Pierre Le Vigan
De quoi s’agit-il avec ce livre au titre
iconoclaste ? Disons tout d’abord qu’il s’agit d’un livre d’histoire.
Ajoutons qu‘il s’agit d’un livre sérieux. Il s’agit de l’histoire vue du
côté des excuses données par nombre d’historiens ou de mémorialistes
français à la défaite française de Waterloo.
La bataille de Waterloo aurait été perdue à cause de la pluie, comme si elle ne gênait que les Français, à cause du terrain, choisi un an auparavant par Wellington, comme si Napoléon n’avait pas décidé de mener une bataille offensive ce jour et sur ce terrain, à cause de Soult, mauvais major général, comme si ce n’était pas Napoléon qui l’avait nommé à ce contre-emploi, à cause de Jérôme s’acharnant sur la ferme de Hougoumont, comme si ce chef de guerre sans expérience s’était mis tout seul à la tête d’une partie de l’aile gauche française, à cause de Ney, chargeant sans à propos, et défaillant dés Ligny, comme s’il n’avait pas été, de surcroit au dernier moment, nommé à un commandement trop important pour lui, à cause de Grouchy, comme si Napoléon lui avait laissé des ordres réalistes et précis… Bref, tout le monde a été défaillant sauf l’Empereur et le soldat de terrain. Ce n’est pas faux pour le soldat. Mais on refuse de voir les erreurs de Napoléon. A la limite, c’est Dieu lui-même, comme dira Hugo, qui voulait empêcher que Napoléon lui fasse de l’ombre, et fut à l’origine de sa chute.
Tout cela ne concerne bien entendu qu’une partie des analystes français. C’est sans doute ce que l’on pourrait objecter au livre, bien documenté par ailleurs, et d’une fort agréable lecture, de Stephen Clarke. Sa critique de Dominique de Villepin est ainsi infondée. On peut et on doit voir – comme le fait Villepin – le tragique de Waterloo, la « crucifiction » écrit-il, sans pour autant s’aveugler sur la mauvaise conduite de la bataille par Napoléon, et ce, en situant Waterloo dans l’ensemble de la campagne de Belgique, car la défaite trouve son germe dès que Napoléon croit avoir mis hors de combat les Prussiens à Ligny, alors qu’il ne les a qu’étrillés. Ajoutons que l’esprit anglais joue parfois des tours à notre British historien. Quand Napoléon dit que les Alliés ont été aveuglés par un moment de prospérité, Clarke croit à une allusion à la bonne santé du commerce anglais. Il n’en est évidemment rien. Napoléon, à la veille de la campagne qu’il engage en Belgique, fait allusion à la prospérité des armes dont ont bénéficié les Alliés en 1814, prospérité qui l’a conduit à devoir abdiquer à Fontainebleau. En d’autres termes, il est parfois bon de voir les choses par l’extérieur, avec du recul, mais il est utile aussi pour leur compréhension de les voir de l’intérieur.
Même si les Français, c’est vrai, ont mal à la France depuis Waterloo, désastre qui annonce celui de juin 40.
Stephen Clarke, Comment les Français ont gagné Waterloo, Albin Michel, 284 pages, 20 €
La bataille de Waterloo aurait été perdue à cause de la pluie, comme si elle ne gênait que les Français, à cause du terrain, choisi un an auparavant par Wellington, comme si Napoléon n’avait pas décidé de mener une bataille offensive ce jour et sur ce terrain, à cause de Soult, mauvais major général, comme si ce n’était pas Napoléon qui l’avait nommé à ce contre-emploi, à cause de Jérôme s’acharnant sur la ferme de Hougoumont, comme si ce chef de guerre sans expérience s’était mis tout seul à la tête d’une partie de l’aile gauche française, à cause de Ney, chargeant sans à propos, et défaillant dés Ligny, comme s’il n’avait pas été, de surcroit au dernier moment, nommé à un commandement trop important pour lui, à cause de Grouchy, comme si Napoléon lui avait laissé des ordres réalistes et précis… Bref, tout le monde a été défaillant sauf l’Empereur et le soldat de terrain. Ce n’est pas faux pour le soldat. Mais on refuse de voir les erreurs de Napoléon. A la limite, c’est Dieu lui-même, comme dira Hugo, qui voulait empêcher que Napoléon lui fasse de l’ombre, et fut à l’origine de sa chute.
Tout cela ne concerne bien entendu qu’une partie des analystes français. C’est sans doute ce que l’on pourrait objecter au livre, bien documenté par ailleurs, et d’une fort agréable lecture, de Stephen Clarke. Sa critique de Dominique de Villepin est ainsi infondée. On peut et on doit voir – comme le fait Villepin – le tragique de Waterloo, la « crucifiction » écrit-il, sans pour autant s’aveugler sur la mauvaise conduite de la bataille par Napoléon, et ce, en situant Waterloo dans l’ensemble de la campagne de Belgique, car la défaite trouve son germe dès que Napoléon croit avoir mis hors de combat les Prussiens à Ligny, alors qu’il ne les a qu’étrillés. Ajoutons que l’esprit anglais joue parfois des tours à notre British historien. Quand Napoléon dit que les Alliés ont été aveuglés par un moment de prospérité, Clarke croit à une allusion à la bonne santé du commerce anglais. Il n’en est évidemment rien. Napoléon, à la veille de la campagne qu’il engage en Belgique, fait allusion à la prospérité des armes dont ont bénéficié les Alliés en 1814, prospérité qui l’a conduit à devoir abdiquer à Fontainebleau. En d’autres termes, il est parfois bon de voir les choses par l’extérieur, avec du recul, mais il est utile aussi pour leur compréhension de les voir de l’intérieur.
Même si les Français, c’est vrai, ont mal à la France depuis Waterloo, désastre qui annonce celui de juin 40.
Stephen Clarke, Comment les Français ont gagné Waterloo, Albin Michel, 284 pages, 20 €