Christian Vanneste
« Vous n’avez pas le droit de penser
autrement. » Dans une société totalitaire, c’est ce principe qui
commande toute « information » depuis la maternelle jusqu’au
journal du soir. Nous vivons un grand moment de totalitarisme mou.
Comment ? 56 % des Français seraient hostiles à l’accueil des
migrants ! Insupportable ! La machine à décérébrer s’est donc
mise en marche ! Vous devez penser qu’il faut accueillir les
réfugiés ! Vous devez admirer la merveilleuse Angela Merkel et les
Allemands. Vous devez condamner le méchant Victor Orban. Vous devez
applaudir à la décision du Président Hollande de s’aligner sur
l’Allemagne pour répartir les arrivants entre les pays européens.
Il y a des dates dans l’Histoire où
le discours d’un homme politique a fait basculer une opinion par la
force et la qualité de ses arguments. C’était l’époque où la
politique dans les démocraties visait encore le néo-cortex,
s’adressait à la raison des citoyens, cherchait à les convaincre.
Que de temps perdu ! L’émotion emporte la conviction des foules
avec force et plus rapidement. Une photo-choc reprise par tous les
médias, à laquelle se réfèrent tous les politiques avec une voix
chargée de compassion, voilà qui va renverser le courant en un
éclair. Un enfant de trois ans sans vie sur une plage… Comment
rester insensible ? Il faut ne pas avoir de cœur pour empêcher ces
gens qui fuient la guerre et les persécutions de trouver refuge en
Europe.
Malheureusement, il y a toujours de
mauvais esprits qui raisonnent. La famille de l’enfant est de
nationalité syrienne et kurde d’appartenance. Elle a quitté Damas
à cause de la guerre, s’est réfugiée à Kobané, la ville
assiégée par l’État islamique et a fui par la Turquie pour
rejoindre sans visa le Canada. La responsabilité de la Turquie est
claire : elle soutient l’État islamique, n’a rien fait pour
aider les Kurdes de Kobané, bombarde ceux qui, la fuyant, se sont
réfugiés en Irak, laisse passer les djihadistes européens en
Syrie, aller et retour, et n’entrave pas l’activité des passeurs
entre Syrie et Grèce. De plus, elle pourrait accueillir les Kurdes
puisque une partie importante de sa population est constituée de
Kurdes. Mais critiquer ce membre de l’Otan serait inconvenant.
D’ailleurs les 120.000 Arméniens chrétiens arrivés en France
après la 1ére guerre mondiale venaient déjà de Turquie… où ils
avaient été persécutés, pour beaucoup massacrés, par les Turcs
et par les Kurdes aussi, les uns et les autres étant musulmans.
La Turquie veut la peau de Bachar
Al-Assad et entretient la guerre en Syrie contre le régime, avec le
soutien des États du Golfe, celui des USA, et le nôtre. L’État
islamique fait régner une épouvantable terreur sur une grande
partie du pays qu’il contrôle. Nous faisons semblant de lui faire
la guerre et il continue d’avancer. Cette inaction hypocrite rend
coupables nos dirigeants, non de ne pas accueillir les réfugiés,
mais de préserver ceux qui les font fuir au lieu de les écraser. La
sinistre réputation des islamistes fait confondre la fuite d’une
minorité pourchassée avec la recherche de l’eldorado où un
membre de la famille, ou du village, va vous aider à vous fondre
dans la foule. Tous les migrants ne sont pas des réfugiés.
La différence de traitement entre les
images des atrocités commises par l’État islamique et la photo du
jeune enfant sur la plage turque saute aux yeux. Il ne faut pas faire
de publicité aux djihadistes, dit-on. Mais un homme décapité,
brûlé vif, une femme lapidée, réduite en esclavage et vendue au
marché, cela peut aussi créer de l’émotion, une émotion,
guerrière celle-là, qui déclencherait dans l’opinion le désir
d’un juste châtiment dont nous avons largement les moyens.