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jeudi 15 décembre 2016

Ces catholiques « enfermés dans une psychologie de minorité paresseuse »…


« Puisque la religion EST politique, alors, vive le pape François. » C’est à peu de choses près ce qu’affirme, dans L’Obs, Andrea Riccardi, homme politique italien et, en même temps, historien et théologien. En 1968, il a fondé la communauté de Sant’Egidio, vouée à l’aide aux plus pauvres et, depuis, multiplie les actions, y compris dans le domaine interreligieux. Il est donc fichtrement qualifié pour parler du catholicisme d’aujourd’hui.

Face aux critiques que subit le pape, Riccardi, l’un de ses plus ardents soutiens, gronde : il y a, parmi les croyants catholiques, « des purs et durs enfermés dans une psychologie de minorité paresseuse ». Et encore : « La vraie défaite de l’Église… a été de renoncer à lutter face à la prétendue sécularisation et de se mettre à se comporter comme une minorité identitaire » ; et pan sur le bec des prédécesseurs sur le siège de Pierre. Il constate que « les gens sont seuls ; certains expriment leur révolte dans le vote populiste ou dans le fondamentalisme. Le danger est là. Il faut par conséquent retisser le tissu humain de la banlieue au lieu de se replier dans sa bulle. » D’accord ! Quand commence-t-on ? Et enfin, l’argument qui tue : à ses yeux, le risque, aujourd’hui, « c’est celui du national-catholicisme »

Le choix du terme est éloquent : le point Godwin n’est pas loin. Peut-être monsieur Riccardi a-t-il raison. Peut-être les catholiques américains qui ont voté à 52 % pour Trump sont des gnangnans enfermés dans leurs croyances et heureux d’y paresser. Peut-être qu’en France, le vote Fillon provient également de réacs défensifs et nostalgiques. Peut-être qu’à force de subir le « haro sur le catho », les fidèles se réconfortent comme ils peuvent et, parfois, en se groupant ; or, tous les groupes sont des minorités. Peut-être les prises de positions politiques de l’Église choquent-elles ceux que l’Esprit saint n’a pas encore convaincus que Dieu et César marchent désormais la main dans la main. Peut-être que le fait de mettre, d’une certaine manière, le christianisme en berne face à une idéologie conquérante qui ne partage aucune des valeurs enseignées par les Évangiles déconcerte un très grand nombre de gens. Peut-être que les doutes publics émis par des éminences au sujet des prises de position du Saint-Père traduisent, au mieux, une faille béante dans l’entente au sommet de l’Église, mettant mal à l’aise les fidèles de base.

Chacun, évidemment et s’il le souhaite, se fera son idée, en conscience, quant au chemin que suit actuellement l’Église catholique. On observe, cependant, que le caractère « universel » – c’est la traduction du grec « catholicos » – de cette religion a peu à gagner des anathèmes et il faudra beaucoup de diplomatie pour faire avaler aux fidèles l’esprit unitaire que recouvre cette observation d’Andrea Riccardi : « [Le pape] est à mon sens bien moins négligent des principes chrétiens que les rigoristes qui se tiennent en dehors du monde en le condamnant. »

 Yannik Chauvin

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