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dimanche 18 décembre 2016

3 visages de l’anti-libéralisme

Sous de multiples formes, les mouvements antilibéraux contestent les valeurs et les principes de liberté dans le monde entier.

Par Tom G. Palmer

anti-libéralisme


Un spectre hante le monde : celui de mouvements antilibéraux radicaux, chacun se débattant avec les autres comme des scorpions dans une bouteille, et tous se concurrençant pour être celui pouvant démanteler les institutions de la liberté le plus rapidement. Certains se sont développés dans les universités et d’autres dans des lieux réservés au élites ; certains tirent leur force d’un populisme qui crie sa colère. Les versions gauchistes et droitières de cette cause commune antilibérale sont d’ailleurs interconnectées, chacune alimentant l’autre.

Tous ces mouvements rejettent explicitement la liberté individuelle, l’état de droit, le gouvernement limité et la liberté des échanges. Tous font la promotion de formes radicales, quoique s’opposant violemment, de politique identitaire et d’autoritarisme. Ces mouvements constituent un danger et ne doivent pas être sous-estimés.

Sous de multiples formes, ces mouvements contestent les valeurs et les principes libéraux dans le monde entier, en particulier en Europe, en Amérique et dans certaines régions de l’Asie, mais leur influence se fait sentir partout. Ils partagent un rejet radical des idées de la raison, de la liberté et de l’état de droit qui avaient animé la fondation de la République américaine et qui sont effectivement les fondements de la modernité.

Ceux qui préfèrent le constitutionnalisme à la dictature, le libre marché à l’étatisme socialiste, le libre échange à l’autarcie, la tolérance à l’oppression et l’harmonie sociale à un antagonisme irréconciliable doivent se réveiller : notre cause, ainsi que la prospérité et la paix qu’elle engendre, sont en grave danger.

Trois visages de l’anti-libéralisme

 

Au moins trois menaces symbiotiques à la liberté émergent à l’horizon :
  • la politique identitaire et l’économie politique « de jeu à somme nulle » des conflits et agressions qu’elle engendre ;
  • le populisme, ainsi que l’aspiration à un règne d’hommes forts qui l’accompagne invariablement ;
  • l’islamisme politique radical.
Ces trois menaces partagent certaines racines intellectuelles communes et forment un réseau entrelacé, se dynamisant mutuellement au détriment du consensus libéral classique.
Bien que tous ces mouvements soient bardés d’erreurs, et en particulier d’erreurs économiques, ils ne sont pas motivés uniquement par un manque de compréhension des principes économiques, comme le sont tant d’interventions étatistes.
Bien que l’essentiel du soutien au salaire minimum, aux restrictions commerciales ou à l’interdiction des stupéfiants repose sur des méprises factuelles quant aux conséquences de ces positions, les leaders intellectuels de ces mouvements d’anti-libéralisme ne sont généralement pas des gens inconscients. Ils comprennent souvent assez bien les idées libérales, et ils les rejettent en bloc.

Ils croient que les idées d’égalité devant la loi, de systèmes juridiques et politiques fondés sur des règles, de tolérance et de liberté de pensée et d’expression, du commerce volontaire – surtout entre étrangers – pour un avantage mutuel et des droits individuels imprescriptibles et égaux – toutes ces idées ne seraient qu’un camouflage hypocrite et intéressé de l’exploitation, promu par des élites malfaisantes, et que ceux qui les défendent sont soit eux-mêmes malfaisants, soit désespérément naïfs.

Il est temps que les défenseurs de la liberté se rendent compte que certains rejettent la liberté pour autrui (et également pour eux-mêmes) non seulement parce qu’ils ne comprennent pas l’économie ou parce qu’ils retireront un avantage matériel au fait de miner l’état de droit, mais parce qu’ils s’opposent aux principes et à la pratique de la liberté. Ils ne cherchent pas l’égalité devant la loi, ils la rejettent et lui préfèrent la politique basée sur l’inégalité identitaire. Ils ne croient pas en votre droit de ne pas être d’accord avec eux et ils ne vont certainement pas défendre votre droit de le faire. Ils considèrent le commerce comme un complot. Et ils préfèrent une « politique de la volonté » à une politique respectueuse des processus. Ils attaqueront n’importe qui pour avoir offensé leurs identités sacrées. Ils ne veulent certainement pas « vivre et laisser vivre ».

