Saddam Hussein ne disposait pas d’un abri souterrain fortifié construit par les Allemands de l’est et suréquipé d’un hôpital ultra sophistiqué, de même que d’une piste d’envol prêt à le déposer sur un lieu d’exil éventuel, comme se sont plus à le décrire, avec force détails, des bonimenteurs cupides en quête de cachetons, se pavanant sur les plateaux de télévision de leur titre galvaudé d’orientalistes de pacotille.
Mieux l’ancien président irakien n’a pas été déterré dans un trou à rat, hirsute, hébété, comme ont souhaité le présenter les spécialistes de la guerre psychologique de l’US Army. La vérité est toute autre, aux antipodes du troll américain, narrée non par des fabulateurs, mais par des acteurs du théâtre d’opération.
Le témoignage de Firas Ahmad, interprète irakien de l’armée américaine
Firas Ahmad est un nom d’emprunt utilisé par l’interprète irakien lors de son service auprès de l’armée américaine, opérant en Irak lors de l’invasion de Bagdad (2003-2009). Firas Ahmad (41 ans) a servi auprès de la 101e division aéroportée, dont la célébrité a été popularisée par le film «Apocalypse Now» pour ses «exploits» durant la guerre du Vietnam. Au terme de sa mission, il a accompagné le retrait des troupes américaines vers les États Unis où il a obtenu la nationalité américaine.
«Saddam n’a pas été déterré d’un trou. Il a été arrêté sur délation d’un de ses proches: Firas Ahmad est formel.
«Le commandement américain a célébré l’arrestation de l’ancien président irakien au cours d’une grande réception offerte au palais Ar Rahab», ancien palais présidentiel dans la zone verte transformé en quartier général politico-militaire des États Unis en Irak. Des personnalités politiques irakiennes y ont été conviées. C’est au cours des échanges que l’interprète irakien a appris les circonstances de l’arrestation de Saddam Hussein.
«La photo popularisée de son arrestation de même que le récit de sa capture sont des faux. Il a été intercepté, sur dénonciation d’un membre de son entourage, alors qu’il se trouvait dans un passage souterrain sur lequel avait été édifié une maison qui lui servait de salle de réunion avec le commandement baasiste. «La cache était d’une grande simplicité et comportait un lit, deux armes, un tapis de prière, un coran, un paquet de tabac et des sachets d’aliment lyophilisés.
«Saddam n’a pas opposé de résistance. Les soldats ont défoncé la porte en lançant des projectiles lacrymogènes et paralysants. Il a alors perdu connaissance. Les soldats américains l’ont alors traîné vers le fameux trou pour prendre la photo.
«La photo est un montage. Elle était destinée à discréditer Saddam. L’opération de sa capture avait pour nom de code «Chemin Rouge»
L’interprète assure avoir eu, par la suite, tant à Washington que dans l’état du Michigan, des conversations avec les dirigeants américains, présent en Irak au moment de l’invasion, qui l’ont déclaré «avoir regretté (l’invasion et les événements qui se sont ensuivi) et qu’ils étaient «désireux de réparer les dégâts qu’ils ont infligés en Irak». Ces dirigeants, souligne-t-il, reproche d’ailleurs à Barack Obama de s’être retiré d’Irak sans avoir remédié aux dégâts».
L’interlocuteur assure en outre avoir «vu des dirigeants islamistes se rendre auprès des Américains pour leur proposer la construction d’église ou de monuments à la mémoire des soldats américains tués en Irak dans le but de s’attirer leurs bonnes grâces. D’autres ont plaidé pour un usage intensif de la force pour réprimer l’insurrection de la ville de Falloujah, sans tenir compte des pertes en vies humaines dans les rangs de la population civile».
«Les Américains admonestaient leurs interlocuteurs irakiens dans des termes tels, que je ne parvenais pas à en assurer la traduction littérale», a-t-il dit.
«Les Américains s’opposaient à la politique de Noury Malki. Un général américain ne mâchera pas ses mots à la suite d’une campagne d’arrestation massive portant sur plusieurs centaines de personnes. Lors d’un entretien qui s’est déroulé dans la zone verte, le général américain s’adressera en ces termes au premier ministre chiite de l’époque : «La situation va exploser et vous favorisez l’extrémisme et la haine. Nous ne sommes pas disposés à être partie prenante d’une nouvelle civile en Irak».
