Christophe Barbier
Le PS abandonne l'une de ses fonctions
historiques: être un parti de l'avant-garde et non du suivisme, éclairer
les différents possibles plutôt qu'attendre et exploiter la colère
sociale.
François Mitterrand est "le candidat unique de quatre gauches, dont l'extrême droite", cingla André Malraux dans l'entre-deux tours de l'élection présidentielle de décembre 1965, après le ralliement de Jean-Louis Tixier-Vignancour. En 2017, François Hollande espère bien être le candidat unique de quatre gauches face à l'extrême droite. C'est là sa seule chance, ou presque, d'être réélu: que radicaux, écologistes et mélenchonistes soient dans l'incapacité de présenter l'un des leurs, puis que le second tour le confronte à Marine Le Pen.
Loin d'être acquise, cette configuration astrale n'est pas impossible: Jean-Luc Mélenchon ne mène plus qu'un groupuscule de disciples, les Verts abordent la phase "compost" de leur décomposition politique et les radicaux relèvent des archéologues plus que des politologues.
Idéologie caoutchouteuse
Certes, demeurent un hologramme de Parti communiste et les brandons jamais éteints de l'extrême gauche, mais, à moins d'un incendie social généralisé dans le pays, ils ne feront pas d'ombre au président sortant. En France, si la tradition républicaine est menacée dans les deux années qui viennent, ce sera par l'extrême droite et par les urnes, non par l'extrême gauche et par la rue.
C'est le Parti socialiste, la première des quatre gauches, qui doit inquiéter le plus François Hollande. Les jeux du cirque de La Rochelle, le week-end dernier, où furent déchiquetés, par les lions de l'utopie, Macron et ses évidences puis Valls et son bon sens, montrent à quel point le socialisme est en crise: sans identité ni cohérence, c'est une idéologie caoutchouteuse, un élastique sur lequel tire chaque clan et qui leur saute régulièrement à la figure.
Le congrès des dupes, à Poitiers, s'est terminé à La Rochelle: le gouvernement n'appliquera pas la motion qu'il a promue dans le parti, le parti n'approuve pas la ligne du gouvernement. Le PS n'est ni le parti du Premier ministre, trop social-libéral à son goût, ni le parti du président, trop faible pour lui dicter sa ligne, ni même le parti du premier secrétaire, trop encombré de compromis et de combinaisons.
Le socialisme écartelé entre ses pôles
A la gauche plurielle de jadis, congruente autour de Lionel Jospin, succède la gauche en miettes, indifférente au sort et aux dires de François Hollande. Si le PS échappe aux vents centrifuges qui balaient les écologistes, ce n'est que par le pragmatisme intéressé de ses membres: dans le parti, peu d'avenir politique, mais hors du parti, point de salut électoral. Néanmoins, le socialisme, comme dans les cosmologies antiques où l'on est tiraillé entre des astres contraires - la Lune et le Soleil, le mal et le bien -, est écartelé entre ses pôles.
Pour commencer, cette gauche-là semble rejeter le pouvoir et vivre dans la nostalgie de l'opposition. Après avoir combattu dix ans pour récupérer la gestion du pays, la voici dégoûtée, lasse d'être aux affaires et pressée de retrouver le confort plein d'espoir de la contestation. Puisque gouverner, c'est trahir, il ne faut pas gagner les élections, mais se contenter de mener des luttes sociales ou des combats d'idées. Ensuite, dans l'alternative réforme ou révolution, les socialistes qui sifflent Macron préfèrent nettement le second terme. C'est un cycle de trente ans qui s'achève, et nombre de socialistes veulent briser le moule creusé en 1984, celui de la raison, dans lequel Michel Rocard, Lionel Jospin puis Manuel Valls ont coulé leur réformisme.
Enfin, en cette crise nourrie par l'épuisement du socialisme des collectivités locales autant que par l'échec de l'exécutif national, le PS abandonne sans s'en rendre compte l'une de ses fonctions historiques : être un parti de l'avant-garde et non du suivisme; éclairer les différents possibles plutôt qu'attendre et exploiter la colère sociale. En sacrifiant l'imagination à la protestation, les socialistes prendraient l'Histoire en marche arrière. Il est pourtant possible d'inventer un réformisme du capitalisme ubérisé, de la société néo-individualiste et du développement à faible croissance. Les militants qui sifflent à La Rochelle et le président qui sourit à l'Elysée en sont-ils capables ?