L’anti-libéralisme de la politique identitaire

 

Cela a pris des décennies, mais un mouvement vigoureusement antilibéral et anti-tolérance du côté gauche du spectre a effectivement gagné un grand nombre d’universitaires dans une grande partie de l’Europe, de l’Amérique du Nord et d’autres pays. Leur but est de faire usage de la punition, de l’intimidation et de la perturbation au niveau administratif, afin de supprimer toutes les opinions qu’ils considèrent incompatibles avec leur vision.

Ce mouvement est enraciné dans les écrits d’un marxiste allemand qui étudia avec le théoricien nazi Martin Heidegger. Son nom était Herbert Marcuse, et après sa venue aux États-Unis il devint très influent au sein de l’extrême gauche.

L’essai de Marcuse de 1965 intitulé Tolérance répressive prétendait que, pour atteindre la libération, ou du moins la vision qu’il en avait, il fallait supprimer la tolérance à l’égard de l’expression et de l’assemblée de groupes et de mouvements favorisant des politiques agressives, l’armement, le chauvinisme, la discrimination fondée sur la race et la religion, ou s’opposant à l’extension des services publics, de la sécurité sociale, des soins médicaux etc.

La restauration de la liberté de pensée pouvait ainsi nécessiter des restrictions nouvelles et rigides en matière d’enseignements et de pratiques dans les établissements d’enseignement qui, par leurs méthodes et leurs concepts, servent à enfermer l’esprit dans l’univers établi du discours et du comportement, empêchant ainsi l’évaluation rationnelle des alternatives.

Pour Marcuse, comme pour ceux qui suivent sa ligne aujoud’hui (dont beaucoup n’ont jamais entendu parler), « libérer la tolérance signifierait alors l’intolérance vis à vis des mouvements de droite et la tolérance à l’égard des mouvements de gauche ».

En cohérence avec ce scénario, ceux qui sont en désaccord avec la nouvelle orthodoxie se voient conspués, refusés de toute tribune, forcés de subir des leçons de « rééducation de la sensibilité », interdits de parler, intimidés, agressés et même menacés de violence pour les faire taire. Pensez à nouveau à l’appel de Melissa Click, la professeure de l’Université du Missouri, à ses partisans : « Hé, qui veut m’aider à sortir ce journaliste d’ici ? J’ai besoin de muscles ici ! ». Voilà bien le message de Marcuse en action.

Le « politiquement correct » à gauche a suscité une réaction tout autant antilibérale à droite. Les mouvements d’extrême-droite qui gagnent du terrain en Europe et la fusion « Alt-Right » du populisme et du nationalisme blanc aux États-Unis ont attiré des partisans convaincus que leur existence ou leur mode de vie est menacé par le capitalisme, le libre-échange et le pluralisme ethnique.

Furieux de la domination exercée par une gauche illibérale sur l’expression, excédés par l’espèce de chasse aux sorcières contre les dissidents, ils ont été poussés à l’action. En un sens, ils sont devenus l’image en miroir de leurs persécuteurs. Au sein des partis européens, ils ont ressuscité les idéologies politiques et le langage empoisonnés des années 1930. Aux États-Unis ils ont été dynamisés par le mouvement Trump, auquel ils se sont rattachés, attaquant le commerce international, dénigrant les Mexicains et les Musulmans et suscitant le ressentiment à l’encontre des élites.

L’appel à des « espaces sûrs » politiquement corrects réservés aux minorités se retrouve en reflet chez les nationalistes blancs qui appellent à affirmer « l’identité blanche » et la « nation blanche ». Le doyen du nationalisme blanc, mouvement également connu sous le label d’« identitarianisme » aux États-Unis, Jared Taylor, a récemment déclaré à la radio publique nationale que

« la tendance naturelle de la nature humaine est tribale. Lorsque les Noirs ou les Asiatiques ou les Hispaniques expriment le désir de vivre avec des gens comme eux, ils expriment une préférence pour leur propre culture, leur propre héritage : il n’y a rien de mal à cela. C’est seulement quand les blancs disent, « oui, je préfère la culture de l’Europe et je préfère être entouré de blancs », pour une raison quelconque, et seulement quand ce sont des blancs, que cela est considéré comme profondément immoral. »

Le professeur de philosophie Slavoz Žižek est une voix influente à l’extrême gauche, plus connu en Europe qu’en Amérique, mais jouissant d’un écho mondial croissant. Pour Žižek, la liberté dans les sociétés libérales est une illusion. Il brode le fil conducteur entre la gauche et la droite illibérales. Ce fil se retrouve dans le travail du professeur de droit national-socialiste Carl Schmitt, collaborateur de Martin Heidegger, qui réduisit de manière célèbre « la distinction politique spécifique … à celle entre l’ami et l’ennemi ». Žižek affirme lui « la primauté inconditionnelle de l’antagonisme inhérent comme constitutif du politique ».