A propos de la chute de Bagdad: La trahison, un facteur déterminant
«Je n’ai pas grande chose à dire. Mais j’en suis venu à la déduction que la trahison a été un facteur déterminant de la chute de Bagdad.
Firas Ahmad songe à rédiger ses mémoires sur cette période de l’histoire de l’Irak. Un ouvrage qu’il signera de son vrai nom, et non du pseudonyme qu’il s’est choisi «Firas Ahmad» pour des raisons de sécurité du temps de son emploi auprès de l’armée américaine.
Trois suicides parmi les collaborateurs
«La plupart des Irakiens qui ont assisté les Américains ou facilité leur tâche ont obtenu la nationalité américaine. Il n’empêche qu’ils vivent dans un état psychique de réclusion et de culpabilité au vu de l’échec de leur pari et des bains de sang dont l’Irak est le théâtre.
Trois irakiens se sont suicidés dans trois états différents de l’Union. Personnellement, je suis retourné à Bagdad pour retrouver ma quiétude. En vain. «La monture s’est effondrée et le massage est désormais sans effet».
Le témoignage de Ala’a Nameq: «C’est moi qui ait creusé le trou pour lui»
Nameq évite d’aborder ce sujet difficile à en maîtriser tous les aspects. Les yeux remplis de fierté, il finit par lâcher: «C’est moi qui ait creusé le trou pur lui que tout le monde connaît du nom de «trou de l’araignée», une petite pièce sous notre jardin, d’où les forces spéciales américaines ont déterré Saddam Hussein, le 13 décembre 2003.
Nameq et son frère Quays évoquent rarement la manière dont ils ont œuvré pour dissimuler la plupart des dirigeants irakiens pourchassés par les Américains durant les neuf mois qui ont suivi l’invasion américaine de l’Irak.
Sirotant son thé dans e café qu’il a ouvert l’été 2013, non loin du «trou», Nameq qui connaissait Saddam Hussein de longue date, se met à raconter :
« Il est venu. Il a demandé de l’aide, et j’ai dit oui ». Il a alors rétorqué : « Vous pourriez être capturé et torturé ». Mais dans notre tradition tribale arabe, en vertu d’une loi islamique, quand quelqu’un a besoin d’aide, on l’aide », explique l’homme de 41 ans.
Saddam est natif d’un village proche de Tikrit, dans le nord de l’Irak, un village situé sur les bords de l’Euphrate. Lors de sa traque par les Américains, tout le monde pensait qu’il allait chercher refuge auprès de sa tribu à Tikrit, au milieu des plantations de palmiers-dattiers, des vergers d’orangers et de coings.
Nameq assure que son frère et lui ont été arrêtés en même temps que Saddam et emprisonnés pendant six mois au camp d’Abou Ghraib. Ancien chauffeur et ancien officier d’ordonnance de Saddam Hussein, Ala’a Nameq est devenu chauffeur de taxi, le temps de faire des économies pour acheter le café-restaurant.
«Je ne raconterai pas tout. Il est possible que j’écrive un jour un livre ou réalise un film, mais c’est sûr que je ne dirai pas tout lors de cet entretien, martèle-t-il. «Ma famille, en fait son frère Quays et lui-même, ont aidé Saddam à changer de domicile à diverses reprises pour échapper aux Américains.
La vie de Saddam Hussein dans la clandestinité
Saddam ne faisait jamais usage du téléphone car il savait que les Américains veillaient à intercepter ses communications. C’était un gros consommateur de livres, tant dans des poésies que des romans. Sa bibliothèque a d’ailleurs été emportée par les Américains.
«Saddam a écrit des lettres à sa femme et à ses deux filles mais ne les a jamais reçu du temps de sa clandestinité. Ces deux seuls visiteurs auront été ses deux fils, Quoussaye et Oudaye, dont la venue a été assurée par Nameq lui-même pour rencontrer leur père.
