nuit-en-garde-a-vue-pour-gerry-adams_4410460_3214.html |
Source
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Le Monde :: http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/05/02/le-reve-du-sinn-fein-d-une-double-victoire-politique-est-menace_4410637_3214.html