Aux yeux de tels penseurs, l’harmonie sociale et les philosophies du « vivre et laisser vivre » ne sont qu’illusion. Pour eux ce qui est réel, c’est la lutte pour la domination. Et, en un sens très profond, même la personne individuelle de chair et de sang n’existe effectivement pas pour ces penseurs, car ce qui existe réellement sont des forces ou des identités sociales. En effet, l’individu n’est rien d’autre que l’instanciation des forces ou des identités collectives qui sont intrinsèquement antagonistes entre elles.

L’autoritarisme populiste anti-libéral

 

Le populisme coïncide souvent avec les différentes formes de politique identitaire, mais y ajoute la colère à l’égard des élites, une économie politique qui marche sur la tête, ainsi que l’ardent désir d’avoir un chef pouvant concentrer entre ses mains la volonté authentique du peuple.

Des mouvements populistes ont émergé dans de nombreux pays, de la Pologne à l’Espagne, en passant par les Philippines ou les États-Unis. Michael Kazin dans son livre The Populist Persuasion propose une définition du populisme :

« Un langage dont les locuteurs conçoivent les gens ordinaires comme un assemblage noble, non étroitement limité par la classe ; qui considèrent leurs adversaires d’élite comme une classe antidémocratique s’octroyant des privilèges ; et qui cherchent à mobiliser les premiers contre les derniers. »

La tendance normale de ces mouvements est de suivre un leader charismatique qui, en sa personne, incarne le peuple et concentre la volonté populaire.

Un thème récurrent chez les populistes est la nécessité de mettre au pouvoir un leader qui ne s’embarrasse pas des procédures, règles, équilibres des pouvoirs, et autres protections des droits, privilèges et immunités et qui peut « tout simplement agir ».

Dans La route de la servitude, Friedrich Hayek décrit cette impatience à l’égard des règles comme le prélude au totalitarisme :

« Ce stade est caractérisé par  l’exigence d’une action gouvernementale énergique et rapide, par le mécontentement général provoqué par la lenteur et la bureaucratie démocratiques: on réclame l’action pour l’action. Dans cette ambiance, on se tourne vers l’homme ou le parti qui semble suffisamment fort et résolu pour « agir ». »

Dans plusieurs États, les partis populistes et autoritaires ont repris le pouvoir et s’ingénient à le consolider. En Russie, Vladimir Poutine a créé un nouveau gouvernement autoritaire qui domine toutes les autres institutions de la société et dépend de ses propres décisions personnelles. Poutine et ses proches ont mis la main sur les médias de manière systématique et complète, et les ont utilisées pour générer le sentiment profond d’une nation assiégée, dont la culture unique est constamment menacée par ses voisins et qui n’est défendue que par la main forte du chef.

Le gouvernement de Hongrie, après avoir obtenu une majorité parlementaire de deux tiers en 2010, a commencé à institutionnaliser le contrôle de tous les organes de l’État entre les mains des partisans du parti Fidesz. Ce dernier a présenté son chef, Viktor Orbán, comme un sauveur national et a lancé une politique toujours plus antilibérale de nationalisation, de connivence et de restrictions à la liberté d’expression. Orbán a déclaré :


« Nous rompons avec les dogmes et les idéologies qui ont été adoptées par l’Occident et nous nous tenons indépendants d’eux… afin de construire un nouvel État bâti sur des bases illibérales et nationales au sein de l’Union européenne ».

Bien sûr, « au sein de l’Union européenne » se traduit par « subventionné par les contribuables d’autres pays »…

Après la victoire du Fidesz en 2010, le leader du parti nationaliste et anti-marché polonais Droit et Justice, Jaroslaw Kaczyński, a pu déclarer que la stratégie nationaliste, populiste et de connivence d’Orbán était « un exemple de la façon dont nous pouvons gagner ». Kaczyński a réussi à combiner politique identitaire et populisme pour évincer le gouvernement de centre-droit d’un pays dont l’économie est en pleine expansion, et a commencé à instituer des mesures populistes et protectionnistes qui se sont révélées adverses à la prospérité. L’Indicateur du Populisme Autoritaire 2016 de l’institut libéral Timbro en Suède, a conclu que, à gauche et à droite, en Europe contemporaine « le populisme n’est pas un défi temporaire, mais une menace permanente ».