«Saddam a enregistré plusieurs messages incitant ses partisans à combattre l’occupant américain. Il enregistrait ses messages sur un mini magnétophone, et, sachant que les Américains allaient décrypter ses enregistrements pour y déceler des indices pour sa localisation, Nameq se dirigeait en voiture jusqu’à une dizaine de km de Samara, et, là, en bordure de l’autoroute, la voix de Saddam couverte par le trafic autoroutier, il procédait à la diffusion des messages. «Je voulais plonger les Américains dans la perplexité et la confusion», lui a expliqué Saddam.
L’ancien président irakien, lucide, «savait qu’il allai être capturé et condamné à mort. Il savait aussi que tout était perdu et qu’il n’était plus président de l’Irak».
Par la suite, «j’ai été incarcéré à Abou Ghraib et soumis, quotidiennement à interrogatoire, à propos des emplacements des armes de destruction massive et de la cache des autres dirigeants irakiens.
«La chambre dans laquelle vivait Saddam était constamment plongée dans la pénombre. Les vigiles arrosaient constamment la terre adjacente pour lui conserver une certaine fraîcheur.
«A son interception, les Américains ont couvert la tête de Saddam d’un linge et ont laissé les chiens le mordre. Il a, par la suite, fait l’objet d’un simulacre d’exécution, et était constamment baigné dans une musique Rock assourdissante. J’ai supporté la torture et les morsures de chiens, mais la musique Rock était insupportable», poursuit-il.
Commandement américain: Les circonstances de l’arrestation de Saddam, entouré d’une barrière de secret.
Le porte-parole du commandement américain s’est abstenu de confirmer les détails de l’arrestation de Nameq, indiquant qu’il sera «difficile d’avoir accès aux registres de la prison d’Abou Ghraib.
«La majeure partie des détails concernant la capture de Saddam Hussein demeure entourée d’une barrière de secret», a-t-il précisé.
La version de Khalil Al-Douleimy, avocat de Saddam
Khalil Al-Douleimy, avocat de Saddam Hussein, dans un ouvrage paru en 2009 sur l’ancien président irakien, confirme qu’il connaissait personnellement la famille de Nameq depuis 1959, soit dix ans avant l’arrivée au pouvoir de Saddam Hussein et que cette famille a bien aidé SaddamSaddam à entrer dans la clandestinité.
Toutefois, l’avocat pointe du doigt la responsabilité du frère cadet de Nameq, Quays, dans la dénonciation de l’ancien président irakien. Quays qui a refusé de participer à l’entretien, a démenti ce fait.
La famille Nameq bénéficie d’un prestige comparable à celui d’une famille royale pour avoir offert l’abri à une personnalité jouissant d’un prestige certain au sein de la population de la région.
Le témoignage du général Mahmoud Hassan, responsable de la police du secteur d’Ad Dour
Le général Mahmoud Hassan, responsable de la police d’Ad Dour, considère que ce qu’a fait la famille Nameq est «un acte de bravoure».
«Cela ne concerne pas exclusivement la famille Nameq. Son acte de bravoure toute la population d’Ad Dour, car cette bourgade aimait Saddam. Les membres de cette famille sont traités avec considération en ce qu’elle a été longtemps au service de l’ancien président irakien soit comme cuisiniers, soit comme pêcheurs. Ils sont désormais traités avec davantage de respect».
Saddam Hussein a été enterré près d’Aujah, son village natal. Noury Al Malky, à l’époque Premier ministre, conscient de l’écrasante popularité de l »ancien président, a interdit l’accès à sa tombe de crainte qu’elle ne se transforme en lieu de pèlerinage.
La ferme où s’était caché Saddam Hussein, notamment «le trou de l’araignée», située près d’un palmier, est désormais difficilement identifiable à distance. Elle a été recouverte par un pigeonnier long de 4 mètres et d’une cage de perroquets.
Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l’AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l’information, membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme et de l’Association d’amitié euro-arabe. Auteur de « L’Arabie saoudite, un royaume des ténèbres » (Golias), « Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français » (Harmattan), « Hariri, de père en fils, hommes d’affaires, premiers ministres (Harmattan), « Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David » (Bachari), « Média et Démocratie, la captation de l’imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l’Association d’amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l’Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l’Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.
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