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mercredi 2 septembre 2015

Comment "l'esprit Charlie" a été intégré aux manuels scolaires



 Camille Adaoust
 
Les attentats de janvier 2015 figurent déjà dans les programmes d'enseignement moral et civil qui seront abordés par les élèves du CP à la terminale à partir de cette rentrée.

De bien douloureux souvenirs font leur entrée dans les manuels scolaires. Crayons brisés, dessins de Marianne ou photos de la marche républicaine du 11 janvier 2015. Le nouveau programme 2015 d'enseignement moral et civique abordera, dès la rentrée scolaire, mardi 1er septembre, les attentats qui ont touché Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes. "On va y consacrer plusieurs heures, y revenir de manière régulière pendant les cours sans pour autant oublier de parler de choses positives, qui, elles aussi, mettent en avant le vivre-ensemble", souligne Christophe Chartreux, professeur de français et d'histoire-géographie à Longueville-sur-Scie (Seine-Maritime).

Dans les classes, le discours évoluera donc au fil des âges. Si, en CP, on ne parle que de liberté d'expression sans forcément mentionner Charlie Hebdo, les occurrences se font de plus en plus nombreuses à partir de la 5e jusqu'à faire la couverture du manuel de 2de générale. Quels mots utiliser ? Comment décrire la violence ? Francetv info a feuilleté les derniers manuels pour comprendre comment vos enfants vont apprendre à "être Charlie".

En retraçant les faits de janvier

Première étape, un rappel des faits. Les enseignants avaient rencontré des difficultés à l'évocation des attentats en janvier dernier. Une centaine d'incidents avaient notamment été constatés. Certains élèves n'avaient par exemple pas respecté la minute de silence. "C'était compliqué. On était sous le choc et ce n'est jamais évident d'évoquer des choses calmement quand on est soi-même ébranlé", se souvient Didier Karkel, professeur dans un lycée de Seine-Saint-Denis. Pour cette année, les nouveaux manuels tentent de mieux cadrer les discours. Pourtant, Didier Karkel va tout de même adapter son enseignement. "Dans le discours à adopter, je sais ce que j'ai à dire et quel vocabulaire utiliser, explique-t-il. Et encore plus par rapport au public que j'ai en face de moi. En fonction des établissements, on est obligé de jongler avec les mots."

Les élèves trouveront un récit factuel des attentats. "C'est rassurant pour certains établissements, cela va être un point d'appui car, pour certains enseignants, il est difficile d'en parler et d'atténuer les conflits dans leurs classes", assure Christophe Chartreux. L'ouvrage d'enseignement moral et civique de cycle 4 publié par les éditions Hachette choisit par exemple d'intégrer deux témoignages de la prise d'otages à l'Hyper Cacher : ceux de Patrick, "directeur depuis quatre jours lorsqu'Amedy Coulibaly prend le magasin en otage", et d'un policier qui a participé à l'assaut.

En défendant, bec et ongles, la liberté d'expression


"Vous souhaitez vous exprimer au sujet de la liberté de presse et d'expression à laquelle l'attentat contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, a porté atteinte. Pour cela, vous analyserez les dessins, puis vous réaliserez vos propres dessins en faveur de la liberté d'expression", conseille le manuel Citoyens aujourd'hui ! destiné aux élèves de 4e. Nombreux sont en effet les ouvrages qui demandent à l'élève de défendre à son tour la liberté d'expression. "Cela faisait partie du programme d'éducation civique d'avant. On parlait de liberté d'expression chaque année, mais cela a quand même été accentué dans les nouveaux programmes et c'est une très bonne chose", affirme Christophe Chartreux.

En organisant des débats en classe

"Grâce aux débats, ils se mettent eux-mêmes en action. Cela leur permet de vraiment prendre conscience", observe Didier Karkel. Après les débats organisés par les établissements en janvier dernier, l'Education nationale souhaite prolonger la démarche. Dans le programme officiel d'enseignement moral et civique, le ministère préconise "l'organisation de débats démocratiques". Alors, pour parler de Charlie, pas question de changer la méthode. "Après avoir analysé les dessins et désigné son porte-parole, chaque groupe s'exprime sur la liberté d'expression", dicte Citoyens aujourd'hui ! aux élèves.

En dénonçant le terrorisme et la violence

Chez les plus grands, les manuels traitent aussi de terrorisme, de fanatisme et de violence. "C'est une nécessité absolue, une bonne chose à condition que ce soit travaillé sous forme de réflexion, de débat", pour Christophe Chartreux. Face à un tel sujet, les quatrièmes sont par exemple invités à montrer "comment les rassemblements qui ont suivi les attentats ont dénoncé cette violence vaine", et à s'engager "contre la violence et le fanatisme" en classe.

Ces livres détaillent également les mesures de sécurité prises à la suite des événements. Missions des services de renseignements, patrouilles du plan Vigipirate, opération Sentinelle, récente loi sur le renseignement, tous ces sujets sont portés à l'attention des professeurs et de leurs classes. L'occasion pour débattre : "Avec votre professeur, vous organiserez un débat dans votre classe sur la relation entre sécurité et libertés", propose l'ouvrage Vivre ensemble, comment ?