Poutine, le pionnier de la tendance à l’autoritarisme, a versé des centaines de millions de dollars afin de promouvoir le populisme antilibéral à travers l’Europe par le biais d’un empire médiatique mondial sophistiqué, comprenant RT et Sputnik News, ainsi qu’un réseau d’usines de trolls Internet et de nombreux sites Web sur mesure. Le russe Peter Pomerantsev, pionnier des médias, dans son remarquable ouvrage Nothing is True and Everything is Possible, (« Rien n’est vrai et tout est possible ») note que « le Kremlin change les messages à volonté à son avantage »...

Les nationalistes d’Europe de droite sont séduits par le message anti-UE ; l’extrême gauche est cooptée avec des histoires sur la lutte contre l’hégémonie américaine ; les conservateurs religieux américains sont convaincus par la lutte du Kremlin contre l’homosexualité. Des nuages ​​de mensonges, de dénonciations, de dénégations et plus sont créés pour saper la confiance des défenseurs des institutions libérales classiques. C’est un assaut post-moderne bien financé contre la vérité au service de la dictature.

Qu’est-ce qui provoque l’autoritarisme ?

 

Ces mouvements ne sont pas seulement le résultat d’une éducation défaillante. Ils ont un caractère profondément idéologique. Ils embrassent le collectivisme et l’autoritarisme, et rejettent l’individualisme et les règles constitutionnelles. Qu’est-ce qui les a amenés à générer tant de soutien populaire si rapidement ? Les recherches actuelles indiquent que les réponses autoritaires sont déclenchées par la perception de menaces à la sécurité physique, à l’identité du groupe et au statut social. Quand ces trois types de menace sont présents, les conditions sont réunies pour une explosion d’autoritarisme.

La violence islamiste radicale, recyclée à travers les nouvelles 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour sembler encore plus répandue et plus commune qu’elle ne l’est réellement, présente une menace extérieure apparemment alarmante. L’intégrité et le statut du groupe sont également en jeu.

La recherche de la politologue Karen Stenner soutient l’idée qu’il existe une prédisposition à l’autoritarisme qui est déclenchée par des « menaces normatives », c’est-à-dire la perception que les opinions traditionnelles sont menacées ou ne sont plus partagées à travers une communauté. De telles menaces normatives déclenchent une réaction chez ceux qui sont prédisposés à l’autoritarisme, pour devenir des « gardiens de la frontière » actifs, des responsables des normes et des pom-pom girls de l’autorité.
Les menaces à l’encontre du statut social aggravent encore davantage ces réactions autoritaires. Le cœur du soutien aux mouvements populistes autoritaires en Europe, ainsi que la frange radicale du mouvement Trump en Amérique, est constitué par des hommes blancs avec un faible niveau d’éducation, ayant vu leur statut social relatif décliner alors que celui des autres (les femmes et les étrangers) a pu s’améliorer. Aux États-Unis, les hommes blancs âgés de 30 à 49 ans ayant des diplômes d’études secondaires, ou moins, ont vu leur taux d’activité diminuer précipitamment, au point où plus d’un sur cinq ne cherchent même plus du travail mais ont quitté la population active. Sans travail rémunérateur et épanouissant, ils ont subi une perte substantielle de statut social.
Les niveaux de vie absolus peuvent augmenter pour tous (et les niveaux de vie et les salaires réels ont considérablement augmenté au cours des dernières décennies), mais le statut relatif ne peut pas augmenter pour tous en même temps. Si certains groupes voient leur statut relatif s’améliorer, d’autres voient le leur régresser. Ceux des groupes qui ont régressé et qui sont prédisposés à l’autoritarisme seront fortement attirés par les figures autoritaires qui promettent de faire les choses correctement ou de restaurer la grandeur perdue.

L’islamisme radical, autre visage de l’anti-libéralisme

 

L’islamisme radical reflète certains des thèmes des autres mouvements antilibéraux, y compris la politique identitaire (la croyance que la communauté des croyants est en guerre avec tous les infidèles), les craintes populistes autoritaires de menaces à l’identité de groupe et au statut social, ainsi qu’un enthousiasme pour les leaders charismatiques qui redonneront à l’Islam sa grandeur  (« Make Islam Great Again » pour reprendre un autre slogan bien connu).

