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samedi 17 décembre 2016

La réforme de l’École : une question politique ?


Vincent Feré
  Un article de Trop Libre

La récente publication des résultats PISA, précédée de celle de l’enquête Timss (trends in Mathematics and Science Study) n’a pas manqué de relancer la querelle scolaire en France. Et, à six mois de l’élection présidentielle, celle-ci n’est sans doute pas près de s’éteindre. Il suffit de constater avec quelle rapidité et quelle mauvaise foi Madame Vallaud-Belkacem a rendu François Fillon – étrange hasard ! – responsable de la situation dégradée de l’enseignement en France. Plutôt que de vaines polémiques, cette dégradation appelle pourtant à la fois une réponse dépolitisée et une réaction politique. Un espoir chimérique en France ?

Un constat partagé

Il y a bientôt trente ans, les sociologues C. Baudelot et R. Establet, tirant le bilan de la massification des lycées, publiait un essai qui fit grand bruit, Le niveau monte, réfutation d’une vieille idée concernant la prétendue décadence de nos écoles ; vingt ans plus tard, en 2009, après neuf années d’enquête PISA, ils pointaient dans L’élitisme républicain, l’échec majeur du système français en dépit de la hausse du niveau : le creusement des inégalités dont l’élitisme scolaire était, selon eux, le principal responsable.

Aujourd’hui, tout se passe comme si l’École française perdait sur tous les tableaux : des écarts toujours plus grands selon l’origine sociale des élèves, des performances générales préoccupantes en termes d’acquisition des savoirs et des compétences, sans parler du malaise enseignant et de la crise du recrutement. Le constat, récemment encore sujet à des polémiques stériles – les enquêtes PISA étant elles-mêmes remises en cause ! -, est aujourd’hui partagé : l’Ecole fonctionne mal.

« Pédagogues » et « réactionnaires »

 

Ce constat partagé alimente toutefois la sempiternelle querelle bien française entre les « pédagogues » et les « réactionnaires ». Celle-ci a rebondi à la rentrée avec la parution du pamphlet de Caroline Barjon, Mais qui sont les assassins de l’École ?, dans lequel la journaliste du Nouvel Observateur, hebdomadaire d’une gauche traditionnellement bien disposée à leur égard, accuse les « pédagogues » de la rue de Grenelle d’avoir « assassiné » l’École.
François Fillon lui a partiellement emboîté le pas dans son discours de Lyon le 23 novembre dernier, évoquant « la dictature d’une caste de pédagogues prétentieux ». Pourtant, il ne suffira pas de chasser ces derniers du pouvoir pour résoudre les problèmes scolaires français et François Fillon le sait fort bien. Il a d’ailleurs dénoncé, dans le même discours, « ces organisations qui bloquent depuis des années les réformes de l’École » et « la démission de l’État devant les syndicats ». L’École souffre donc d’un défaut de gouvernance.

Réponse dépolitisée et réaction politique

 

L’opposition, souvent stérile, entre « pédagogues » et « réactionnaires » n’est pas près de s’éteindre : elle renvoie à une mythologie française, l’École de la Troisième République et elle garantit de beaux succès de librairie ! Pourtant la crise de l’enseignement en France mérite mieux que ces polémiques qui ne servent pas le débat sur l’École.

D’autant que de part et d’autre de l’échiquier politique un même constat s’impose : il faut donner davantage de libertés au fonctionnement du système. Patrick Hetzel, porte-parole de François Fillon a ainsi déclaré aux Échos que le programme du candidat de la droite et du centre passe par une « certaine autonomie des établissements dans la mise en œuvre de la politique éducative ». Et dans une note du 9 mai dernier de France stratégie, organisme rattaché à Matignon, on pouvait lire « qu’un effort pécuniaire supplémentaire pour l’éducation ne saurait améliorer nos résultats sans une évolution (…) de l’organisation tout comme de la gouvernance du système éducatif ».

La réponse aux maux de l’École peut donc être dépolitisée, au sens où elle peut transcender les clivages politiques traditionnels et ne pas en rester à la querelle, finalement secondaire, entre « pédagogues » et « réactionnaires ». C’est du reste parce qu’il les dépasse, propose une méthode et ouvre des perspectives que le dernier ouvrage de Jean-Michel Blanquer, L’École de demain, devrait retenir l’attention des futurs candidats à l’élection présidentielle.

Lui aussi propose d’accélérer la déconcentration des structures de gouvernance de l’Éducation nationale. L’État doit évaluer en aval et non pas imposer les règles en amont. La culture de la statistique et de la circulaire doit céder la place à celle du résultat. C’est ce que laisse entendre François Fillon quand il propose de tester régulièrement les élèves.

Mais cette réponse dépolitisée appelle une réaction politique car, pour le système éducatif, il s’agit bien d’une révolution copernicienne. Celle-ci heurte non seulement les syndicats co-gestionnaires du système centralisé mais le fond culturel jacobin des enseignants eux-mêmes. Il appartient donc au politique de mobiliser les professeurs autour des transformations du système et pas seulement en louant « leur compétence et leur dévouement » comme l’a fait François Fillon à Lyon.

Car toute réforme qui donnera le sentiment de se faire contre les enseignants, une profession depuis longtemps fragilisée, ne manquera pas de les solidariser avec des syndicats pourtant largement discrédités. Le meilleur moyen de la faire échouer !

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