François Mitterrand est "le candidat unique de quatre gauches, dont l'extrême droite", cingla André Malraux dans l'entre-deux tours de l'élection présidentielle de décembre 1965, après le ralliement de Jean-Louis Tixier-Vignancour. En 2017, François Hollande espère bien être le candidat unique de quatre gauches face à l'extrême droite. C'est là sa seule chance, ou presque, d'être réélu: que radicaux, écologistes et mélenchonistes soient dans l'incapacité de présenter l'un des leurs, puis que le second tour le confronte à Marine Le Pen.
Loin d'être acquise, cette configuration astrale n'est pas impossible: Jean-Luc Mélenchon ne mène plus qu'un groupuscule de disciples, les Verts abordent la phase "compost" de leur décomposition politique et les radicaux relèvent des archéologues plus que des politologues.
Idéologie caoutchouteuse
Certes, demeurent un hologramme de Parti communiste et les brandons jamais éteints de l'extrême gauche, mais, à moins d'un incendie social généralisé dans le pays, ils ne feront pas d'ombre au président sortant. En France, si la tradition républicaine est menacée dans les deux années qui viennent, ce sera par l'extrême droite et par les urnes, non par l'extrême gauche et par la rue.
C'est le Parti socialiste, la première des quatre gauches, qui doit inquiéter le plus François Hollande. Les jeux du cirque de La Rochelle, le week-end dernier, où furent déchiquetés, par les lions de l'utopie, Macron et ses évidences puis Valls et son bon sens, montrent à quel point le socialisme est en crise: sans identité ni cohérence, c'est une idéologie caoutchouteuse, un élastique sur lequel tire chaque clan et qui leur saute régulièrement à la figure.
Le congrès des dupes, à Poitiers, s'est terminé à La Rochelle: le gouvernement n'appliquera pas la motion qu'il a promue dans le parti, le parti n'approuve pas la ligne du gouvernement. Le PS n'est ni le parti du Premier ministre, trop social-libéral à son goût, ni le parti du président, trop faible pour lui dicter sa ligne, ni même le parti du premier secrétaire, trop encombré de compromis et de combinaisons.
Le socialisme écartelé entre ses pôles
A la gauche plurielle de jadis, congruente autour de Lionel Jospin, succède la gauche en miettes, indifférente au sort et aux dires de François Hollande. Si le PS échappe aux vents centrifuges qui balaient les écologistes, ce n'est que par le pragmatisme intéressé de ses membres: dans le parti, peu d'avenir politique, mais hors du parti, point de salut électoral. Néanmoins, le socialisme, comme dans les cosmologies antiques où l'on est tiraillé entre des astres contraires - la Lune et le Soleil, le mal et le bien -, est écartelé entre ses pôles.
Pour commencer, cette gauche-là semble rejeter le pouvoir et vivre dans la nostalgie de l'opposition. Après avoir combattu dix ans pour récupérer la gestion du pays, la voici dégoûtée, lasse d'être aux affaires et pressée de retrouver le confort plein d'espoir de la contestation. Puisque gouverner, c'est trahir, il ne faut pas gagner les élections, mais se contenter de mener des luttes sociales ou des combats d'idées. Ensuite, dans l'alternative réforme ou révolution, les socialistes qui sifflent Macron préfèrent nettement le second terme. C'est un cycle de trente ans qui s'achève, et nombre de socialistes veulent briser le moule creusé en 1984, celui de la raison, dans lequel Michel Rocard, Lionel Jospin puis Manuel Valls ont coulé leur réformisme.
Enfin, en cette crise nourrie par l'épuisement du socialisme des collectivités locales autant que par l'échec de l'exécutif national, le PS abandonne sans s'en rendre compte l'une de ses fonctions historiques : être un parti de l'avant-garde et non du suivisme; éclairer les différents possibles plutôt qu'attendre et exploiter la colère sociale. En sacrifiant l'imagination à la protestation, les socialistes prendraient l'Histoire en marche arrière. Il est pourtant possible d'inventer un réformisme du capitalisme ubérisé, de la société néo-individualiste et du développement à faible croissance. Les militants qui sifflent à La Rochelle et le président qui sourit à l'Elysée en sont-ils capables ?