L’islamisme radical partage même avec l’extrême gauche et l’extrême droite des racines intellectuelles communes dans l’idéologie politique fasciste européenne et les idées collectivistes de l’authenticité. Le mouvement islamiste en Iran qui a créé la première «République islamique», fut profondément influencé par les penseurs fascistes européens, notamment par Martin Heidegger. Ahmad Fardid a promu les idées toxiques de Heidegger en Iran, et son disciple Jalal Al-e Ahmad a dénoncé les menaces occidentales présumées à l’identité authentique de l’Iran dans son livre Westoxification.

Comme Heidegger l’a déclaré après la victoire du parti nazi, l’ère du libéralisme était « le temps du Je. Désormais c’était le temps du Nous ». Le collectivisme extatique avait promis de délivrer le peuple allemand de son « existence historiquement inauthentique» et de le conduire vers « l’authenticité », c’est-à-dire la cause désormais embrassée par les guerriers de la justice sociale, les « identitaires » de l’Alt-Right ainsi que les islamistes radicaux.
Toutes ces tendances se renforcent mutuellement : chacune diabolise l’autre. Et au fur et à mesure que l’une grandit, augmente la menace existentielle contre laquelle les autres. La croissance de l’Islam radical attire des recrues vers des partis populistes en Europe (et en Amérique). Et l’hostilité envers les musulmans et leur aliénation par rapport à leurs sociétés accroît la capacité de l’État islamique et d’autres groupes à recruter.

En même temps, les guerriers de la justice sociale et du politiquement correct ne peuvent pas se mettre à condamner l’Islamisme radical : après tout, n’est-il pas juste une réponse à l’oppression coloniale vis-à-vis des non-chrétiens par l’hégémonie dominante chrétienne / blanche / européenne ? Et souvent ils se retrouvent non seulement incapables de condamner les crimes islamistes, mais favorisent même l’antisémitisme. L’hostilité à l’égard des Juifs et du capitalisme constitue en effet une caractéristique troublante commune de ces trois mouvements.

Le besoin de défendre la liberté

 

Les divers mouvements d’anti-libéralisme se développent aux dépens, non pas les uns des autres, mais du centre, pour ainsi dire, composé de membres tolérants de la société civile qui produisent et commercent, consciemment ou non, selon les préceptes du libéralisme classique.

Nous avons rencontré cette dynamique par le passé, dans les années 1930, lorsque les mouvements collectivistes rivalisaient les uns avec les autres pour détruire la liberté aussi vite qu’ils le pouvaient. Les fascistes affirmaient qu’ils étaient les seuls capables de défendre la société contre le bolchevisme. Les bolchéviques se mobilisaient pour écraser le fascisme. Les deux camps se combattaient, mais avaient bien plus en commun que ce qu’ils ne voulaient l’admettre.
Malheureusement, le meilleur argument que les défenseurs de la société civile offrent généralement en réponse à ces défis est que le complexe de liberté personnelle, d’état de droit et de libre marché crée davantage de prospérité et une vie plus commode que ses alternatives.

Cela est vrai, mais cela ne suffit pas à détourner les coups funestes du triumvirat illibéral de la politique identitaire, du populisme autoritaire et de l’islamisme radical. La bonté morale de la liberté doit être maintenue, non seulement lors de rencontres tête-à-tête avec nos adversaires, mais comme un moyen de durcir la résistance des libéraux classiques, au cas où ils continueraient à reculer.
La liberté n’est pas une illusion, mais un grand et noble objectif. Une vie de liberté vaut mieux, à tous égards, qu’une vie de soumission aux autres. La violence et l’antagonisme ne sont pas le fondement de la culture, mais leur négation.

Le moment est venu de défendre la liberté qui rend possible une civilisation globale qui permet l’amitié, la famille, la coopération, le commerce, l’avantage mutuel, la science, la sagesse – en un mot : la vie. Le moment est venu de contester le triumvirat antilibéral moderne et de révéler le vide qui règne en son cœur même.
Tom G. Palmer est senior fellow au Cato Institute et vice-président des programmes internationaux à l’AtlasNetwork. Il a édité La Moralité du Capitalisme, Après l’État-Providence et Peace & Love, et Liberté disponibles chez Libréchange.

  • Traduction par Emmanuel Martin.